Publié le 20 Apr 2016 - 00:26
DIFFICULTES DANS LE RESPECT DES ACCORDS

Le spectre du FMI

 

Le Sénégal est-il à nouveau en train de vivre les ajustements structurels ? C’est du moins ce que pensent les acteurs de l’école qui voient l’ombre du FMI dans la difficulté du gouvernement à respecter les accords signés avec les syndicats d’enseignants.

 

Parmi les autres points ayant fait l’objet d’accords entre le gouvernement et les syndicats d’enseignants, il y a la formation diplômante. Cela concerne entre autres les instituteurs adjoints et ceux qui ont des diplômes spéciaux, c'est-à-dire des sociologues qui enseignent la philosophie ou des économistes profs de maths. Selon les termes du document, toutes les formations devaient démarrer au plus tard le 15 juillet 2015. Pour les instituteurs adjoints au nombre de 21 678,  les syndicats reconnaissent que 3000 d’entre eux sont pris en charge. C’est déjà un bon départ, pense Abdou Faty. Mais pour Mamadou Lamine Dianté, ce n’est pas suffisant, car cela représente 1 enseignant sur 7. Pour le moyen-secondaire par contre, rien n’a bougé. D’après M. Faty, le démarrage de la formation est assujetti à un décret qui n’est jamais sorti. Le ministère de l’Education assure avoir fait des propositions aux enseignants qui les ont rejetées.

Pour l’habitat social, un grand pas est déjà franchi. La ZAC (zone d’aménagement concertée) de Kounoune est déjà réglée avec eau et électricité. Mais il reste les ZAC de quelques régions. ‘’Il y a d’immenses efforts faits par le gouvernement’’, admet M. Dianté qui se trouve entre 30 et 40% de satisfaction. Presque au même niveau que ses camarades Ndoye et Faty qui sont à 30%.

Mais autant les syndicats saluent l’avancée sur ce point, autant ils dénoncent l’immobilisme sur la gestion démocratique des personnels enseignants. Sur ce point, il faut tout simplement préciser que le ministre de l’Education ne s’est pas du tout conformer aux directives du Premier ministre. En effet, dans le PV, le gouvernement avait engagé les deux ministres concernés (Education et Formation) à rendre effective la gestion démocratique.

‘’Le ministre de l’Education nationale devra, à cet effet, réactiver la Commission gestion démocratique en vue notamment de la prise en charge du mouvement national de 2015, y compris les rapprochements de conjoints et les cas sociaux’’, ajoute le document. Or, à ce jour, la commission n’a pas encore été réactivée. Le mouvement national 2015 a donc eu lieu sans la commission. Et les syndicats croient savoir que celui de 2016 se prépare sans elle. Le ministère de l’Education reconnaît certes que la commission n’est pas réhabilitée, mais il assure qu’aucun mouvement ne s’est fait sans l’implication des enseignants. Ce que conteste le Saems-Cusems qui affirme n’avoir jamais participé à des travaux de ce genre. Aujourd’hui, le décret devant être signé par les deux ministres (Education et Formation) est en cours, dit-on.

Le seul point des revendications qui a connu une satisfaction à 100% est celui relatif aux surimposés de 2006. Les enseignants victimes de cette ‘’erreur’’ ont recouvré intégralement leur argent. Un point entièrement satisfait sur 8 points, voilà l’explication des grèves sans fin depuis le début de l’année. Aujourd’hui, à un an de la date de la signature du PV, le niveau de satisfaction générale reste très faible. Elle est de 25% chez Abdoulaye Ndoye et Abdou Faty. Moins de 10% chez Mamadou Lamine Dianté. Un sentiment que ces derniers  partagent avec la Cosydep qui ne cache pas son avis sur la question. ‘’La vérité est que c’est l’Etat qui n’a pas respecté les engagements. Nous l’avons dit dans toutes nos sorties. Le gouvernement a pris des engagements en présence du Premier ministre. Le Président a pris des engagements lors du déjeuner du 10 octobre. Aucun de ces engagements n’a été suivi d’effet’’, regrette le chargé du dialogue social de l’organisation, Cheikh Tidiane Aw.

‘’L’Etat est sous la dictée du FMI’’

Il s’y ajoute que les acteurs ont le sentiment que le Sénégal est sous ajustement structurel et ne bénéficie d’aucune marge de manœuvre. Les syndicats le répètent par cœur. ‘’L’Etat est sous la dictée du FMI’’. Un argument repris presque mot à mot par Mamadou Mbodj du M23. ‘’L’Etat a les mains liées. Il ne peut pas faire grand-chose. Il a signé des accords avec le FMI qui l’oblige de maîtriser la masse salariale, de ne plus recruter et de cristalliser les indemnités.’’ 

Du côté de la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’éducation publique (Cosydep), le sentiment n’est pas loin d’être le même. ‘’Ce que l’on constate, c’est qu’à chaque fois qu’il est question de l’Education, le FMI est là pour surveiller. L’Etat a octroyé des indemnités aux femmes des ambassadeurs, le FMI n’a rien dit. Il en a fait de même à des hauts fonctionnaires, le FMI n’a pas réagi. Mais dès qu’il s’agit de l’Education, on nous parle de masse salariale’’, gémit M. Aw. En tout cas, un constat est fait : les questions à incidences financières sont celles qui traînent le plus. Ainsi, les acteurs veulent rappeler à l’Etat du Sénégal cette assertion de Abraham Lincoln : ‘’Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance.’’ 

PAR BABACAR WILLANE 

 

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