Publié le 9 Jan 2020 - 22:01
DUALITE FAMARA IBRAHIMA SAGNA-GENERAL NIANG

Gros nuages sur la conduite du dialogue national

 

La dualité entretenue au sommet par Famara Ibrahima Sagna et le général Mamadou Niang, hypothèque la conduite du dialogue national qui est parti sur un mauvais pied.            

 

Le dialogue national est parti pour se heurter à une guéguerre de légitimité entre le président de la Commission du dialogue politique et le président du Comité de pilotage du dialogue national. Le général Mamadou Niang et Famara Ibrahima Sagna se mènent une guerre sans merci, depuis l’installation officielle du Comité de pilotage du dialogue national, le 26 décembre dernier. Ce qui semble être la conséquence visible du retard accusé dans la mise en place de cette commission (sept mois après le lancement officiel de cette initiative), hypothèque, en effet, la conduite du dialogue national.

Alors que l’ensemble des parties prenantes de ce dialogue s’attendent à un démarrage effectif des concertations nationales qui doivent se tenir sur trois mois, un cafouillage est noté entre ces deux composantes du dialogue national qui se cherchent dans leurs rôles respectifs.

Querelle de positionnement

D’abord, c’est la plénière de la Commission politique du dialogue national qui ouvre les hostilités. Dans une déclaration sortie avant-hier à l’issue d’une réunion, le général Niang et ses collaborateurs ont voulu marquer leur territoire. ‘’Cette commission, initialement créée comme cadre de concertation sur le processus électoral, ensuite comme cadre du dialogue politique, a évolué en une commission politique autonome’’, ont-ils tenu à préciser. Avant de rappeler que la commission travaille sur la base d’un code de conduite, de termes de référence adoptés d’accord parties et à partir desquels d’importantes mesures consensuelles ont déjà été arrêtées pour l’approfondissement de la démocratie dans l’intérêt exclusif du peuple sénégalais.

Ainsi, ils déclarent à qui veut l’entendre que la mise en œuvre de ces mesures consensuelles est du ressort exclusif du président de la République qui en a pris l’engagement, en tant que seule autorité de validation. Ils ne sont pas gênés d’ailleurs de relever que la plénière de la Commission politique du dialogue national réaffirme son autonomie et met en garde contre toute tentative de remise en cause de sa composition, de son fonctionnement et de ses décisions consensuellement actées.

Elucubrations…

Cette précision faite, Famara Ibrahima Sagna est sorti hier de sa réserve. Dans une note dont ‘’EnQuête’’ détient copie, le président du Comité de pilotage du dialogue national met les points sur les i. Il rappelle, d’emblée, que c’est le président de la République qui, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés, a créé un comité de pilotage du dialogue national, en accord avec les acteurs de la vie politique et sociale du pays, et qu’il a été sollicité par le chef de l’Etat et ces acteurs politiques, de prendre la présidence de ce comité. Ainsi, relève-t-il, le décret portant création du Comité de pilotage du dialogue national a prévu cinq commissions dont une commission politique. ‘’J’ai suggéré au président de la République d’élargir le nombre de commissions de cinq à huit, de manière à pouvoir assurer la participation du plus grand nombre d’acteurs possible au débat ouvert’’, souligne-t-il.

A ce stade de l’évolution des choses, Famara Ibrahima Sagna rappelle que lui et le président de la République n’ont jamais évoqué la réduction à zéro de la Commission politique actuelle, par son intégration dans le décret du président de la République portant organisation du Comité de pilotage, encore moins de son indépendance ou de son autonomie par rapport au Comité de pilotage. ‘’Tous ceux qui m’ont interrogé sur le sujet des rapports fonctionnels entre les deux commissions se sont entendus répondre invariablement que cette question relevait de la compétence exclusive du chef de l’Etat et que s’ils avaient des préoccupations quelconques à l’esprit, qu’ils veuillent bien prendre l’attache du président de la République’’, précise-t-il. Tout en persiflant : ‘’Certaines élucubrations ou opinions lues dans la presse concernant des rapports difficiles entre le Comité de pilotage et la Commission politique présidée par le général Niang relèvent de fantasmes habités par des gens qui ne peuvent en aucun cas démobiliser ma détermination à servir mon pays et la République.’’

Des rumeurs persistantes à l’origine du malentendu

Les positions tranchées des deux personnalités ne laissent pas indifférentes les parties prenantes du dialogue politique. Selon le coordonnateur du pôle des non-alignés, la posture du général Niang est liée à des informations parvenues à la Commission politique comme quoi, il y aurait des acteurs qui voudraient intervenir dans leurs travaux pour que toutes les questions soient revues et rediscutées, y compris celles faisant l’objet de consensus. Pourtant, souligne Déthié Faye, des conditions préalables ont été posées avant le démarrage de leurs travaux. Parmi celles-ci, il note l’engagement du président de la République à appliquer les consensus obtenus dans le cadre des concertations sur le processus électoral.

’On ne saurait accepter que nos accords soient réexaminés, discutés ou remis en cause à un autre niveau’’, prévient-il.

Pour éviter tout cafouillage, Déthié Faye invite l’autorité à définir clairement les rôles de chacune des deux entités. ‘’Le Comité de pilotage du dialogue national est chargé simplement de faciliter le travail des commissions qui sont créées et non pas de prendre des décisions ou de les annuler’’, précise-t-il. Au fait, pour les membres de cette sous-commission, seul le président de la République est habilité à remettre en cause les consensus obtenus et non des acteurs intermédiaires. ‘’Si on remet en cause les consensus déjà actés, que ferait-on de celui qui a permis de reporter les élections ? Parallèlement, la commission ne saurait accepter, pour une raison ou pour une autre, qu’à un autre échelon, des gens puissent discuter pour dire non, on n’audite pas le fichier électoral. La seule autorité habilitée à donner une suite, qu’elle soit favorable ou non, c’est le président de la République’’, persiste-t-il.

S’inscrivant dans la même dynamique que Déthié Faye, le plénipotentiaire du pôle de l’opposition reconnait, tout de même, que la Commission politique est un démembrement du Comité de pilotage du dialogue national. Mais pour autant, tient-il à préciser, les décisions prises là-bas par consensus sont destinées au président de la République comme celles qui concernaient le report des élections locales. Toutefois, Saliou Sarr, par ailleurs membre de la coalition Taxawu Senegaal, soutient qu’il n’y a pas de différend entre la sous-commission politique et le président du Comité de pilotage du dialogue national Famara Ibrahima Sagna.

La preuve, indique M. Sarr, à chaque fois qu’on terminait une séance et qu’il y avait un procès-verbal de réunion validé, il en était le destinataire. ‘’Pour ce que je sais, il n’y a aucun problème entre le président de la Commission politique, le général Niang, et le président Famara Ibrahima Sagna. Quand on a fini les concertations pour lancer l’audit du fichier électoral, on a saisi le président du Comité de pilotage pour lui demander de transmettre le rapport au chef de l’Etat, à qui de droit. C’est la même chose au niveau des autres commissions’’, souligne le camarade de Khalifa Sall.

Une affirmation confirmée par Déthié Faye, selon qui, le président du Comité de pilotage du dialogue national reçoit régulièrement le compte rendu des travaux de leur sous-commission.

Par conséquent, dit-il, il n’y a aucun nuage entre la Commission cellulaire et le président Famara Ibrahima Sagna. Mieux, Saliou Sarr renseigne que même le général Niang, Président de la Commission cellulaire, n’a pas le pouvoir de remettre en cause les concertations de la sous-commission. Son rôle, précise-t-il, c’est de créer un cadre de discussion propice aux consensus. Ainsi, pense-t-il, cette position est valable pour Famara Ibrahima Sagna qui fait la compilation des travaux de commission qu’on envoie au président de la République.  

Pour le coordonnateur des non-alignés, ces rumeurs sur la remise en cause de leurs travaux ne peuvent venir que d’acteurs qui veulent prendre part aux concertations, aux discussions de toutes les commissions. Aux yeux de Déthié Faye, le président de la République a convoqué ce dialogue national pour que les acteurs politiques puissent s’entendre sur un certain nombre de questions.

Par conséquent, rappelle-t-il, il n’a pas intérêt à ce que des gens, quelle que soit leur obédience, puissent contribuer à remettre en cause le consensus qui a permis que les acteurs politiques puissent se mettre autour d’une table.

BIRAHIME SECK, MEMBRE DU COMITE DE PILOTAGE DU DIALOGUE NATIONAL

’Cette Commission politique n’est pas légale’’

‘’Il faut préciser que cette commission dite du dialogue politique n’est pas la commission légalement désignée par le décret instituant un Comité de pilotage du dialogue national pour abriter la Commission politique. Cette entité, qui s’autoproclame Commission du dialogue politique, est juste un prolongement du Cadre de concertation sur le processus électoral qui a été mis en place avant les élections pour discuter du fichier électoral. Par abus de langage, ce comité s’est auto-déclaré commission du dialogue politique ; mais c’est un cadre de concertation. La seule Commission du dialogue politique qui existe est celle qui est prévue par le décret mettant en place le Comité de pilotage du dialogue national dirigé par Famara Ibrahima Sagna.

Et jusqu’au moment où on parle, les membres de ce Comité de pilotage du dialogue national ne se sont pas encore réunis, ils ont juste été installés. Je ne vois pas en quoi les membres de cette commission devraient s’offusquer que le comité légalement constitué puisse reprendre cette prérogative. En lisant le décret portant création du Comité de pilotage du dialogue national, ils s’avaient pertinemment qu’il y avait des commissions qui étaient mises en place dont la Commission politique.

 ‘’Rien n’exclut maintenant que leurs travaux soient versés dans la Commission politique légalement constituée et prévue par le Comité de pilotage. Les rapports doivent être destinés, d’abord, au président du Comité de pilotage Famara Ibrahima Sagna, avant de les transmettre au président de la République. Le travail effectué par cette commission ne peut être lié au travail qui sera effectué par la Commission politique légalement prévue par le Comité de pilotage. Donc, eux n’ont pas à s’offusquer, parce que le dialogue politique doit être encadré dans le cadre du Comité de pilotage dirigé par le président Famara Ibrahima Sagna.’’

HABIBATOU TRAORE ET A. MBAYE

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