Publié le 10 Feb 2014 - 12:06
EN PRIVÉ- DANIEL GOMES, COORDONNATEUR DU COMITÉ DE PILOTAGE DE LA NOUVELLE SOCIÉTÉ DE GESTION COLLECTIVE DU DROIT D’AUTEUR ET DES DROITS VOISINS

 ''La vérité sur les 15 milliards de la Banque mondiale''

 

La première assemblée constitutive de la nouvelle société de gestion collective du doit d’auteur et des droits voisins s‘est tenue, le 17 décembre 2013, au King Fahd Palace à Dakar. Après 15 tours d’horloge, elle a élu son conseil d’administration dans la douleur. Daniel Gomes, le coordonnateur du comité de pilotage, revient avec EnQuête sur plusieurs sujets liés à la mise en place dudit comité.

 

 

Quelle est la genèse de la nouvelle société de gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins?

Il me plaît de commencer par la mise sur pied de l’Association des métiers de la musique (AMS), en 1999, dont le premier point du programme était de trouver des mécanismes adéquats pour favoriser un environnement viable pour les artistes. On avait  des textes datant des années 60 qui ne sécurisaient pas les artistes à l’orée du 21e siècle.

Ensuite, on a eu la chance, avec la Banque mondiale qui, pour la première fois de son histoire, a décidé de consacrer 1% de son budget de financement à l’industrie culturelle, essentiellement  dans la musique, avec le Sénégal et l’Afrique du Sud comme pays pilotes. Ils sont venus à Dakar, en 2000, pour rencontrer plusieurs organisations professionnelles et les artistes rassemblés au centre culturel Blaise Senghor.

D’un commun accord, tout le monde s’est rangé derrière le programme de l’AMS, parce que tout le monde avait les mêmes préoccupations. Après étude et diagnostic, la banque mondiale a compris qu’il fallait 15 milliards pour redynamiser l’industrie musicale et tout ce qui gravite autour. Et pour y arriver, il fallait un environnement juridique solide pour aspirer à une économie forte.

C’est de là qu’est née l’idée d’une société de gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins. Cela implique que le  Sénégal doit appliquer toutes les conventions qu’il a signées sur le plan international, avec la création d’une société de gestion collective qui prend en compte les droits d’auteurs et les droits voisins.

En attendant, la Banque mondiale avait trouvé un terrain d’entente avec les autorités. C’est avec la Fondation Youssou Ndour qu’on a commencé les premières formations au niveau de l’AMS. Un comité de pilotage, composé du ministère de la Culture, du BSDA et des membres des organisations professionnelles, fut mis sur pied pour suivre ce projet. En 2008, la loi sur le droit d’auteur fut promulguée.

Cette loi révolutionnaire a instauré la création d’une nouvelle société civile de gestion collective qui consacre de nouveaux droits. Le BSDA ne comprenait que les auteurs représentés au conseil par la musique, les arts dramatiques et le livre. Ce conseil était nommé par décret.

Quand donc la Banque mondiale a-t-elle commencé à financer ce projet?

En 2005, à travers le programme de promotion des investissements privés, le programme de promotion des industries privées (PPIP), un budget d’environ 600 millions Cfa est approuvé, pour dérouler un plan d’action ayant pour principaux objectifs : l'élaboration d'un projet de loi plus moderne et plus répressive et en conformité avec la législation internationale sur la propriété littéraire et artistique ; la formulation de propositions sur le  statut professionnel et la protection sociale des acteurs de la musique ; le renforcement de capacités juridiques des acteurs de la musique.

Est-ce que toute cette manne financière est parvenue aux artistes ?

Les gens pensaient que l’AMS avait reçu la somme de 15 milliards, alors que la Banque mondiale traite avec les États. Comme tout bailleur, la Banque mondiale avait demandé à ce que les bénéficiaires de ce programme soient impliqués dans la marche du projet. C’est ainsi que les comités de pilotage ont été montés, pour qu’il y ait un plan d’action consensuel.

Le programme PPIP est un prêt de la Banque mondiale à l’état du Sénégal qui participe à hauteur de 10% dans le budget. Il fallait donc une volonté politique manifeste pour porter ce projet. C’est de là qu’on est parti pour arriver à l’assemblée générale qui avait réuni 33 organisations professionnelles.

Elles ont, par la suite, élu en leur sein un comité restreint de six personnes nommées par l’assemblée pour mener le processus. C’est ainsi qu’une première enveloppe de 600 000 000 de francs Cfa a été décaissée par le PPIP, sous la coupole de la Banque mondiale. C’est l’État qui encaisse l’argent par tranches de 100 000000 F Cfa. Il est bon de rappeler que le PPIP est l'interface entre la Banque mondiale, l’État et les organisations professionnelles. C'est-à-dire le comité de pilotage.

Comment cette somme a-t-elle été dépensée ?

Il fallait envoyer des experts doctrinaires. Ça coûte cher. L’expert le moins cher sur le plan international vous coûte 500 000 F Cfa par jour. On avait fait venir le Français André Lucas qui devait faire l’état des lieux, nous proposer un texte pour la loi, selon nos besoins. Il fallait une étude pour faire l’expertise. L’étude coûte cher. Sur cette base, il fallait une vaste campagne de communication. L’argent a principalement servi pour l’expertise des experts, des études et la campagne de communication.

Pourquoi n'aviez-vous pas fait appel à l'expertise nationale ?

C’est un appel d’offres qui a été fait. On n'avait pas vraiment un expert en droits voisins, même s'il y a maintenant certains qui sortent de l'école. La seule experte qu'on avait, c'est Mme Siby qui gère les droits d'auteurs.

Il faut que les gens comprennent qu'on n'avait pas d’experts spécialisés pour les droits voisins, pour la simple raison qu’on n'a jamais eu de droits voisins au Sénégal. Il nous fallait une expertise avérée. On n’a rien contre la préférence nationale. Si elle existe, pourquoi prendre quelqu'un d'autre ? Il nous fallait un expert francophone pour la connaissance de la langue. On a fait appel au Pr André Lucas.

Qu’est-ce qui fait que certains artistes ont déclaré ne jamais être informés sur le financement du PIPP?

Peut-être qu’ils n’étaient pas là, pendant nos différentes campagnes d’information, ou ils ne voulaient pas répondre aux convocations. Je peux comprendre le fait qu’il y en ait tellement que certains ont fini par se lasser d’une énième convocation. On a eu à sensibiliser un peu plus de 1 000 personnes sur l’ensemble du territoire national, entre 2005 et 2008, pour le budget qu’on nous a donné.

La première tranche a servi pour la campagne. Lorsqu’il s’est agi de continuer la campagne de sensibilisation en 2008, cela a coïncidé avec l’arrivée d’un nouveau ministre de la Culture. La volonté politique n’a pas suivi, comme c’est le cas aujourd’hui. Pour la dernière tranche de 100 millions F Cfa qui a été décaissée en décembre 2009, on a perdu plus de 87 millions.

Lorsque l’argent est venu, on attendait juste la signature du Ministère de la Culture qui n’a pas suivi. L’argent a donc été retourné. On s’est retrouvé avec une centaine de personnes qui n’ont pas été informées et formées. C’était malheureux pour l’avancée du processus. C’était le statu quo, jusqu’en 2010 où l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) est arrivée avec un programme pour les industries culturelles.

Dans ce programme d’appui aux industries culturelles, notre comité de pilotage élargi a demandé la somme de 18 millions, pour continuer cette campagne de sensibilisation dont le but était d’expliquer aux gens combien il urge de mettre en application cette loi votée depuis 2008.

Quelle est la date retenue pour l’élection du président de cette nouvelle société de gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins ?

Après le rapport des huissiers, le nouveau conseil se réunira au plus tard le 17 février pour élire son président et son bureau exécutif. Ensuite, le conseil déposera les statuts chez le notaire, pour consacrer la création de la société, avant de procéder à l’appel à candidature, pour recruter son gérant ou directeur de société.

Après cette étape, s’ensuivra le dépôt de demande d’agrément au Ministère de la Culture, comme stipulé dans la loi. A partir de l’obtention d’agrément, le BSDA cédera la place à la nouvelle société qui sera dans les mêmes locaux.

Le droit d’auteur suivra son cours avec les spécialistes du BSDA et un personnel renforcé pour les nouveaux droits  dits voisins. Le processus de basculement du BSDA vers la nouvelle société de gestion prendra au minimum 6 mois.

Almami Camara

 

 

 

 

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