Publié le 19 Mar 2012 - 07:31
EDITO

Ligne droite

 

L'histoire veut justement que Me Wade, annoncé aux bords de la tombe, survive à toutes les épreuves, éreinte bien des générations, ses petits-fils compris, pour se présenter douze ans après à la compétition pour la magistrature suprême. Lui aurait-on dit en 2000 que cette performance était possible qu'il ne le croirait pas lui-même. Voilà un homme qui a officieusement 90 ans, qui flanque bien des cauchemars à ses petits-fils et espère encore habiter nos rêves ou cauchemars pour trois ans encore. Comment fait-il donc ? Où puise-t-il ses forces ? Et... question fondamentale, jusqu'où peut-il aller encore ?

 

Cette dernière question est sans doute la plus importante, du point de vue de la perspective où nous nous trouvons. Car, à y regarder de près, on ne voit pas comment le Pape du Sopi peut aujourd'hui inverser les rapports de forces actuellement en action. Me Wade a beaucoup compté sur le poids des ndigël. Or, il n y a point eu de ndigël. Cheikh Béthio Thioune, pour volontaire qu'il soit, ne pourra jamais faire mieux que les nombreux Califats de Touba. Serigne Cheikh, Khalife de la très influente famille de Serigne Saliou n'a donné aucune consigne de vote. Même le Khalife général des Mourides, bien inspiré par la prudence devant le caractère bien fougueux de l'électorat, s'est jusque-là gardé de toute consigne de vote. On ne parle pas des autres familles religieuses du Sénégal, tidianes, niassènes, layènes etc, subitement inspirées par la sagesse.

 

En vérité les partisans du Président sortant ont voulu jouer sur les émotions, en investissant dans le «Pathos», qu'ils en ont oublié les problèmes réels des Sénégalais qui se conjuguent avec vie chère. Même le boulevard ouvert sur l'homosexualité est un chemin sans issue qui n'a aucun effet politique réel. L'opinion (des villes) voit dans cela des manipulations visant à salir un homme qui aspire prendre le pouvoir. Diouf aimait bien dire que Wade était un homme peu crédible, mais sa voix avait peu de chance d'être entendue entre les deux tours. En 2000, l'opinion s'était cristallisée autour du départ de Diouf au point que même les journalistes les plus libres éprouvaient la plus grande difficulté à signer des éditos en faveur du maintien de Ndiol. Même scénario aujourd'hui, très peu de leaders d'opinions peuvent défendre Wade, sans être taxés de...vendus. Cela est bien la conséquence de rapports de forces déjà cristallisés. Et on voit mal comment un coup de force, de quelque nature que ce soit, puisse prospérer. Aujourd'hui que la sécurisation des votes est assurée non pas seulement par la presse privée qui donne les résultats dès la fermeture des bureaux de votes, mais aussi par les puissances étrangères qui ont intérêt à garder intacte la vitrine démocratique sénégalaise, pour la vendre ailleurs en Afrique. Le camp du pouvoir peut bien choisir la voie de l'anarchie, en installant un climat quasi-insurrectionnel, en comptant sur des forces en réalité marginale, mais ce serait bien à ses risques et périls. Quelle issue donc pour les tenants du pouvoir que de respecter les règles du jeu ?

 

Il reste entendu qu'il y aura une vie après le verdict du second tour. Car, quel que soit le camp qui va l'emporter, il n'aura pas la même marge de manœuvre que le tout puissant Wade, qui a eu tous les pouvoirs. Même Président, Macky Sall devrait bien manœuvrer pour ne pas se faire piéger aux prochaines Législatives qui n'auront sans doute pas lieu en juin prochain, mais après l'hivernage. Il faut en effet savoir que ni Moustapha Niasse, ni Idrissa Seck encore moins le Parti socialiste n'ont encore dit leur dernier mot. Le chemin est très escarpé et riche de toutes les incertitudes... Et c'est sans doute cela aussi le charme de ce pays.

 

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