Publié le 16 Mar 2014 - 19:50
ENTRETIEN AVEC ZATOR MBAYE, DÉPUTÉ, RESPONSABLE A L'AFP

''Il n'appartient pas à Moustapha Niasse, dans une circulaire, de désigner un dauphin''

 

Après la polémique qui a suivi la décision de l'Alliance des forces de progrès (AFP) de ne pas s'opposer à Macky Sall en 2017,  Pape Diallo dit Zator Mbaye, responsable dans ce parti, a jugé nécessaire de ''recadrer le débat''. Dans cet entretien accordé à EnQuête, le député à l'Assemblée  nationale  déclare que cette décision est dictée par un souci de ''cohérence''. Non sans assurer que la succession de Moustapha Niasse se fera de manière ''graduelle''. Une succession qui, rassure le responsable des jeunes à Dakar, se fera en toute démocratie.

 

Le Bureau politique de votre parti, l'AFP, a décidé de ne pas présenter un candidat en 2017. Ce qui a suscité de vives polémiques. Comment l'expliquez-vous ?

D'abord, je voudrais emprunter une expression que Djibo Ka avait utilisée en disant que certains Sénégalais vivaient de rumeur et qu'ils étaient même des ''rumorivores''. Notre Bureau politique s'était réuni conformément à nos textes pour examiner des questions liées à l'actualité nationale, notamment les élections locales qui se profilent à l'horizon, au Groupe consultatif de Paris avec cette moisson importante.

(...) Comme deuxième point, nous avons estimé qu'ayant des responsabilités dans l'attelage gouvernemental -je rappelle que nous avons un ministre, un poste dans le bureau de l'Assemblée nationale que j'occupe, au niveau des agences, des directions- nous avons jugé incohérent de parler de candidature en 2017.

Parce que nous sommes embarqués dans une même barque que le président de la République. Il n'y a rien de nouveau. Cela a été dit le 10 février 2013, lors de notre comité directeur à l’hôtel Ngor Diarama qui a été organisé par El Hadji Malick Gackou, chargé des activités politiques du parti.

Dans la résolution, il a été dit, unanimement et par acclamation, qu'on était derrière le secrétaire Moustapha Niasse et que nous réaffirmions notre ancrage dans le Benno Bokk Yaakaar. Je précise que Moustapha Niasse n'a pris aucune décision. C'était un BP de 9 heures durant lesquelles il y a eu 25 intervenants. A la fin (des débats), il n'a fait que systématiser.

Mais la voix de Niasse est prépondérante au BP... 

C'est normal. Quand on préside une réunion, à la fin, on fait la synthèse. Il a fait la synthèse en rappelant les points forts qui ont ponctué le déroulement de notre BP.

Mais cette décision n'a pas fait l'unanimité, puisque certains responsables comme Mamadou Goumbala ont estimé que le débat était prématuré. 

D'abord, je précise que le camarade Goumbala n'est pas membre du BP. Deuxièmement, il s'y est infiltré comme un cheveu dans la soupe.    

Ah bon !

Oui. Il n'est pas à son premier coup. Vous vous souvenez de la conférence de presse des leaders de Benno Siggil Senegaal dans les locaux de l'AFP ? A l'époque, il était venu avec des tracts interrompre la rencontre pour dire que l'AFP ne voulait plus de Benno Siggil Senegaal. C'est quelqu'un qui s'agite.

Mais c'est un  militant après tout ! 

Oui, il a le droit de donner son point de vue parce que nous sommes un parti démocratique. Aucun point de vue n'est exclu à l'AFP. Ce que l'on récuse, c'est qu'il y ait des actions isolées tendant à casser notre parti.

Faites-vous allusion à Malick Gackou à qui on prête des ambitions présidentielles ?

Je ne fais allusion à personne. Malick Gackou, c'est mon grand frère, c'est mon aîné. Nous avons de bonnes relations. Je rappelle que dans l'interview que j'ai faite dans votre journal (EnQuête), il y a quelques mois, je vous avais dit que l'AFP n'est pas en train de préparer la candidature de Massamba ou Mademba en 2017. Ce n'était pas mes propos, mais la position du parti.

Certains pensent que cette décision vise directement Malick Gackou

Pourquoi pensez-vous que le BP devrait se réunir pour prendre une décision taillée sur mesure pour ou contre quelqu'un ? Cela n'a aucun sens. Nous avons rappelé une position de principe. Malick Gackou est à la tête de la région de Dakar, il est secrétaire national adjoint chargé des activités du parti.

Qu'est-ce qui explique donc son absence au BP ?

Il est le seul à répondre à cette question. C'est lui qui s'est absenté de Dakar, qui a envoyé un Sms au secrétaire général du parti en lui disant qu'il était absent de Dakar. Ce que je puis vous dire, c'est que cette décision a été unanimement prise.

Le secrétaire général a pris la peine de demander à l'assistance ceux qui sont pour ; ceux qui s'abstenaient ;  ceux qui sont contre. Devant les journalistes, personne ne s'y était opposé.

Ne prenez-vous pas de risque en donnant des gages à votre allié, l'APR, à 3 ans de la présidentielle ?

On donne des gages lorsqu'on se sent redevable. C'est de manière volontaire qu'on a choisi d'accompagner Macky Sall au deuxième tour (de la présidentielle), et aux législatives. C'est par la volonté de Macky Sall que le président Moustapha Niasse est à la tête de l'Assemblée nationale.  L'AFP n'y a que 15 députés. c'est une volonté politique. Une volonté politique est une volonté dynamique, graduelle.

Nous n'avons jamais dit que l'AFP va se dissoudre dans l'APR. L'AFP est plus que jamais déterminée à être un parti politique présent sur l'échiquier. Mais pour des raisons de cohérence politique, nous ne pouvons pas nous préparer à poser un candidat en 2017. Notre préoccupation fondamentale, c'est de trouver des solutions au problèmes des Sénégalais. Avec cette bonne moisson du club de Paris, le moment est venu pour être ensemble et relever ce défi.

Avec cette décision, est-ce que vous ne plombez pas l'élan des jeunes loups aux dents longues dans votre parti ? 

Malheureusement, je n'ai pas vu de loups. Il faudra bien identifier ces loups. Je n'ai pas assisté à une seule réunion où il y a avait un loup. Nous avons un parti composé de personnes physiques. Et le débat a été toujours libre à l'AFP.

Je défie quiconque de me dire que Moustapha Niasse a pris une décision unilatérale. A titre illustratif, lorsqu'il s'est agi d'envoyer des ministres dans le gouvernement, il aurait pu s'enfermer et choisir. Mais il est venu nous dire : ''Voilà les ministères qu'on a. Comment on va procéder  pour y mettre des noms ?'' De manière démocratique, on a fait un  tour de table, il n'a fait que systématiser.

De plus, ce n'est pas pour des prébendes. Notre parti fonctionne depuis 12 ans ; il a été le seul à prendre en charge le parti. Nous ne pouvons pas nous réclamer actionnaires de ce parti. En revanche, il n'a jamais dit qu'il restait à la tête du parti jusqu'à la fin de sa vie. Il a dit qu'il restera membre de l'AFP jusqu'à fin de sa vie. Il y a une nuance.

En différant sa succession, est-ce que Moustapha Niasse ne crée pas les conditions de l'implosion du parti ?

Nous sommes un parti organisé. Les renouvellements se feront, la vente des cartes va démarrer. 

Est-ce qu'il y a un échéancier ?

Il appartient au parti de le définir. Il n'appartient pas à Moustapha Niasse, dans une  circulaire, de dire que tel est mon dauphin. Cela ne fait pas partie de ses attributions. La succession est un processus, graduel, évolutif qui, à terme, va consacrer l'élection d'un nouveau responsable des jeunes, des femmes.

Mata Sy, certainement va partir. À ce moment, Moustapha Niasse certainement partira. Il l'a réaffirmé au congrès de la LD. D'abord ses charges au niveau de l'Etat ne le lui permettent pas, ensuite il avait dit :''J'ai choisi l'espoir''. Cet espoir qu'il a cité n'a jamais été un vain mot.(...)

Est-ce que le problème fondamental à l'AFP, ce n'est pas cette dépendance financière des militants à Moustapha Niasse, qui tient les cordons de la bourse ? 

L'AFP est l'un des rares partis politiques au Sénégal qui s'autofinance et s'autogère par la volonté du secrétaire général du parti. Il a affiché sa volonté de responsabiliser tout le monde dans le parti. Au BP, il a dit qu'il est satisfait parce que l'AFP vient d'organiser une rencontre où lui-même n'avait pas mis 1000 F. C'est-à-dire que l'AFP a aujourd'hui les moyens de se prendre en charge. Sa mission est accomplie. C'est à nous de relever les défis.

On est à deux mois des élections locales. Benno Bokk Yaakaar est divisée dans certaines localités comme Guédiawaye, fief de Malick Gackou. Est-ce que cela ne déteindra pas sur l'alliance avec l'APR ?

J''aime BBY, mais je préfère mon AFP. Cependant, je n'exclus pas des frictions et des heurts. On est en politique, il faut bien qu'il y ait de ambitions de part et d'autre. A Guédiawaye, c'est une réalité de la base.

Notre secrétaire général a libéré les énergies en disant : ''Que chacun prenne ce qui lui revient ! Laissez aux autres ce qui leur revient ! Battez-vous jusqu'au bout''. Cela veut dire que la discussion n'est pas exclue. Je demeure convaincu que des solutions seront trouvées pour l'intérêt des populations.

PAR DAOUDA GBAYA

 
 
 

 

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