Publié le 5 Jan 2021 - 20:54
ENTRETIEN AVEC LA PRESSE, FILIÈRE ARACHIDIÈRE

Macky Sall demande à la Sonacos de se suicider

 

Macky Sall n’a pas de solution face aux problèmes que traverse l’agriculture sénégalaise si ce n’est du pilotage à vue agrémenté de mensonge sur les chiffres. Le mensonge politique, c'est comme du sucre. Il arrive un moment où la saturation rend impossible toute solution. Alors que lui et son gouvernement nous vantent une production locale d’un million quatre cent mille tonnes (1.400.000 voire 1.800.000 t) et un prix au producteur de 250 voire 260 Fr/kg, la situation dans le monde rural est extrêmement tendue. Face à la presse, Macky Sall a encore prouvé qu’il n’est pas à la hauteur des attentes et que ce qui le motive c’est la communication et non la gestion rigoureuse et saine de la cité.

Il faut d’abord regretter cette étonnante intempérance qui veut qu’après son discours à la nation, Macky Sall noie quasiment tout discours dissonant par la monopolisation des médias. Pourtant cette opa sur les médias n’a empêché la révélation de la légèreté avec laquelle Macky Sall gère ce pays, notamment sur le problème de l’arachide. Le discours, et l’entretien qui l’a suivi, montrent encore une fois que le Sénégal n’est pas gouverné : absence de cohérence dans les choix, aveu de la génuflexion de l’État face à certains pouvoirs (in-justice pour certains oligarques), assujettissement du calendrier électoral aux humeurs des politiciens, graves tâtonnements sur les difficultés de la filière arachidière, etc.

Il faut ensuite rappeler que les unités de trituration de l’arachide au lendemain des indépendances avaient une capacité de 900.000t, mais qu’actuellement la Sonacos et les autres huileries, ne peuvent, au meilleur des cas, collecter que 350-400.000 tonnes. Cette chute vertigineuse est liée à une convergence de facteurs à la fois endogènes et exogènes (dépréciation de la qualité de l’huile, concurrence de l’huile de soja et de l’huile de palme, sécheresse, absence d’investissement et d’innovation technique, mauvaise gestion, etc.).

L’huile d’arachide n’étant plus compétitive sur le marché international, les autorités n’ont trouvé d’autre solution que de promouvoir indirectement l’exportation pour soulager la détresse des producteurs. Les Chinois constituent donc une bouffée de sauvetage pour un secteur agricole presque à l’agonie. La solution de l’exportation des graines n’est pourtant pas sans risque : la mort lente et douloureuse du tissu industriel, la perte de devises, le déficit accru de la balance commerciale (la matière première est vendue moins chère et les produits finis achetés trop chers) …

Face à ce problème, Macky n’a pas trouvé mieux que de proposer à la Sonacos d’investir le marché de l’exportation des graines !!! Autrement dit, programmer la mort des unités de transformation par un gouvernement qui prétend relancer l’industrialisation du pays ! Si la Sonacos devait acheter les graines et les exporter telles quelles, les paysans seraient définitivement ses ouvriers (voire des serfs) et l’usine disparaîtrait avec ses employés. Mais le paradoxe dans la communication du gouvernement est que si les prévisions de l’État sont exactes, la part des huiliers, la consommation locale (farine culinaire, arachides grillées, semences, etc.) ne devraient pas pouvoir épuiser une production si abondante au point de nécessiter l’interdiction de l’exportation par les producteurs de graines. La vérité est que ce gouvernement nous ment : il suffit d’aller dans le monde rural pour voir qu’une production de 1.400.000 tonnes (les plus dévergondés parlent de 1.800.000 !) est une vue de l’esprit.

Qu’est-ce que le régime de Macky Sall a fait pour booster les unités traditionnelles de trituration de l’arachide et, par ricochet, développer les PME et PMI pour les paysans ? Qu’est-ce que la Sonacos, adossée à une vision claire du Président, a fait pour innover technologiquement les unités industrielles et développer d’autres produits ? Pourquoi la production du beurre de cacahuète (tigadege) très consommé au Pays-Bas et en Amérique du nord n’a jamais fait l’objet d’une forte industrialisation ?

Pourquoi la culture de l’arachide de bouche adossée à des recherches et des techniques pointues n’a toujours pas décollé alors que la demande mondiale est croissante ? Qu’est-ce qui plombe la production de tourteau (rakkal) alors que la problématique des aliments de bétail est encore une impasse dans notre pays et que la demande mondiale ne cesse de croitre ?  Comment expliquer qu’entre 1972 et 2014 la Chine ait atteint un taux de rendement de 3 tonnes/ha alors que notre pays stagne à 800kg/ha ? Comment expliquer que les phosphates produits au Sénégal n’aient jamais profité à la révolution agricole tant théorisée ?

J’aurais été à l’entretien, voilà les questions que j’aurais posées au président Macky Sall

Alassane K. KITANE

 

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