Publié le 19 Feb 2020 - 22:42
DIALOGUE POLITIQUE : CUMUL DE FONCTIONS DE PRESIDENT ET DE CHEF DE PARTI

Macky Sall seul contre tous

 

Alors que l’opposition, les non-alignés et la société civile sont unanimes à demander l’interdiction du cumul des fonctions de président de la République et de chef de parti, la majorité dit niet et rejette, par la même occasion, les arguments brandis par les uns et les autres pour justifier la pertinence d’une telle proposition.

 

Comme il l’avait fait avec les conclusions des Assises nationales, Macky Sall rejette la suppression du cumul des fonctions de président de la République et de chef de parti ou coalition de partis politiques. Le chef de l’Etat et son camp campent sur leur position et font ainsi face au bloc constitué par l’opposition, les non-alignés et la société civile à l’origine de ladite proposition reprise des conclusions des Assises nationales et discutée, hier, au sein de la Commission du dialogue politique.

A l’issue de la rencontre qui a été, principalement, monopolisée par cette question du cumul, il n’y a pas eu de consensus sur la question. ‘’En définitive, on n’a pas eu de consensus. Le pôle des non-alignés, le pôle de l’opposition et la société civile sont d’accord sur une suppression du cumul des fonctions de président de la République et de chef de parti ou de coalition de partis. Mais, la majorité dit que les arguments avancés ne la conviennent pas. Elle estime qu’il n’y a pas lieu d’interdire ce cumul’’, déclare le plénipotentiaire des non-alignés, Déthié Faye, à la fin de la rencontre. Cependant, note le plénipotentiaire de l’opposition Saliou Sarr, la discussion n’est pas encore close autour de la question.

‘’On n’a pas trouvé de consensus, mais on a tout de même décidé de ne pas, pour le moment, constater un désaccord, de mettre la question dans le panier des sujets à rediscuter, le temps de continuer les concertations inter-pôles. Mais, il faut dire qu’en dehors de la majorité, tout le monde est d’accord qu’il faut régler le problème du cumul des fonctions de président de la République et de chef de parti’’, déclare le membre de la coalition Taxawu Dakar de Khalifa Ababacar Sall.

Seule contre toutes les autres parties prenantes du dialogue politique, la majorité n’est pas du tout convaincue par les arguments brandis. Selon le chargé des élections de l’Alliance pour la République, la majorité se veut constante sur ce sujet. ‘’Nous sommes constants. On a toujours été très clair sur le cumul de chef de parti et de président de la République. Même quand le président Macky Sall signait la charte des Assises nationales, il l’avait fait avec réserve. On n’est pas d’accord sur la séparation des deux fonctions’’, rétorque, d’emblée, Benoit Sambou.

D’ailleurs, relève-t-il, dans l’histoire politique du Sénégal, aucun président de la République ne s’est départi de la fonction de chef de parti. Pour lui, quand on fait des réformes, il faut éviter d’être en contradiction avec ce que la société elle-même ressent. ‘’Abdoulaye Wade disait qu’il n’abandonnera pas ses militants, après son élection. Les Sénégalais considèrent que le président de la République est la clé de voûte et que, dans le parti, c’est lui qui est le leader. Un pouvoir, dans tous les pays du monde, s’adosse sur un parti fort. Que ce soit aux Etats-Unis, en France ou ailleurs, aucun régime ne peut se passer d’un parti fort. Dans notre pays, avoir un parti fort, c’est avoir un leader fort et le leader, c’est le président de la République’’, défend-il.

De plus, Benoit Sambou estime que la Constitution, en son article 38, règle la question, en stipulant que le président de la République peut occuper d’autres fonctions comme celle de chef de parti.

Selon le chargé des élections du parti présidentiel, l’APR a toujours considéré que le président de la République peut être chef de parti. Car, c’est un parti fort qui soutient un régime. ‘’La seule fois qu’il y a eu tentative de coup d’Etat au Sénégal, c’est quand le président de la République n’était pas chef de parti. On a tout de suite eu une crise institutionnelle, quand le président de la République a cessé d’être chef de parti. De ce fait, les arguments avancés selon lesquels il y a le risque d’offenser le chef de l’Etat en s’adressant au chef de parti, ne tiennent pas’’, fulmine-t-il.

Liberté des candidatures

Outre le cumul des fonctions de président de la République et de chef de parti, la Commission du dialogue politique a également abordé la question de la liberté des candidatures, avec les articles L31 et L32 du Code électoral qui indiquent que, quand on a été condamné pour une certaine peine, on ne peut plus figurer dans le fichier électoral. Soulevée par la société civile, cette question n’est pas encore épuisée. D’ailleurs, la Commission politique du dialogue national a demandé à celle-ci d’argumenter et de faire des propositions concrètes par rapport aux articles du Code électoral qu’elle a ciblés comme devant être réformés. Sur la base de ses propositions, les autres pôles vont se prononcer jeudi prochain. Avant de s’attaquer à l’article 80 et à l’arrêté Ousmane Ngom.

Pour une meilleure amélioration de la démocratie sénégalaise, certaines parties prenantes du dialogue politique pensent qu’il faut aller dans le sens de supprimer l’article 80 du Code pénal qui est en lien avec l’article 139 du Code de procédure pénale. Mais sur toutes ces questions, il n’y a pas encore de convergence de vue. C’est d’ailleurs pourquoi les discussions vont se poursuivre ce jeudi.

Ce n’est qu’à l’épuisement de ces questions qu’une discussion se mènera autour de la décrispation de l’espace politique, avec les cas de Khalifa Sall, Karim Wade, Guy Marius Sagna et ses codétenus.

ASSANE MBAYE

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