Publié le 18 Feb 2013 - 20:47
EDITO DE MAMOUDOU WANE

 Ligne courbe !

''Le voyageur (...) se trouvant égaré en quelque forêt, ne doit pas errer en tournoyant, tantôt d'un côté , tantôt d'un autre, ni encore moins s'arrêter en une place, mais marcher le plus droit qu'il peut vers un même côté...''

René Descartes, Discours de la Méthode

 

 

La démission du ministre El Hadj Malick Gakou peut a priori paraître anodine. Bien loin largué sur le rang protocolaire, le ministre du Commerce, de l'Industrie et du Secteur informel jusqu'au 13 février 2013 est bien loin d'être le plus gradé du gouvernement. Mais sa démission révèle une fragilité à la source de l'équipe d'Abdoul Mbaye, quelles que soient par ailleurs les motivations d'El Hadj Malick Gakou, bien loin d'être un enfant de chœur.

On pourra toujours épiloguer sur les dessous de cette démission-surprise, les connexions supposées entre le numéro deux de l'Alliance des forces de progrès (Afp) et les lobbies du sucre et de la farine. Le pain étant le catalyseur de cette crise, il serait intéressant de poser le débat sur la place publique pour s'interroger sur les orientations de notre politique industrielle et en s'interrogeant sur la pertinence d'une intervention disproportionnée de l'Etat ainsi que les conséquences qu'un arbitrage déséquilibré peut avoir sur notre économie nationale. Comment protéger le consommateur tout en ne tuant pas les industries qui ont besoin de faire du profit ? Et comment également éviter que la loi des monopoles n'étouffe notre si jeune et fragile économie héritée du colonialisme ? Ce débat n'existe bien malheureusement pas dans notre pays. Et l'on a bien l'impression que tout le monde l'évite, y compris l'Etat, de peur d'être épinglé du délit de ''nouvelle bourgeoisie sans cœur'' ou encore de communautarisme excessif.

 

Mais au-delà du méli-mélo Boulangers-Meuniers-Etat, l'affaire Gakou pose un problème beaucoup plus sérieux. La comparaison peut sembler excessive : c'est comme si un joueur de football, sans aviser ni le capitaine, ni l'arbitre, quitte l'aire de jeu pour rejoindre les vestiaires, la mine altière et le regard défiant. Ce comportement marque bien une zone de névralgie qui transcende bien la personne du ministre démissionnaire. Il est simplement le ''symptôme'' de quelque chose de plus profond. Il interroge surtout la posture de l'actuel chef d'équipe qu'est Abdoul Mbaye. C'est un secret de Polichinelle ; par la force des choses, on en est aujourd'hui arrivé à une situation si complexe que quelles que soient les décisions qu'il prendra dans les secteur industriel, bancaire, minier etc, il y aura toujours un soupçon de parti-pris.

 

Cela s'appelle crise de confiance. Nous ne discutons point des capacités managériales et même intellectuelles de l'actuel chef du gouvernement. Pour avoir fait de bonnes études, il a sans doute le profil pour le poste. Du moins sur le papier. Mais pour le reste, on a comme l'impression que le conflit est devenu le mode opératoire de tous les actes qu'il prend. Ce sentiment peut ne pas correspondre à la réalité de sa gestion. Mais dans les nouvelles démocraties, l'impression et la perception valent réalité.

 

L'autre conséquence, tout aussi importante, du départ de Gakou, c'est que le chef d'équipe, dont le leadership est contesté jusqu'à un tel niveau d'outrecuidance, peine à asseoir la reconnaissance d'une grande frange des membres de l'équipe gouvernementale. De fait, il n'est pas chef d'équipe parce qu'il n'y a plus d'équipe. Disharmonie, cacophonie et inertie, même les actes, socialement salutaires du gouvernement, comme la baisse de l'impôt sur les revenus, l'amélioration de la couverture médicale et la réduction du train de vie de l'Etat, passent...inaperçus. Les lignes d'horizon auraient-ils été définis clairement pour qu'au moins, en attendant de meilleurs jours, le peuple se contentât d'espoir et d'eau fraîche, que la patience serait permise. Or, rien de tout cela.

 

Et là, on a bien l'impression que le Président Macky Sall se contente d'attendre, encore et toujours, on ne sait quelle date importante, pour corriger ce qui devrait l'être hic et nunc. Car si un des traits de caractère dominants du Président Wade, c'est l'audace, le Président Sall nous semble un peu très précautionneux, trop prudent, alors que dans le contexte actuel, il faudrait, nous semble-t-il, piquer sa vertu à Lucky Luke, pour éviter qu'une certaine opinion ne se cristallise...contre lui. La ligne droite comme nous le conseille le bien sénégalais penseur... français René Descartes.

 

Post scriptum !

Les sénégalais, surtout ceux de la capitale, ont célébré la semaine dernière la Saint Valentin, sans aucune retenue. En rouge et noir ! A la télé, dans les restos et boîtes de nuit. C'est une grande honte pour des Africains de se mettre à la rose, alors que le ''Taajaboon'', notre carnaval national, est rangé aux oubliettes. Aucune industrie, aucun business autour de notre bal masqué national. Cela n'est-il pas symptomatique d'une décadence de notre culture ?

A la semaine prochaine !

 

 

Section: