Publié le 10 Jul 2020 - 19:35
EPUISEMENT DES STOCKS ARV

La fermeture des espaces terrestre et aérien, la principale cause 

 

L’accès aux médicaments contre le VIH est gravement perturbé par la Covid-19 et la riposte au sida ne progresse plus. Les pays cherchent des moyens novateurs d’en atténuer l’impact et d’assurer la continuité des services.

 

Les personnes vivant avec le VIH sont confrontées à d’énormes contraintes dans leur traitement. Elles font face à une rupture des antirétroviraux (ARV). Selon une nouvelle enquête de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) 73 pays ont signalé qu’ils risquaient de connaître des ruptures de stock d’antirétroviraux. Ce, en raison de la pandémie de Covid-19. Vingt-quatre pays ont indiqué que leur stock d’ARV était extrêmement faible ou que l’approvisionnement pour ces médicaments vitaux était perturbé. Cette enquête, menée avant la conférence de l’International Aids Society, fait suite à une modélisation effectuée par l’OMS en mai.

Selon cette dernière, une interruption de six mois de l’accès aux ARV pourrait entraîner un doublement du nombre de décès liés au sida en Afrique subsaharienne, pour la seule année 2020.

On estime qu’en 2019, 8,3 millions de personnes bénéficiaient d’ARV dans les 24 pays qui connaissent actuellement des pénuries. Cela représente environ un tiers (33 %) des personnes qui prennent un traitement contre le VIH à l’échelle mondiale.  Bien qu’il n’existe aucun traitement curatif contre la maladie, les ARV permettent de maîtriser le virus et de prévenir sa transmission sexuelle. Il ressort de l’enquête que l’incapacité des fournisseurs à livrer des ARV à temps et la fermeture des services de transport terrestre et aérien est la cause des perturbations notées. Ces éléments, associés à un accès limité aux services de santé à l’intérieur des pays, en raison de la pandémie, rendent plus difficile la situation des malades.

‘’Les conclusions de cette enquête sont très préoccupantes’’, analyse le directeur général de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus. A son avis, les pays et les partenaires qui œuvrent en faveur du développement doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que ceux qui ont besoin d’un traitement contre le VIH continuent d’y avoir accès. ‘’Nous ne pouvons pas laisser la pandémie de Covid-19 réduire à néant les avancées obtenues de haute lutte dans la réponse mondiale contre cette maladie’’, ajoute-t-il.

Selon les données publiées hier par l’OMS, le nombre de nouvelles infections à VIH a diminué de 39 %, entre 2000 et 2019. Le nombre de décès a baissé de 51 % au cours de la même période et les traitements antirétroviraux ont permis de sauver quelque 15 millions de vies. Toutefois, les progrès vers les objectifs mondiaux sont au point mort. Malgré ceux constants réalisés dans l’intensification de la couverture par les traitements, plus de 25 millions de personnes ayant besoin d’ARV en ont reçu en 2019. Mais les principaux objectifs mondiaux pour 2020 ne seront pas atteints. Car l’enquête révèle que les catégories qui en ont le plus besoin ne bénéficient pas des services de prévention et de dépistage de l’infection à VIH.  

Donc, il sera essentiel de mieux cibler les services de prévention et de dépistage qui ont fait leurs preuves pour relancer la riposte mondiale contre le VIH.

Aussi, suivant les résultats de l’enquête, la Covid-19 risque d’aggraver la situation. L’OMS a récemment élaboré des orientations à l’intention des pays sur la façon d’assurer en toute sécurité l’accès aux services de santé essentiels pendant la pandémie. Ces orientations incitent les pays à limiter les perturbations de l’accès au traitement contre la maladie, en délivrant des traitements pour plusieurs mois. Ils ont établi une politique de prescription de médicaments sur une longue période. À ce jour, 129 pays l’ont adoptée. Les pays atténuent également l’impact des perturbations, en maintenant les vols et les chaînes d’approvisionnement, en faisant participer les communautés à la livraison de médicaments contre le VIH et en collaborant avec les laboratoires pour surmonter les difficultés logistiques.

Nouvelles possibilités de traitement de l’infection à VIH chez les enfants

Lors de la conférence de l’International Aids Society, l’OMS va montrer qu’il est possible de faire baisser plus vite le nombre de décès liés au VIH dans le monde. A cet effet, elle va recommander de renforcer le soutien et les services aux populations touchées de manière disproportionnée par l’épidémie, y compris les jeunes enfants. En 2019, on estime qu’il y a eu 95 000 décès liés au VIH et 150 000 nouvelles infections chez les enfants. Environ la moitié (53 %) seulement des enfants qui avaient besoin d’un traitement antirétroviral, en bénéficiaient. Le manque de formulations pédiatriques appropriées pour les médicaments optimaux est depuis longtemps un obstacle qui empêche d’obtenir de meilleurs résultats pour les enfants vivant avec le VIH.

Le mois dernier, l’OMS s’est félicitée de la décision de la Food and Drug Administration des États-Unis d’Amérique qui a approuvé une nouvelle formulation de dolutégravir à 5 mg pour les nourrissons et les enfants de plus de 4 semaines et pesant plus de 3 kg. Cette décision leur permettra d’avoir rapidement accès à un médicament optimal qui, à ce jour, n’est disponible que pour les adultes, les adolescents et les enfants plus âgés. L’OMS s’est engagée à accélérer la préqualification du dolutégravir comme médicament générique afin qu’il puisse être utilisé dès que possible par les pays pour sauver des vies.

‘’Grâce à la collaboration de plusieurs partenaires, des versions génériques du dolutégravir seront probablement disponibles pour les enfants, d’ici le début de l’année 2021. Ce qui permettra de faire baisser rapidement le coût de ce médicament. Cela nous donnera un nouvel outil pour soigner les enfants vivant avec le VIH afin qu’ils restent en vie et en bonne santé’’, déclare Dr Meg Doherty, Directrice du Département Programmes mondiaux de lutte contre le VIH, l’hépatite et les infections sexuellement transmissibles de l’OMS.

De nombreux décès liés au VIH sont dus également à des infections consécutives à l’affaiblissement du système immunitaire. Il s’agit notamment d’infections bactériennes comme la tuberculose, d’infections virales comme l’hépatite et la Covid-19, d’infections parasitaires comme la toxoplasmose et d’infections fongiques dont l’histoplasmose.

 Aujourd’hui, l’OMS publie de nouvelles lignes directrices pour le diagnostic et la prise en charge de l’histoplasmose chez les personnes vivant avec le VIH. Cette maladie est très répandue dans la région OMS des Amériques. On y recense, chaque année, jusqu’à 15 600 nouveaux cas, dont 4 500 mortels, chez les personnes vivant avec le VIH. Le diagnostic et le traitement précoces de la maladie permettraient d’éviter bon nombre de ces décès.

Ces dernières années, la mise au point de tests de diagnostic très sensibles a permis de confirmer rapidement et précisément les cas d’histoplasmose et d’instaurer un traitement plus tôt. Cependant, les outils de diagnostic novateurs et les traitements optimaux pour cette maladie ne sont pas encore largement disponibles dans les pays dont les ressources sont limitées.

VIVIANE DIATTA 

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