Publié le 16 Aug 2013 - 14:20
EDITO DE MAMOUDOU WANE

 Les nouveaux putschistes 

 

''Celui qui  accepte le mal sans lutter contre lui, coopère avec lui'' Martin Luther King

 

 623 ''frères musulmans'' (officiel) sont massacrés en Egypte, sous les projecteurs du monde entier, sans que cela ne crée un vrai problème. Cinquante américains, 30  Israéliens ou 20 Français auraient-ils été explosés par un kamikaze fou que cela aurait ému la communauté mondiale. Ce monde est-il donc sérieux ?

Malgré l'ampleur du bain de sang, les pays occidentaux, à  commencer par le Président le plus puissant du monde, Barack Obama, n'ont condamné le massacre que du bout de la langue. Pourtant les chiffres sont effarants et les images, même triées au volet, sont choquantes. Certaines estimations font même état de plus de 1 000 morts. Quelle cruauté !

Quelques mesures sont du reste prises par ce machin qu'on appelle ''communauté internationale'', pour sauver les apparences. Rappel temporaires d'ambassadeurs, communiqués de condamnation, déclarations télévisées avec des mines délibérément déconfites. Bref un concours international de mauvaise foi et de cynisme... 

Mais les Etats-Unis font mieux que les autres. Cadeau de fin de ramadan pour ''frères musulmans'' massacrés, Barack Obama annonce depuis son lieu de vacances de Martha's Vineyard dans le Massachusetts l'annulation de manœuvres militaires prévues au mois de septembre prochain. Précision de taille de son secrétaire à la Défense, Chuck Hagel, Washington va ''maintenir sa relation militaire avec l’Egypte''.

 

C'est une tonne de glace dans un verre de whisky. Car, aucun nuage ne vient perturber la santé financière de l'Armée égyptienne totalement accroc à la dose annuelle d'1,3 milliard de dollars, près de 650 milliards de francs Cfa que Washington aligne sur la table des maîtres d'Egypte qui ont déposé Mouhamed Morsi le 3 juillet dernier, le premier Président démocratiquement élu, depuis que l'Egypte existe en tant qu'Etat. C'est sans doute là que gît le problème. Pour la première fois, on assiste grandeur mondiale, à la liquidation d'un pouvoir démocratiquement installé, sans que cela ne pose de réels problèmes aux opinions publiques occidentales. Signe que les valeurs de droits de l'Homme et de démocratie ne viennent que conforter les intérêts déjà cristallisés des Etats riches, le terme de coup d'Etat qu'il sied d'utiliser dans le cas d'espèce est manipulé avec beaucoup de méticulosité.

Le Conseil de sécurité s'est réuni à huis clos, mais ce sera encore une fois pour demander le retour de l'ordre et le respect du droit à manifester. Le Haut commissariat aux Nations-Unies est pour l'instant inerte. Aucune enquête n'est annoncée pour, au moins, savoir ce qui s'est passé. Juste des mots pour soigner une vraie plaie qui met mal à l'aise tout bon démocrate. Les musulmans n'auraient-ils pas donc le droit de se choisir le leader qu'ils désirent si les principes de démocratie sont respectés à la base ? Y a-t-il des peuples qui méritent mieux que d'autres de vivre à l'ombre d'une souveraineté conquise ?

Mouhamed Morsi a sans doute été excessif par moments, poussant l'imprudence jusqu'à vouloir engager les troupes égyptiennes en Syrie, alors qu'il n'avait même pas fait un an au pouvoir. On peut à juste titre lui opposer une certaine rigidité. Une volonté morbide de tout contrôler. Mais Morsi n'a pas tué. Il n'est pas le Diable qu'on veut bien nous vendre dans les médias les plus représentatifs du monde qui sont dans la plupart des cas, le reflet des intérêts bien compris des puissances occidentales et de leurs opinions publiques totalement réfractaires à l'islam. A supposer que son élection ait été une erreur, pourquoi ne devrait-on pas attendre la prochaine présidentielle pour lui administrer une sanction populaire, sortie des urnes ? Dans ces conditions, que peut-on raisonnablement reprocher à Bachar Al Assad, lorsque le Général Al Sissi le détrône sur le registre de la cruauté ? En vérité, aucune argutie intellectuelle ne peut asseoir la forfaiture égyptienne. Les petits ''romantiques'' de l'histoire qui veulent faire le parallélisme entre ce qui se passe en Egypte et la “révolution des œillets”, en 1974 au Portugal, peuvent bien déchanter. L'Armée égyptienne est plus intéressée par la protection de ses intérêts propres et de ceux qui tiennent les cordons de la bourse que par la défense de la souveraineté populaire égyptienne. C'est en partie l'héritage de l'histoire, au moins depuis les accords de Camp David, signés le 17 septembre 1978, par le Président égyptien Anouar El Sadate (assassiné en 1981), le Premier ministre israélien Menahem Begin, sous la médiation du Président Jimmy Carter. L'Egypte doit rester sous contrôle à tout prix, quoi qu'il en coûte à l'image des Etats-Unis et Cie, pris dans une nasse de contradictions difficiles à surmonter. Mais attention ! Le monde change plus vite qu'il n'en donne l'air...

   

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