Publié le 19 Feb 2020 - 08:02
DOCTEUR FALLOU SAMB (GYNECO) SUR LES DECHETS MEDICAUX

‘’Beaucoup de pays comme le Sénégal ne disposent pas d’une réglementation appropriée’’

 

Une vidéo circulant sur le net continue de faire des émules. Elle montre des tas de déchets médicaux déversés sur la plage de l’hôpital Aristide Le Dantec. Une bombe environnementale, si l’on en croit des pseudo-spécialistes. Dans cet entretien, docteur Fallou Samb essaie de démêler le vrai du faux.

 

Docteur, est-ce que tous les déchets médicaux sont dangereux ?

Quatre-vingt-cinq pour cent environ des déchets liés aux soins de santé sont comparables aux ordures ménagères et ne sont pas dangereux. Les 15 % restants sont considérés comme dangereux et peuvent être infectieux, chimiques ou radioactifs. On estime que, chaque année, 16 milliards d’injections sont effectuées dans le monde, mais toutes les aiguilles et les seringues usagées ne sont pas correctement éliminées. Dans certains cas, les déchets liés aux soins de santé sont incinérés, parfois à ciel ouvert, et leur combustion peut entraîner l’émission de dioxines, de furanes et de particules (métaux lourds). Les mesures assurant une gestion des déchets liés aux soins de santé qui soient sûres et rationnelles pour l’environnement, peuvent éviter des répercussions indésirables pour la santé et le milieu. Par exemple, des rejets involontaires de substances chimiques ou biologiques dangereuses, dont des micro-organismes résistants, dans l’environnement, et ainsi protéger la santé des patients, des personnels de santé et du grand public. Les activités liées aux soins de santé permettent de protéger, de rétablir la santé et aussi de sauver des vies.

Mais qu’en est-il des déchets et des sous-produits ?

Les déchets et les sous-produits sont très divers. Il y a des déchets infectieux. C’est-à-dire ceux contaminés par du sang et d’autres liquides corporels (par exemple venant d’échantillons prélevés dans un but diagnostic puis éliminés), cultures et stocks d’agents infectieux utilisés en laboratoire (déchets d’autopsies et animaux de laboratoire infectés) ou déchets de patients hospitalisés placés en isolement et matériels (écouvillons, bandages et dispositifs médicaux jetables). Il y a ensuite les déchets anatomiques. Il s’agit des tissus et organes du corps humain ou liquides corporels et carcasses d’animaux contaminées. Nous avons les objets pointus et tranchants, c’est-à-dire les seringues, aiguilles, scalpels et lames de rasoir jetables, etc.

En plus de cela, il y a les produits chimiques. C’est les solvants utilisés pour des préparations de laboratoire, désinfectants et métaux lourds présents dans des dispositifs médicaux (mercure dans des thermomètres cassés) et piles. Il y a également les produits pharmaceutiques, c’est-à-dire les médicaments, vaccins et sérums périmés, inutilisés et contaminés. On a aussi les déchets génotoxiques. Ils sont très dangereux, cancérogènes, mutagènes ou tératogènes. Ce sont les médicaments cytotoxiques utilisés dans le traitement du cancer et leurs métabolites. Il y a les déchets radioactifs. Il s’agit des produits contaminés par des radionucléides, y compris matériel de diagnostic radioactif ou matériel de radiothérapie. Il y a enfin les autres déchets qui ne présentent aucun danger biologique, chimique, radioactif ou physique particulier.

Quelles sont les raisons de l’échec de la gestion des déchets ?

Les principaux problèmes concernant les déchets liés aux soins de santé sont la méconnaissance des dangers sanitaires, l’insuffisance de la formation à la gestion des déchets, l’absence de systèmes de gestion et d’élimination des déchets, l’insuffisance des ressources financières et humaines, et le peu d’importance accordée à ce problème. Beaucoup de pays comme le Sénégal ne disposent pas d’une réglementation appropriée ou, s’ils en disposent, ne l’appliquent pas.

Donc, il faut des mesures pour améliorer la situation. Les déchets liés aux soins de santé doivent être gérés avec plus d’attention et de rapidité afin d’éviter les nombreuses maladies associées à de mauvaises pratiques, dont l’exposition à des agents infectieux et à des substances toxiques.

Dans le domaine de la gestion des déchets liés aux soins de santé, les améliorations reposent sur la mise en place d’un système complet de répartition des responsabilités, d’allocation des ressources et de manipulation et d’évacuation des déchets. Il s’agit d’une action à long terme et les améliorations seront progressives. La sensibilisation aux risques liés aux déchets de soins et aux pratiques permettant de garantir la sécurité. Le choix de solutions sûres et respectueuses de l’environnement pour protéger des dangers les personnes qui manipulent, stockent, transportent, traitent ou éliminent les déchets.

Si des mesures peuvent être prises immédiatement à l’échelon local, les autorités doivent soutenir une amélioration durable partout.

Quelles sont les principales sources de déchets liés aux soins de santé ?

Ce sont les hôpitaux et les autres établissements de soins, les laboratoires et les centres de recherche, les morgues et les centres d’autopsie. Il y a également les établissements de recherche et les laboratoires qui font des tests sur les animaux. Les banques de sang et les services de collecte de sang en font partie. Vous savez, la quantité moyenne de déchets dangereux par lit d’hospitalisation et par jour est de 0,5 kg dans les pays à revenu élevé et de 0,2 kg dans les pays à revenu faible. Toutefois, dans les pays à revenu faible, les déchets dangereux et non dangereux sont rarement séparés. Alors qu’en réalité, la quantité de déchets dangereux est beaucoup plus élevée.

Quel est l’impact de ces déchets sur l’environnement ?

Le traitement et l’élimination des déchets liés aux soins peuvent entraîner indirectement des risques pour la santé, en raison du rejet d’agents pathogènes et de polluants toxiques dans l’environnement. S’il n’est pas bien réalisé, l’enfouissement des déchets peut contaminer l’eau de boisson. Les déchetteries mal conçues, mal gérées ou mal entretenues représentent un risque pour ceux qui y travaillent. L’incinération des déchets a été largement pratiquée, mais une incinération imparfaite ou l’incinération de matériaux inadaptés à ce mode d’élimination entraîne le rejet de polluants et de résidus de cendres dans l’atmosphère. L’incinération de matériaux contenant du chlore peut produire des dioxines et des furanes, cancérogènes pour l’homme et qui ont été associés à divers effets néfastes sur la santé. L’incinération des métaux lourds ou de matériaux contenant une grande quantité de métal (en particulier du plomb, du mercure ou du cadmium) peut entraîner le rejet de métaux toxiques dans l’environnement. Seuls les incinérateurs modernes atteignant une température comprise entre 850 et 1 100°C et équipés d’un dispositif d’épuration des gaz d’échappement sont conformes aux normes internationales relatives aux émissions de dioxines et de furanes.

Il existe, aujourd’hui, d’autres solutions telles que l’autoclavage, le traitement par micro-ondes ou le traitement par la vapeur associée au broyage interne et le traitement chimique.

Quels sont les risques sur la santé ?

Les déchets liés aux soins de santé constituent un réservoir de micro-organismes susceptibles d’infecter les patients hospitalisés, les personnels de santé et le grand public. Les autres risques infectieux potentiels sont notamment le rejet dans l’environnement de micro-organismes pharmaco-résistants présents dans les établissements de soins. Les déchets et les sous-produits peuvent également causer d’autres effets néfastes sur la santé. Par exemple, les brûlures par irradiation, les blessures causées par des objets pointus ou tranchants, l’intoxication et pollution dues au rejet de produits pharmaceutiques, en particulier d’antibiotiques et de médicaments cytotoxiques. Ils créent également la pollution des eaux usées, l’intoxication par ces eaux, intoxication et pollution par des éléments ou des composés toxiques tels que le mercure ou les dioxines libérées au cours d’une incinération. Il y a des risques liés aux objets pointus ou tranchants. On estime que des millions d’injections sont pratiquées chaque année au Sénégal. Toutes les aiguilles et les seringues ne sont pas correctement évacuées. Ce qui crée un risque de blessure et d’infection, et il existe un risque de réutilisation du matériel. Le nombre d’injections pratiquées avec des aiguilles et des seringues contaminées a considérablement baissé dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, ces dernières années, en partie grâce aux efforts déployés pour réduire la réutilisation de matériels d’injection.

Malgré ces progrès, en 2010, les injections pratiquées dans de mauvaises conditions de sécurité ont encore entraîné 33 800 nouvelles infections à VIH, 1,7 million de cas d’hépatite B et 315 000 cas d’hépatite C.2. Une personne blessée par une aiguille déjà utilisée sur un patient infecté a 30 %, 1,8 % et 0,3 %, respectivement, d’être infecté par le virus de l’hépatite B, le virus de l’hépatite C et le VIH 3,4,5. La fouille dans les décharges à ordures et le tri manuel des déchets dangereux dans les établissements de soins entraînent des risques supplémentaires. Ces pratiques sont courantes dans de nombreuses régions du monde, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Les gens qui manipulent des déchets risquent de se blesser avec une aiguille et d’être exposés à des matières toxiques ou infectieuses.

VIVIANE DIATTA

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