Publié le 25 Mar 2020 - 20:08
ENFANTS MENDIANTS EN CETTE PÉRIODE DE CRISE

Ndèye Saly Diop Dieng déroule un plan de retrait

 

Est-ce, avec la pandémie de la Covid-19, qu’on va enfin assister au retrait définitif des enfants de la rue ? L’espoir est permis, avec la batterie de mesures annoncées, hier, par le ministre de la Famille, de la Femme et de la Protection des enfants, pour le retour des enfants dans leurs foyers d’origine.

 

‘’Le combat contre la Covid-19 rime avec zéro enfant dans la rue’’, déclare le ministre de la Famille, de la Femme et de la Protection des enfants Ndèye Saly Diop Dieng. Mais, à ce jour, les enfants en situation de rue n’ont pas disparu des artères de la capitale. Conformément aux mesures indiquées par les autorités sanitaires hier, le ministre a invité à ‘’une attention renforcée pour les enfants en général et en particulier pour ceux en situation de rue ou privés de protection parentale qui sont particulièrement exposées’’. Ces derniers, poursuit-elle, de par leur mobilité et leur exposition sociale, connaissent un risque élevé de contamination et deviendraient des vecteurs de propagation plus larges de la maladie au sein de la communauté.

Le ministre de la Famille annonce ‘’plusieurs mesures déclinées en un plan d’urgence des enfants de la rue, dans ce contexte de Covid-19’’. Il s’agit de l’organisation diligente du retour volontaire des enfants au sein de leurs familles d’origine, avec un accompagnement des parents qui s’engageront pour faciliter leur réinsertion. À cela s’ajoute la conduite des opérations de retrait des enfants, en vue de les retirer de la rue et les placer dans les centres d’accueil pour enfants, pour une meilleure prise en charge, le temps de chercher leurs familles d’origine et d’organiser leur retour. Ce travail se fera en collaboration avec les ministères sectoriels (Justice, Intérieur et Santé), les partenaires techniques et financiers et la société civile œuvrant pour la protection des enfants.

À en croire le ministre, les opérations seront conduites ‘’sans délais’’ par les comités départementaux de protection de l’enfant, en étroite collaboration avec les autorités administratives. ‘’J’en appelle à une mobilisation totale et à un accompagnement, notamment des élus territoriaux, des délégués de quartier des ‘badienou gokh’et des ‘ndeyou daara’dont le soutien est une condition incontournable de succès’’, insiste Ndèye Saly Dieng.

En cette période de pandémie, un enfant dehors, selon les scientifiques, peut contaminer en moyenne trois personnes. Et chez cette tranche de la population, les symptômes sont si légers qu’ils peuvent passer inaperçus. Le danger est donc bien réel, si l’on considère ces dizaines de milliers d’enfants forcés de quémander des pièces à longueur de journée.

La société civile attend plus des autorités administratives

Jeudi dernier, les organisations de la société civile axées sur la protection des enfants avaient tiré la sonnette d’alarme, en faisant un certain nombre de recommandations. Dans une déclaration commune, Amnesty International, la Raddho, la Coalition nationale des associations et ONG en faveur de l’enfant (Conafe), l’Association des juristes sénégalaises (AJS), SOS Villages d’enfants Sénégal et le Samu social Sénégal avaient réclamé le retrait immédiat des enfants de la rue.

‘’Aussi, il ne faudrait surtout pas après les confiner dans des structures ou lieux insalubres et inappropriés pour leur prise en charge’’, avaient-elles rappelé, en suggérant « de privilégier la réintégration des enfants retirés de la rue dans leurs milieux familial et communautaire, et d’accompagner ce processus au plan matériel et financier’’.

De leur point de vue, les enfants en situation de rue sont encore une fois ‘’les oubliés des politiques publiques’’. D’autant plus qu’aucune mesure n’a été prise pour les enfants qui sont dans les ‘’daaras’’, privés de prise en charge parentale, les enfants pris en charge dans les structures d’accueil et les enfants en situation de rue. Une situation qui doit changer également par le retour aux responsabilités des parents et une solidarité nationale.

Le secrétaire général de la Rencontre africaine pour la défense des Droits de l’homme (Raddho) réclame plus de diligence. ‘’Nous constatons que l’Etat n’a pas encore intégré nos recommandations. Certes, des ‘daaras’ sont en train de fermer, mais il faut des descentes sur le terrain pour expliquer aux maitres coraniques les mesures d’hygiène. Il faut leur offrir des produits hygiéniques (savon, gel…) et leur donner les moyens de prendre en charge cet aspect. A notre niveau, nous travaillons actuellement avec 30 ‘daaras’et nous leur avons distribué du matériel antiseptique. Cette lutte passe par la formation des maitres coraniques. Il faut aller vers ces maîtres, les sensibiliser et en profiter pour assainir le milieu’’, propose-t-il.

Il s’avère que, pour bon nombre de ‘’daaras’’, malheureusement, l’argent de la mendicité sert à faire vivre l’établissement. Conscient de ce fait, Sadikh Niasse estime que c’est un aspect à prendre en compte, en prévoyant une somme dédiée à leur financement. ‘’Le budget dégagé pour faire face à cette crise ne doit pas se limiter aux entreprises et aux sociétés impactées, il faut également penser aux ‘daaras’. Il est clair qu’en raison de l’état d’urgence et le désencombrement de la voie publique, on ne va pas laisser ces enfants mendier, mais on doit penser à des mesures d’accompagnement’’.

Du côté du Samu social, on attend beaucoup des autorités administratives, surtout en cette période d’état d’urgence où des pouvoirs leur sont conférés. ‘’Le gouverneur de Saint-Louis avait pris les devants, en interdisant la mendicité dans la région, mais cette mesure n’a même pas été respectée. On espère vraiment que cela va changer, les jours à venir’’, nous confie-t-on.

EMMANUELLA MARAME FAYE

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