Publié le 15 Oct 2020 - 22:35
ENERGIES VERTES

Macky Sall donne encore rendez-vous en 2023 pour le tout en gaz 

 

Le Sénégal passera à l’électricité verte, produite à partir du gaz, notamment avec le projet ‘’Gas to Power’’, à compter de 2023, au lieu de 2022, comme annoncé lors de l’inauguration de la 1re phase du parc éolien de Taïba Ndiaye, en février dernier. Le chef de l’Etat, Macky Sall, l’a affirmé hier, lors de son intervention à la conférence en ligne sur l’investissement privé pour le climat, organisée par le Fonds vert climat.

 

Le Sénégal ne sera plus totalement illuminé par les énergies vertes à partir de 2022, comme l’avait déclaré le chef de l’Etat, lors de l’inauguration de la centrale éolienne de Taïba Ndiaye, en février dernier. Prenant part, hier, lors de la conférence en ligne sur l’investissement privé pour le climat, organisée le Fonds vert climat, Macky Sall donne rendez-vous aux Sénégalais un an plus tard. Il a indiqué que le Sénégal est actuellement à 166 MW de solaire déjà installés, auxquels il faut ajouter déjà une centrale éolienne à Taïba Ndiaye, d’une capacité de 150 MW.

‘’Et toutes ces centrales éoliennes et solaires seront entièrement opérationnelles à fin 2020. Les centrales hydroélectriques de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), il s’agit de la centrale de Manantali et celle de Felou, et aussi les autres centrales photovoltaïques que nous avons développées avec le programme Scaling Solar, seront effectivement mises en service d’ici décembre 2020. Elles porteront l’énergie renouvelable au Sénégal à 34 % des capacités installées dans notre pays. Et à compter de 2023, tout le reste passera au gaz, même si le gaz n’est pas renouvelable. Mais cela fera moins d’émissions de gaz carbonique dans l’atmosphère’’, affirme le président Sall.

Au plan national, le chef de l’Etat a relevé que le pays est également à l’ère des énergies propres, avec la mise en œuvre d’une stratégie en trois axes. Le premier, c’est de développer des énergies propres, renouvelables, en particulier le solaire et l’éolien, y compris dans les zones qui n’ont pas encore accès au réseau national de distribution de l’électricité. Le deuxième axe de cette stratégie est d’assurer la transformation énergique ‘’Gas to Power’’. ‘’Nous commençons dès maintenant l’adaptation de nos centrales électriques existantes, mais aussi de nos méthodes de distribution. Le troisième axe de cette stratégie est, enfin, d’encourager la réalisation de projets en IPP (Independent Power Producer) en partenariat avec le secteur privé national. Sur l’énergie solaire, nous sommes partis de loin, avec une première mini-centrale de 2 mégawatts installée en 2014 pour alimenter le Centre international de conférences Abdou Diouf (Cicad)’’, dit-il.

D’après le président de la République, tout cela sera renforcé par le projet d’électrification solaire de 1 000 villages, financé à hauteur de 540 millions d’euros, grâce au soutien du Fonds vert climat, en partenariat avec la Banque ouest-africaine de développement (BOAD). ‘’Il s’agit, pour nous, dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord de Paris, de continuer cette perspective d’énergie verte et de lutter contre le réchauffement climatique pour illustrer de façon concrète comment un pays en développement, comme le Sénégal, peut contribuer à l’effort universel de transition énergétique. Cela est contraint par nos engagements d’éviter de suivre le schéma pollueur des pays industrialisés qui ont beaucoup conduit à la situation actuelle de dégradation graduelle avancée de l’environnement’’, ajoute Macky Sall.

Eviter de suivre le schéma des pays industrialisés

Toutefois, en poursuivant leurs efforts sur les énergies propres, le président sénégalais estime qu’ils doivent aussi tenir compte de leur retard dans leur processus de développement. Un retard qu’ils ne peuvent combler ‘’sans un accès universel’’ à l’électricité et à des ‘’coûts compétitifs’’.

‘’Il ne faudrait pas que les pays africains suivent le schéma des pays industrialisés. Ce n’est pas un bon schéma. Ce n’est pas un bon exemple pour nous. Nos contraintes de développement nous imposent également un accès universel à une énergie compétitive et à bon marché. Cet objectif ne peut plus être renvoyé à un horizon lointain. C’est maintenant que nous devons traiter à sa réalisation. On ne peut pas renoncer au schéma pollueur dans une alternative disponible, accessible et efficace’’, plaide le président Sall.

Et c’est là qu’il interpelle souvent leurs partenaires bilatéraux et multilatéraux pour que les efforts de transition énergétique de leurs pays soient accompagnés par des mécanismes de financement ‘’simplifiés’’, ‘’diligents’’ et ‘’efficaces’’. ‘’C’est des efforts que nous devons tous mener de façon solidaire. Nous sauvons la planète, notre habitat commun. Nos projets ne pourront être compétitifs sans l’accord de frais de long terme. Pour le moment, nous avons des prêts sur 12 ans. Ce n’est pas comptable. Les projets tels que le Bus Rapid Transit (BRT) pour rallier la banlieue à Dakar, qui devrait fonctionner à l’électricité, méritent un meilleur soutien en termes d’accès à des financements concessionnels. L’accès aux finances reste une problématique majeure pour les pays en développement’’, renchérit Macky Sall.

Il relève que les fonds et crédits commerciaux prennent le relais sur les crédits professionnels. Et que de plus en plus, chaque pays développé, industrialisé, développe sa banque Exim (export-import) pour accompagner ses propres productions. ‘’C’est bien, mais nos pays acheteurs de technologies, de services avons aussi besoin de financements adaptés pour pouvoir assurer un développement équitable et préserver l’environnement, le climat et donc la planète’’, fait-il savoir.

Réinventer régulièrement les initiatives politiques pour leur efficacité

Pour sa part, le directeur exécutif du Fonds vert climat a signalé que les initiatives politiques pour lever les obstacles concernant la finance climat sont ‘’complexes’’ à concevoir et à mettre en œuvre. ‘’Elles doivent être réinventées régulièrement pour améliorer leur efficacité. Les priorités pour 2020, c’est d’abord la promotion de l’intégration et, ensuite, faire de sorte que la finance mixte fonctionne dans les pays en voie de développement, ceux moins avancés. Pour la relance économique post-Covid, avec un moment important dans la lutte contre le changement climatique et la préparation de la Cop 26, les pays devront augmenter leurs ambitions des contributions nationales pour les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat’’, soutient Yannick Glemarec.

Ainsi, il pense que ce processus leur fournit une opportunité de ‘’monopoliser’’ les CDM (Clean Development Mechanism) pour des actions climatiques, avec une intégration politique et les mesures de relance. ‘’Notre défi est de traduire les CDM dans les plans d’investissements qui peuvent combiner des sources multiples privées et publiques de financement. Cela engagerait le secteur privé dans le développement dans ces plans d’investissements. La finance mixte est aussi un outil potentiellement puissant pour catalyser le financement privé par rapport aux ressources publiques qui deviennent plus rares et pour écarter le risque de baisse d’opportunités de financements verts’’, note M. Glemarec.

 Cependant, il précise que la finance mixte a jusque-là été bénéfique aux pays avancés, ceux à revenu moyen, en oubliant les pays en développement. Le directeur exécutif du Fonds vert climat préconise également de catalyser l’investissement privé dans les technologies.

Au fait, les opportunités d’investissements climatiques représentent 29,9 millions de milliards de dollars à travers le monde, selon la vice-secrétaire générale des Nations Unies, Amina J. Mohammed, par ailleurs Présidente du Groupe des Nations Unies pour le développement durable. Il s’agit de transport public, de véhicules électriques, de gestion des eaux usées, d’infrastructures durables dans les centres urbains. ‘’Les gouvernements doivent avoir une vision à long terme, en parallèle de leur plan de crise post-Covid. Une stratégie qui devrait permettre de prendre des choix et des décisions pour la reprise post-Covid. Ces retards que nous avons, surtout dans les pays en développement, sont énormes. Ils ont déjà du mal à se financer aujourd’hui ; ne parlons pas de demain. Il faut donc réduire cet écart pour le long terme. Le secteur privé doit mettre en place des cadres d’investissement’’, conclut Amina J. Mohammed.

MARIAMA DIEME

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