Publié le 15 Sep 2012 - 16:11
DOUBLE NATIONALITE

Indignation sélective

Il est vrai que la question sur la double nationalité de nos autorités agitée à nouveau par le député Abdoul Makhtar Diop, lundi dernier, lors de la déclaration de politique générale du Premier ministre Abdoul Mbaye, pose un débat de fond. Celui du potentiel conflit d’intérêt qui pourrait exister quand elles sont amenées à trancher un conflit entre leur patrie d'origine et celle d'accueil.

 

Il pose également le débat de l’immunité dont jouirait un binational en cas de poursuite judiciaire au Sénégal. La France n’extradant pas, par exemple, ses ressortissants. Mais la démarche de celui qui a été ministre de la République sous les régimes successifs de Diouf et de Wade a de forts relents politiciens. Car à vouloir se focaliser sur les cas du ministre de la Communication, Abou Lo, qui est un Franco-allemand, et accessoirement du Sénégalo-allemand, Abdoul Aziz Mbaye, Directeur de cabinet du président Macky Sall, relève manifestement de l’indignation sélective. L’ancien ministre des Sports qui oeuvrait pour la venue de footballeurs binationaux dans la Tanière sous Amara Traoré, qui a traversé les trois régimes précédents, sait pertinemment que le problème, s'il en existe, n’est pas nouveau et que le mal est dans les textes régissant la nationalité sénégalaise.

 

Pourquoi M. Diop n’a-t-il pas interpellé l’ancien président de la République Senghor alors qu’il était Secrétaire général adjoint du Ministère des de l'Économie et des Finances à sa sortie de l'École nationale d'administration et de magistrature (ENAM) en 1978 ? Pourquoi ''Boy Dakar'' n’a jamais saisi ensuite le président Abdou Diouf sur la double nationalité de son ancien camarade au Parti socialiste, Jean Collin, ancien ministre de la République et tout puissant régent du pays depuis le Palais ? Où était-il lorsque Karim Wade, fils de l’ex-président de la République, occupait de nombreuses fonctions au cœur de la marche de l’État ?

 

En annonçant une proposition de loi pour ''avoir le profil de tous les Sénégalais qui sont élus ou qui travaillent dans la Fonction publique avec une double nationalité, que ça soit dans le Gouvernement, dans la Magistrature, dans l’Armée'', le Secrétaire général des Socialistes unis pour la renaissance du socialisme (SURS), veut sans doute être sous le feu des projecteurs médiatiques. Surtout après sa désillusion des dernières législatives. Car, il ne doit sa présence à Soweto qu'à la faveur du désistement de Serigne Modou Kara, devenu allié de circonstance après que Wade, lors du premier congrès de son parti après la défaite du 25 mars, ait congédié ses alliés.

 

L'ancien ministre sous Diouf nous avait habitués à des prises de position clairvoyante, notamment en politiques sportives. Il semble perdre sa verve et sa superbe depuis la première alternance, comme en atteste la suite de son parcours politique si sinueux, pour ne pas dire tortueux. Si Abdoulaye Makhtar Diop n'est pas allé au bout de sa logique lundi, faute de temps de parole peut-être, on se demande à quelle fin serait destinée son ''enquête'' parlementaire. Expurger de l'administration publique ceux qu'il a osé qualifier de ''renégats'' et faire place nette à des Sénégalais de ''souche'' ? Cette logique aux allures lepénistes a été entendue non loin d'ici, en Côte d'Ivoire à propos d'''ivoirité''. La suite est connue. Peut-on se réclamer ''patriote'' quand ses propos ouvrent la porte à de si sombres et sinistres perspectives ?

 

Daouda GBAYA

 

 

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