Publié le 20 Feb 2020 - 22:06
DIFFICULTES DE L’ATHLETISME SENEGALAIS

La première discipline olympique tire la langue 

 

L’athlétisme sénégalais est en déliquescence. Entre des infrastructures rares, des édifices existants en état de délabrement avancé, une fédération sans grands moyens, un problème de vulgarisation de la discipline, des jeunes qui évoluent dans des conditions dantesques, le constat est alarmant. Alors que les Jeux olympiques de la jeunesse prévus en 2022 arrivent bientôt, aucun plan général n’est déroulé, pour le moment, afin de relever le défi de la participation à ces joutes olympiques en terre sénégalaise.

 

Iba Mar Diop, une infrastructure en lambeaux

La piste est défoncée. Sa couleur, d’origine rouge, a un aspect terne. Son revêtement est craquelé de toute part. Les lignes de démarcation des couloirs ont quasi disparu, sauf au niveau des virages. Nous sommes au stade Iba Mar Diop.

Aux premières heures de la matinée, ce n’est pas l’affluence des grands jours aux entrainements. L’antre accueille des étudiants de l’Institut national supérieur de l'éducation populaire et du sport (Inseps), reconnaissables à leurs tenues d’entrainement estampillées du nom de l’école. Ils occupent une partie avec des exercices physiques variés ; tantôt des sprints, tantôt des abdominaux dans une bonne ambiance. Vis-à-vis d’eux, vers le virage sud, de petits groupes composés de footballeurs, majoritairement, sont aux ordres d’un préparateur physique. Ils font des exercices intenses. Du côté des tribunes, des sportifs grimpent et dévalent les gradins. Parmi eux, un trio d’athlètes affiliés à l’Association sportive des forces armées (Asfa) dont Amadou Tidiane Diallo, spécialiste du 400 et du 200 m plat, qui se prononce sur les difficultés qui, à ses yeux, plombent l’athlétisme sénégalais. ‘’Des pistes aux normes standards sont notre principal souci’’.

Il ajoute : ‘’La mise à disposition d’un matériel de qualité et un meilleur investissement sur les athlètes permettraient, à coup sûr, d’avoir de meilleurs résultats.’’ Habillé en ensemble blouson rouge-noir, assis sur l’un des bancs du stade, Ousmane Ka ne s’entraine pas aujourd’hui. L’avis du coureur de fond (5 000 et 10 000 m) est implacable : ‘’Les entrainements demandent des conditionnalités : une bonne nourriture, un esprit exempt de soucis, un certain investissement financier sur l’athlète. Toutes conditions très loin de celles vécues par les athlètes sénégalais.’’

Celui qui a débuté la course de fond en 2015 prend exemple sur lui. ‘’C’est la passion qui explique ma participation aux courses et à l’exercice de l’athlétisme. On ne gagne rien avec cette activité, sinon le prestige des trophées et des médailles. Les courses, hormis celle d’Eiffage bisannuelle ou les mises sont assez conséquentes, n’offrent comme prix que des bons d’achat, des sacs de riz, des caisses de sucre et des cartons d’huile. Donc, parallèlement, je suis livreur pour pouvoir subvenir à mes besoins. Beaucoup d’athlètes aux énormes potentiels ont abandonné, à cause du manque du minimum requis comme les équipements et chaussures de course’’.

Khady Mbaw, étudiante à l’Inseps et licenciée au club Ucad sporting club, s’est intéressée au lancer de poids, la discipline qu’elle pratique, à cause de sa formation en éducation sportive. Elle a aussi un avis tranché sur le désintérêt pour l’athlétisme. Malgré son entrée récente dans ce sport, elle note ‘’des difficultés de prise en charge, un problème de disponibilité de tenues de sport et d’équipements, et une réelle difficulté de vulgarisation de la discipline’’.

Ce problème de vulgarisation est attesté par le nombre de licenciés, dans les 19 clubs de Dakar, et ceux inscrits en individuel, qui se chiffre à 568 (saison 2018-2019) pour l’ensemble des catégories allant de la pupille à l’antichambre des seniors qui est les U20 ; 248 pour l’ensemble de la région de Thiès qui compte 10 clubs. Les seniors recensent 571 adhérents pour 181 femmes dans la capitale sénégalaise. 

Stade Léopold Sédar Senghor, le jardin délabré des athlètes dakarois

Malick Fall, coach au Jaaraf et à l’Etoile athlétique club (EAC), sert la même rengaine que les athlètes interrogés. ‘’A Iba Mar, à chaque fin de compétition, les jeunes se répandent en complaintes, parce que la piste est sèche et très dure. C’est faute d’avoir mieux qu’on y court’’. Et de poursuivre : ‘’Léopold Sédar Senghor a une qualité meilleure, à cause de l’arrosage de la pelouse qui arrive jusqu’au tartan. Il n’empêche qu’elle est très loin d’être aux normes. Le tartan n’est pas dans les conditions d’enregistrer une performance internationale.’’

Cet état de fait se ressent dans les résultats, médiocres dans les compétitions internationales. D’autres conséquences viennent s’adjoindre aux problèmes infrastructurels, constate amèrement Malick Fall : ‘’Il y a un problème de coaching. Beaucoup d’entraineurs formés dans le domaine virent souvent au football. De plus, on ne motive pas les jeunes athlètes. Louis François Mendy, récemment, est allé aux championnats du monde sans être reçu par le ministère. Des soucis sont notés, également, avec les athlètes basés à l’étranger qui ne participent pas aux compétitions internationales. La raison ? Ils disent qu’ils ne vont pas se faire rembourser leurs frais de voyage.’’

Au stade Léopold Sédar Senghor (ex stade de l’Amitié sino-sénégalaise) sur le tartan, des serviettes sont disposées à même le sol, sur lesquelles les athlètes ont posé leurs effets vestimentaires et leurs sacs. Certains se dévêtent, quand d’autres sont déjà aux étirements. Il y en a qui effectuent quelques tours de piste. 8 h 30 à l’horloge. Coach Adama Badji donne déjà de la voix, porté en écho par l’immensité du stade dont les tribunes sont vides de tout public. Le silence, qui domine, n’est perturbé que par le bruissement des vautours s’abreuvant à la pelouse et de celui du système d’arrosage automatique du stade.

Les athlètes, filles comme garçons dans leur short moulant, leur débardeur et parfois même torse nu, enchainent les tours de piste à un rythme assez élevé, comme Mor Thioune qui en a fait 8.  Les sprinteurs, en groupes, s’exercent à de grandes foulées, des talons aux fesses et des élévations de genoux synchronisés et alternés, suivis par des courses, sous l’œil attentif du coach Badji qui est rejoint par l’instructrice Adama Gning. Dès son arrivée, elle encourage les athlètes et se fait entendre d’eux, quand ils trainent les pieds.

Les entrainements sont très durs et physiquement harassants. Certains athlètes, pris de crampes, crient leur douleur pour exorciser leur mal, d’autres se déchaussent pour marcher sur la piste. D’autres encore souffrent d’un autre mal. Saly Diémé, coureuse du 800 m, vient de finir ses séries. Elle s’adosse au matelas de réception des sauts, haletante. Elle n’entend pas les consignes de son coach pour faciliter sa récupération. Complètement essorée, elle tousse fort et est prise de vomissements.

‘’Ces athlètes que vous voyez s’entrainer paient eux-mêmes leur transport et leur visite médicale. Tout récemment, on avait un jeune qui avait une fracture que le club a pris en charge sur la base de cotisations’’, se désole Malick Fall, la mine dépitée. ‘’Les entrainements, les sportifs les observent de septembre, de l’hivernal jusqu’au mois de juillet, pour les compétitions nationales. Ils n’ont qu’un mois et demi de vacances. La passion parle pour la majorité des athlètes présents. Celle-ci explique qu’ils souffrent de ces conditions, mais continuent à persévérer, sans un regard du public, sans soutien notable’’.

Mor Thioune, qui court sous la bannière de l’AS Douanes, note, quant à lui, une assez bonne prise en charge de son club douanier, mais souligne le retard dans la délivrance des médicaments. Le spécialiste du 400 m plat et du 400 m haies, en pleine récupération aux abords de l’entrée des vestiaires réservés à l’équipe nationale de football, parle de sa situation personnelle. ‘’Je ne bénéficie, comme athlète, que de frais de transport de 10 000 F pour le mois. Pour tout le reste, on se débrouille seul avec nos familles qui nous assurent la nourriture. On s’entraine dur, après on mange du riz ; ce n’est pas la nourriture adéquate. Cela se ressent dans nos résultats. On est souvent pris de découragement et d’envie d’abandon’’.

Le stade Léopold Sédar Senghor et Iba Mar Diop, bientôt fermés

‘’Pour le cas du stade Léopold Sédar Senghor, comme c’est un stade international qui accueille les compétitions de la sélection nationale de football, quand il y a match, l’enceinte nous est fermée, une semaine durant. Sortir un athlète de dimension internationale de ces groupes est dès lors très difficile’’, renchérit le doyen Badji, avant de se prononcer sur le quantum horaire d’entrainement nécessaire de 25 heures, alors que les athlètes parviennent difficilement à boucler 15 heures de pratique. Il déplore la politique de deux poids, deux mesures notée entre les disciplines sportives qui fait que, lorsqu’il y a ‘’navétane’’, le stade est interdit à tous les autres sports, excepté le football.

Alors que Léopold Sédar Senghor est l’infrastructure d’entrainement de la majorité des athlètes. C’est là où chaque club à sa parcelle de regroupement, tacitement reconnue. Le Jaaraf par ici, la Douane par là-bas, l’EAC sur la gauche de l’entrée du vestiaire, le Saltigué… Et pour ne rien arranger, ‘’le stade Léopold Sédar Senghor où nous nous entrainons, va être fermé. Iba Mar Diop, également, doit aussi subir une réfection. Or, à Dakar, il n’y a que ces deux stades qui ont des pistes. On est en préparation des prochains Jeux olympiques de la jeunesse. La majorité des athlètes résident à Dakar. Si ces stades ferment, ils ne peuvent pas se déplacer à Mbour pour faire des entrainements’’.

Des performances insignifiantes

Par conséquent, des bilans faméliques sont notés, en effet, aux dernières compétitions africaines. Une médaille d’argent en 2014, à Marrakech, au marteau avec Amy Sène ; 2 médailles, deux ans plus tard à Durban, dont l’une en or, toujours pour l’une des rares satisfactions sénégalaises.

En 2018, à Asaba, au Nigeria, le bilan était vierge au tableau des médailles. Enfin, en 2019, aux Jeux africains, dernière compétition africaine organisée au Maroc, l’athlétisme sénégalais a glané une médaille de bronze au 110 m haies, acquise par l’espoir sénégalais de la discipline, Louis François Mendy.  

En ce qui concerne l’histoire de l’athlétisme sénégalais, le bilan n’est guère plus élogieux, avec une unique médaille olympique et une seule aux Mondiaux qui ont érigé au rang d’icônes l’ancien athlète et actuel président du Centre africain de développement de l’athlétisme (AACD) Amadou Dia Ba et Amy Mbacké Thiam.

POLITIQUE DE DETECTION DES JEUNES ET JEUX OLYMPIQUES DE LA JEUNESSE

Droit dans le mur

L’athlétisme est en régression. Elle est le résultat de l’inertie de l’Etat. La détection se fait dans les écoles, à travers la Semaine de la jeunesse et l’Uassu. Mais il n’y a pas de suivi. De ce fait, aboutir à une performance mondiale à même de permettre d’obtenir une médaille, semble être un rêve inatteignable. Les jeunes passionnés de la discipline s’entrainent sur des terrains vagues, à l’image des jeunes du Saltigué qui répètent leurs gammes au terrain des HLM de Rufisque, sous les ordres de ‘’Monsieur Diallo’’, comme l’appellent les jeunes.

‘’Kolda a fait, à titre d’exemple, une bonne détection. Mais il faut les accompagner avec un financement. Alors que, comme à Dakar, les moyens sont inexistants. Et dans le cadre des entrainements réalisés par les jeunes, compris souvent entre 30 minutes et 2 heures, et entre les cours, c’est tout sauf du sport de haut niveau’’, note le technicien national et DTN de l’EAC, Adama Badji.

Il déplore et regrette l’inapplication des politiques par le ministère. ‘’La fédération a défini un plan stratégique soumis au ministère. Mais il n’y a pas de financement. L’Etat devait accompagner ce programme ; ce qu’il n’a pas fait (voir ailleurs avec l’ITW avec le DTN). Or, à l’heure actuelle, ils veulent des résultats’’.

Abordant la question des Jeux olympiques de la jeunesse prévus en 2022 dont le compte à rebours a été récemment lancé, il souligne que sur le plan international, une compétition comme les Jeux se préparent sur 8 ans minimum. Le programme comprend la détection, le suivi, le perfectionnement, la préparation à la performance. ‘’L’EA club a commencé la détection, il y a longtemps, assure-t-il, mais sans grands moyens investis. Il aurait fallu promettre des sanctions positives pécuniaires pour les plus méritants, qui sonneraient comme une promesse de se faire rembourser les investissements réalisés. En l’état, rien n’est garanti, rien n’est fixé. Ce qui ne favorise pas les investissements pour des clubs qui fonctionnent sur moyens propres’’.

Le constat qui se dégage sur l’athlétisme sénégalais est l’abandon de cette discipline par les autorités étatiques. La discipline, qui maintient difficilement la tête hors de l’eau, appelle à la rescousse. Des états généraux de l’athlétisme sont l’idée énoncée par les amoureux de ce sport, pour définir un plan de développement précis. Ils demandent un investissement à la hauteur des ambitions et du Sénégal.

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PORTRAIT- ADAMA BADJI, COACH INTERNATIONAL

Une vie au service de l’athlétisme

L’athlétisme, qui vient du grec ‘’àthlos’’, signifie combat. Pour l’athlétisme sénégalais, il semble que cela soit un combat perdu d’avance. Sur le plan infrastructurel, sur le plan de la prise en charge, sur le plan de la motivation, l’athlète sénégalais ne dispose pas des moyens les plus rudimentaires. Quelques vaillants soldats, qui croient cependant en des possibilités de victoire, se sont investis du sacerdoce d’entrainer les jeunes, pour faire résonner le nom du Sénégal au concert des nations dans les compétitions d’athlétisme. Parmi eux, Adama Badji, Coach international et Directeur technique de l’Etoile Athletic Club de Dakar.

Les athlètes de l’Etoile Athletic Club de Dakar écoutent religieusement ses directives. Lui, Abdoulaye Badji, contrôle, avec minutie, à l’aide d’un chronomètre, les temps de passage de ses protégés qui multiplient les tours de piste. Le coach est adossé à un matelas de réception de saut en hauteur disposé sur la piste, en cette matinée. Le soleil darde ses rayons sur sa personne. Il a assorti sa casquette à un ensemble blouson bleu. C’est sa tenue de travail quotidienne.

Des athlètes arrivent et grossissent les rangs des présents. Ils viennent le saluer avant de se dévêtir sur le bas-côté du tartan.  ‘’Badji’’, comme ils l’appellent affectueusement, contrôle tous les détails. Il a une vue transversale sur tous les mouvements que mènent les jeunes aux différents abords du stade : des courses aux étirements, en passant par les exercices de talons aux fesses et d’élévations de genoux.

Il n’inspire pas la peur à la vingtaine de jeunes athlètes qu’il a sous sa direction, par son caractère plutôt jovial, mais force leur respect par ses paroles laconiques, mais claires pour tous et suivies à la lettre. En atteste sa petite remontrance contre un groupe composé de sprinteurs, dont le champion nigérien du 100 m plat Saguirou Badamassi. Sur un ton taquin, l’athlète a fait mention d’un temps de course inexact. L’entraineur le reprend et lui demande, à plusieurs reprises, si c’est lui qui ment par rapport à la référence prise. Le jeune, conscient de son erreur, se confond plusieurs fois en excuses. 

Garçons comme filles discutent, dans une bonne ambiance. Beaucoup appréhendent les tours de piste qui les attendent. Seynabou Sané et Saly Diémé sont des éléments du groupe. Elles font preuve d’une grande abnégation. Elles enchainent les tours de terrain sous le regard avisé de leur mentor, rejoint par un autre membre du staff technique de l’EAC, Adama Gning. Dès son arrivée, elle encourage, tout d’abord, Saly Diémé, coureuse de 800 m junior, et la corrige sur ses foulées qu’elle juge lentes.

En tant qu’instructrice au sein de l’EAC et aussi entraineur international pour les enfants déficients intellectuels à Spécial Olympics, Adama Gning est aussi une protégée d’Adama Badji. «C’est lui qui me forme, depuis mon plus jeune âge. A 7-8 ans déjà, j’étais en initiation sur les bases de l’athlétisme. C’est une icône de l’athlétisme. Au niveau du stade, la plupart des athlètes de haut niveau ont été sous sa tutelle. Il ne laisse en rade aucune tranche d’âge, des pupilles aux seniors, ni aucune spécialité. Au-delà de l’athlétisme, des entrainements, il nous forge à devenir des hommes, à détenir un savoir-faire dans la vie. Je lui dois énormément’’.

Elle est très prolixe, quand il s’agit de parler de cette figure à qui elle voue un attachement énorme. Celui qui l’a poussée à passer ses diplômes d’entraineur, du stade d’instructeur à celui des 2 degrés suivants, a formé ou participé à l’éclosion de nombreux talents. ‘’Louis François Mendy, athlète international, recordman du 110 m haies au Sénégal, Mamadou Guèye, Prédisent de l’EAC, ont été sous son giron’’, témoigne-t-elle.

Adama Gning et sa jumelle Awa, également entraineur, de conclure par des vœux que tous les athlètes ont pour ce Casamançais : ‘’Il est temps qu’il soit récompensé à la hauteur de ses efforts pour l’athlétisme. Vous en êtes témoin. Aujourd’hui, c’est le seul coach que vous voyez présent avec ses produits.’’

‘’J’ai acquis avec lui plus de facilité dans l’ordonnancement de mes mouvements’’

Coach Badji n’entraine pas que des affiliés à son club. Il suit également des jeunes d’autres clubs dont Mor Thioune, pensionnaire de l’AS Douanes, spécialiste du 400 m plat et du 400 m haies. Ce dernier reconnait sans ambages son expertise, mais pas que. Il le définit comme un passionné du sport. ‘’Je suis à la Douane. Pourtant, il m’entraine. J’étais sous sa direction, lors des hivernales. Cette année, j’ai décidé de continuer avec lui. J’ai acquis sous sa direction plus de facilité dans l’ordonnancement de mes mouvements, dans le gainage. Pour me faire arriver à ce stade, il a pris son temps pour me recadrer, encore et encore’’.

Seynabou Sané, décathlonienne, essaie de contenir son émotion, au moment de témoigner sur Badji, comme elle l’appelle. ‘’Il est d’une bonté immense. Il vient matin et soir. Pourtant, il a une famille. On ne sait pas s’il mange à sa faim. On ne pourra jamais assez le remercier. Tout ce qu’il nous reste à faire, c’est de redoubler d’efforts pour, un jour, arriver à l’aider. Badji est très gentil avec nous. Il rigole avec nous, quand c’est le moment. Mais dès que les entrainements débutent, le programme est respecté à la lettre. Il ne badine pas avec cela’’.

Le coach peut s’emporter, reconnait-elle dans ses propos. ‘’C’est compréhensible, ajoute-t-elle. On ne peut pas toujours être sous son meilleur jour’’.

‘’Notre athlétisme marche à reculons’’

Adama Badji exerce le métier de professeur d’éducation physique et sportive. Il se désole de l’état de dénuement dans lequel se trouve la discipline, puisqu’il lui arrive de sortir ses maigres moyens pour aider ses protégés. ‘’Nous ne sommes pas rémunérés. Au contraire, c’est nous qui sortons notre argent pour soutenir les jeunes’’, confie-t-il. Lui comme les autres bénévoles de l’athlétisme donnent de leur personne pour maintenir un niveau de performance acceptable dans ces disciplines sportives oubliées ou peu soutenues. ‘’Notre athlétisme, poursuit le coach, marche à reculons. Les performances continuent de chuter dans les compétitions africaines. Je n’aborde même pas celles internationales’’.

Malgré ces impairs et la lente agonie de l’athlétisme sénégalais, il ne désespère pas et fournit des conseils. ‘’Il faut financer ce sport pour qu’il se développe et puisse s’inspirer de la politique de pays comme la Côte d’Ivoire, la Roumanie, qui enrôlent leurs athlètes qui se sont distingués dans les rangs de l’armée, après leur retraite. Ce qui sonnerait comme une grande motivation pour ceux qui se donnent corps et âme pour ce sport’’.

MAMADOU DIALLO (STAGIAIRE)

 

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