Publié le 26 Oct 2020 - 21:59
DISCOURS SUR LES CARICATURES DE MACRON

Tempête sur les relations franco-musulmanes

 

Après le discours d’Emmanuel Macron défendant les caricatures contre le prophète Mohamed (PSL), la réaction de certains pays musulmans n’a pas tardé. Au Moyen-Orient, la campagne de boycott des produits français a poussé Paris à apporter des clarifications.

 

Le discours jugé islamophobe d’Emmanuel Macron, suite au meurtre d’un enseignant en France, n’en finit pas d’indigner certains pays musulmans. Cette fois, la réplique a été très ciblée et n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Dans un communiqué publié hier, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a tenu à apporter quelques précisions sur les propos du président de la République française.

A en croire le document, les appels au boycott des produits français, dans plusieurs pays du Moyen-Orient, ‘’dénaturent les positions défendues par la France en faveur de la liberté de conscience, de la liberté d’expression, de la liberté de religion et du refus de tout appel à la haine’’. Et d’ajouter : ‘’Ils dénaturent également et instrumentalisent à des fins politiques les propos tenus par le président de la République le 2 octobre dernier (sic) aux Mureaux et lors de l’hommage national à Samuel Paty, visant à lutter contre l’islamisme radical et à le faire avec les musulmans de France, qui sont partie intégrante de la société, de l’histoire et de la République françaises.’’

En fait, le mercredi 21 octobre, à l’occasion de l’hommage à Samuel Paty, le président français disait notamment : ‘’… Nous défendrons la liberté que vous (Samuel Paty) enseigniez si bien. Et nous porterons haut la laïcité. Nous ne renoncerons pas aux caricatures, aux dessins, même si d’autres reculent. Nous offrirons toutes les chances que la République doit à sa jeunesse, sans discrimination aucune. Nous continuerons, professeur, avec tous les instituteurs et professeurs de France, nous enseignerons l’histoire, ses gloires comme ses vicissitudes…’’

Dans la même veine, le président Macron lançait que Samuel Paty a été tué ‘’parce qu’il incarnait la République, la République qui renait chaque jour dans les salles de classe, la liberté qui se transmet et se perpétue à l’école’’. ‘’Samuel Paty, renchérit-il, fut tué parce que les islamistes veulent notre futur et qu’ils savent qu’avec des héros tranquilles tels que lui, ils ne l’auront jamais. Eux séparent les fidèles et les mécréants. Samuel Paty ne connaissait que de citoyens. Eux se repaissent de l’ignorance, lui croyait dans le savoir. Eux cultivent la haine de l’autre, lui voulait sans cesse en voir le visage, découvrir les richesses de l’altérité’’.

Voilà entre autres déclarations qui ont fini de fâcher pas mal de musulmans en France et dans le monde. Accusé de cautionner, voire d’encourager ce qui est considéré, par bon nombre de musulmans, comme une offense, la France, par le biais de son ministre en charge des Affaires étrangères, estime que tout ceci n’est que le fruit d’une mauvaise interprétation de son président.

En conséquence de ce qui précède, Jean-Yves Le Drian requiert : ‘’Les appels au boycott sont sans aucun objet et doivent cesser immédiatement, de même que toutes les attaques dirigées contre notre pays, instrumentalisées par une minorité radicale. Les ministres ainsi que l’ensemble de notre réseau diplomatique sont entièrement mobilisés pour rappeler et expliquer à nos partenaires les positions de la France, notamment en matière de libertés fondamentales et de refus de la haine, appeler les autorités des pays concernés à se désolidariser de tout appel au boycott ou de toute attaque contre notre pays, accompagner nos entreprises et assurer la sécurité de nos compatriotes à l’étranger.’’

En effet, pour montrer leur désaccord face au discours jugé offensant du président français, certains pays arabes n’ont pas tardé à lancer des campagnes de boycott des produits français. Au Koweït, des agences de voyages décident de cesser de proposer aux voyageurs la destination France. Dans la foulée, les appels au boycott se sont multipliés, rapporte ‘’Le Figaro’’, dans les cercles officiels et au niveau des réseaux sociaux pour retirer des rayons tous les produits en provenance de la France. ‘’Sont visés en première ligne les produits alimentaires et les cosmétiques, l’électroménager et une large gamme de références’’, rapporte le portail.

Pour certaines entreprises françaises, ce boycott risque de faire très mal, si l’on sait que le marché du Moyen-Orient est d’une importance capitale. Par exemple, note ‘’Le Figaro’’, pour le groupe Bel, qui commercialise notamment la Vache qui rit, ‘’au premier trimestre de 2020, sur les marchés africains et du Moyen-Orient (traditionnellement regroupés), Bel a affiché 199 millions d’euros de chiffre d’affaires. ‘’En 2019, la France a exporté pour 1,3 milliard d’euros de produits alimentaires vers le Moyen-Orient. Tous secteurs confondus, le montant grimpe à 11,5 milliards’’, lit-on sur le site français.  

Enseignant au collège du Bois d’Aulne de Conflans Sainte-Honorine (Yvelines, académie de Versailles), Samuel Paty avait provoqué l’ire des musulmans, en montrant à ses élèves adolescents des caricatures du prophète Mohamed (PSL), sous le prétexte de l’enseignement de la liberté d’expression. Une attitude provocatrice, selon l’imam Ahmadou Makhtar Kanté. Qui estime que ‘’si on veut être constructif relativement à l'enseignement de la liberté d'expression en France, il ne faut surtout pas se servir d'un support (anti) pédagogique comme des caricatures dévalorisantes du prophète de l'islam (PSL). En effet, le faire, c'est sans aucun doute suggérer surtout à de jeunes collégiens que ce prophète caricaturé est le ‘gourou’ des musulmans et qu'il y a un rapport négatif entre ce prophète et le refus de la liberté d'expression de la part de ces derniers.’’ 

Pour lui, la marginalisation ou exclusion dont ferait l’objet la communauté musulmane de France peut être un terreau propice à toutes sortes de réactions incompatibles avec le bon vivre ensemble. ‘’Depuis son discours sur le séparatisme islamiste et après l'assassinat du professeur Samuel Paty, le président Macron ne donne pas l'impression de quelqu'un qui a trouvé la bonne approche sur la place de l'islam et des musulmans en France. C'est quelqu'un qui est souvent dans le ‘Nous n'allons pas renoncer’, ‘Nous sommes en guerre’, ‘Vous devez faire’… Pour un président de la République et pour un sujet aussi complexe et sensible que l'islam et les musulmans en France, il est temps d'être plus humble et de trouver, avec la communauté musulmane et non contre elle ou sans elle, et dans un climat serein, des réponses justes et durables aux préoccupations de celle-ci pour les besoins du bon vivre ensemble en France.’’

Mor AMAR

 

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