Publié le 3 Aug 2020 - 19:42
DISPARITION DE MANSOUR KAMA, PRESIDENT DU CNES

Le Sénégal perd un grand employeur du secteur privé 

 

C’est sous le choc que les membres des organisations patronales du Sénégal se sont réveillés en apprenant la mort de Mansour Kama, Président de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes). La levée du corps de ce fervent défenseur du secteur privé national est prévue aujourd’hui à 10 h, à l’hôpital Principal de Dakar, suivie de l’enterrement au cimetière de Yoff.

 

Les religieux ont perdu Serigne Papa Malick Sy, les journalistes Babacar Touré. Hier, c’était au tour du patronat sénégalais de perdre Mansour Kama. En à peine plus d’un mois, ces trois prestigieux noms se sont vus retirés de la liste des grands hommes qui font bouger le Sénégal. C’est à l’hôpital Le Dantec, où il était hospitalisé depuis quelque temps, que le président du Conseil d’administration de la SDE (Sénégalaise des eaux) a rendu l’âme, ce dimanche. Une perte inestimable pour le secteur privé national dont l’essor occupait toute son énergie. Un effort magnifié par le président, Macky Sall, qui a soutenu, sur son compte twitter : ‘’Le Sénégal vient de perdre une icône du patronat, un militant du travail et du dialogue social. Homme de devoir et de raison, Mansour Kama était un acteur clé du secteur privé national. À sa famille, à la Cnes ainsi qu’au monde du travail, je présente mes condoléances émues.’’

Le défunt président de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes), une des plus anciennes organisations patronales du Sénégal, jouait, en effet, un rôle majeur dans la lutte pour le développement du secteur privé sénégalais. La préférence nationale comme cheval de bataille, il ne manquait jamais l’occasion de plaider pour que les entreprises sénégalaises puissent bénéficier, en priorité, des marchés accordés par le gouvernement. Même si, pour cela, il lui fallait dire les choses de manière crue.

‘’Le secteur privé national se demande souvent si notre Etat a confiance en lui pour en faire un partenaire approprié. Il considère qu’il est laissé de côté, lorsqu’il s’agit de grands projets, puisque l’Etat semble penser que nos privés nationaux n’ont pas les capacités de les réaliser. Or, pour ces grands projets, il s’agit d’allier la technicité, l’expertise, le savoir-faire avec des capacités de mobilisation de ressources financières. Le marché financier sous-régional est relativement important ; les intermédiaires sont performants, de même que les instruments de mobilisation des ressources. La combinaison de ces trois faits devrait pourtant rapporter des réponses à cette problématique’’, disait-il à la sortie d’un atelier sur les entreprises privées au Sénégal.

Le frère de l’ancien directeur général des ICS (Industries chimiques du Sénégal), Pierre Babacar Kama, était convaincu que le pays ne pouvait pas surmonter ses difficultés dans la création de l’emploi et de richesses sans impliquer davantage ses citoyens dans la gestion des grands projets. ‘’Pour être partenaire du PSE (Plan Sénégal émergeant) par exemple, analysait-il, le citoyen sénégalais voudrait pouvoir souscrire des actions dans les sociétés de gestion d’autoroutes ou participer dans de grands projets industriels ou miniers. Ce citoyen devrait obligatoirement être mis dans un cadre de participation à ces projets avec une part incompressible. Ces certificats d’actions pourront les aider dans l’éducation de leurs enfants, la construction de leurs maisons, lorsqu’ils seront rentabilisés. Et c’est cette éducation financière qui manque dans notre pays’’.

La vision de l’homme d’affaires rêvait d’un actionnariat populaire fort en soutien au secteur privé national, devant un Etat qui se veut être le premier investisseur.

 

Le patronat sénégalais rend hommage à un leader patriote

Une telle ambition patriotique en a séduit plus d’un, au sein des organisations patronales et des hommes d’affaires sénégalais. Et les hommages n’ont pas tardé, malgré la surprenante nouvelle qui a prist tout le monde de court. Pour Serigne Mboup, ‘’ses discours n’ont jamais varié, que ce soit sous le régime des anciens présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, de même qu’avec le président Macky Sall. Il a toujours parlé pour le rehaussement du secteur privé national. Nous lui devons beaucoup et prions pour que le Seigneur l’accueil dans son paradis’’. Le patron du groupe CCBM (Comptoir commercial Bara Mboup) avoue même, dans sa réaction sur la TFM, avoir perdu ‘’un grand ami qui m’a beaucoup soutenu sur un plan professionnel et personnel. Nous avons souvent voyagé ensemble. Je présente mes condoléances à sa famille, au patronat et aux Sénégalais.’’

Le président de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Dakar, Abdoulaye Sow, poursuit sur la même lancée et rend hommage à un ‘’leader humble et bon qui maitrisait le secteur privé. La dernière fois que l’on s’est parlé, ajoute-t-il, il m’a conseillé de continuer mon action et d’éviter les distractions. Nous avons perdu un être qu’il sera très difficile de remplacer’’.

Ses activités aidant, la vie de Mansour Kama ne se résumait pas qu’à ses actions dans la sphère économique. Dans le milieu politique aussi, il était apprécié pour son travail. Le président de l'Alliance pour la citoyenneté et le travail (ACT) a lui aussi tenu à lui rendre hommage, en assurant qu’avec la disparition de Mansour Kama, le Sénégal perd un authentique patriote. ‘’Fondateur de la Cnes, de l’Institut sénégalais des administrateurs, figure majeure des Assises nationales, il était de tous les combats pour faire progresser son pays. Paix à son âme’’ souhaite-t-il, sur son compte twitter.

Mansour Kama était aussi le président de la Fondation du secteur privé pour l’éducation (FFSPE), de même que le Collège des directeurs de la banque régionale des marchés.  Il a été à l’initiative de beaucoup d’organisations comme la Journée de l’entreprise dans les années 80 et a participé à plusieurs négociations entre l’Etat, les organisations patronales et les syndicats.

Endurci aux principes de sa culture sérère, il était aussi beaucoup apprécié au sein de sa communauté. Féru de lutte traditionnelle, Mansour Kama était un soutien actif de l’organisation Ndef Leng.  

OUSMANE SONKO, PASTEF/LES PATRIOTES

‘’J’ai apprécié l’homme pour sa posture patriotique’’ 

‘’C'est avec tristesse que j'ai appris le rappel à Allah de monsieur Mansour Kama, Président de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes). J'ai connu l'homme en 2006. À l'époque, le gouvernement du Sénégal avait décidé de baisser le taux de l'impôt sur les sociétés de 33 à 25 %. Le syndicat des impôts, dont j'étais alors le secrétaire général, considéra que la mesure devait faire l'objet d'un strict encadrement, pour ne pas constituer un simple cadeau fait à des patrons sans aucun effet sur la performance et les capacités productives des entreprises. Mansour Kama fut le seul président d'une organisation patronale à s'aligner sur notre position, allant même jusqu'à proposer au président de la République que les 5 % de baisse soient affectés au renouvellement de l'outillage de production des entreprises et à l'amélioration des fonds propres. J'ai, depuis, apprécié l'homme pour cette posture patriotique et désintéressée. Que la miséricorde et le pardon divins soient ses compagnons éternels.’’


KHALIFA SALL, PARTI SOCIALISTE

‘’Mansour Kama a participé à l'entreprise de construction nationale à travers la création d'emplois’’

‘’Je m'incline pieusement devant la mémoire de mon ami Mansour Kama, par ailleurs Président du Cnes. Depuis plusieurs années, Mansour Kama participe à l'entreprise de construction nationale, à travers la création d'emplois et la promotion du patriotisme économique. Il aura aussi fortement contribué au renforcement de la démocratie, en jouant un grand rôle dans l'élaboration du projet des Assises nationales et l'implication de la société civile dans le débat public. Je présente mes sincères condoléances à sa famille éplorée, au patronat et à tous les travailleurs. Paix à son âme.’’


SERIGNE MBAYE THIAM, MINISTRE DE L’EAU ET DE L’ASSAINISSEMENT

‘’Notre pays a perdu un militant du développement’’

‘’C’est avec une profonde tristesse que j’ai appris le rappel de Dieu du Président Mansour CAMA, Président de la CNES et Président du Conseil d’Administration de la SDE. II m’a été donné de travailler avec lui en trois occasions : au sein des Assises nationales où il a occupé les fonctions de Vice-président, comme Président de la Fondation du Secteur privé pour l’Education alors que j’étais ministre de l’Education nationale et en sa qualité de Président du Conseil d’Administration de la SDE lorsque je suis devenu ministre de l’Eau et de l’Assainissement.

Nos deux dernières rencontres remontent à notre réunion de travail du vendredi 17 avril 2020 et au samedi 6 juin 2020 à Keur Madiabel où il a tenu à se rendre pour venir me présenter ses condoléances suite au rappel à Dieu de ma maman. Notre pays a perdu un patriote engagé, un militant du développement, un homme de dialogue, de synthèse et de consensus. J’exprime ma compassion et présente mes condoléances à sa famille et à ses amis, à la SDE et au secteur de l’Eau, à la CNES, ainsi qu’au monde du travail et au secteur privé. Qu’Allah lui accorde sa miséricorde et l’accueille au Paradis !’’

Lamine Diouf

 

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