Publié le 22 Jul 2020 - 21:40
ETAT DE LA GOUVERNANCE ET LA REDDITION DES COMPTES

Le Forum civil crache sur les rapports de l’IGE 

 

Les rapports de l’Inspection générale d’Etat (IGE) publiés dernièrement n’échappent pas aux critiques du Forum civil qui a relevé des manquements et violations de la loi dans lesdits rapports.

 

Le Forum civil a passé en revue les trois derniers rapports publiés par l’Inspection générale d’Etat (IGE) sur l’état de la gouvernance et la reddition des comptes couvrant la période 2016-2019. En conférence de presse hier à Dakar, les membres du Bureau exécutif du Forum civil  ont précisé que leurs interventions se fondent sur l’axe 3 du PSE (Plan Sénégal émergent) qui parle de bonne gouvernance, d’Etat de droit, de paix et de sécurité, mais également sur l’axe 2 de leur (Forum)  stratégie qui parle de renforcement de la gouvernance au niveau des institutions publiques et privées. Ainsi, après l’exploitation de ces rapports publiés par l’IGE, le Forum civil a relevé des ‘’manquements et violations de la loi’’.

‘’L’IGE ne s’est pas conformée à la loi. Autrement dit, elle a violé la loi, à deux reprises’’, a déclaré le coordonnateur général du Forum civil. Pour étayer ses propos, M. Seck s’est basé sur l’article 9 de la loi 2011 sur le statut de l’IGE qui impose au vérificateur général du Sénégal de publier, chaque année, un rapport d’activité sur l’Etat de la gouvernance et la reddition des comptes. Le premier rapport de l’IGE date de 2013, après la réforme de 2011. Le deuxième est publié en 2014, puis le troisième rapport en 2015. ‘’Après 2015, ce n’est qu’en 2020 que l’IGE publie ces trois rapports. Donc, du point de vue de la durée, on a constaté une violation de la loi’’, a-t-il insisté.

 Le deuxième manquement souligné par le Forum civil concerne la nature des rapports. Pour les membres du Forum civil qui ont exploité en profondeur l’ensemble des rapports, l’IGE n’a fait que faire des constats, alors qu’elle a pour devoir de présenter un rapport d’activité. Ils l’ont démontré à travers plusieurs exemples. ‘’A la page 4 du rapport 2016, le vérificateur dit que ce rapport n’est pas un rapport d’activité, mais également n’est pas un rapport de vérification. En réalité, c’est un rapport qui regroupe des manquements constatés dans les vérifications, les audits que l’Inspection générale d’Etat (IGE) a condensés dans ce rapport. Nous disons qu’en droit, il ne faut pas distinguer là où la loi ne distingue pas. La loi dit un rapport d’activité, l’Inspection générale d’Etat devrait nous en présenter un’’, ont-ils argué.

Le Forum civil a également relevé ‘’une violation du principe de l’imputabilité’’. Selon Birahime Seck, il retient un caractère vague des expressions de l’IGE, lorsqu’elle parle de l’Administration centrale, alors que pour d’autres structures, des indications claires qui permettent d’identifier les différents acteurs qui sont à l’origine des différents errements, manquements ou fraudes. 

‘’L’IGE doit parler de façon explicite’’

"L’Inspection générale d’Etat doit parler d’une façon explicite, pour qu’on puisse savoir les acteurs qui sont concernés. Et nous, on a constaté que pour certaines structures, l’inspection donne des détails, des éléments clairs pour qu’on puisse identifier les acteurs. Mais quand il s’agit de l’Administration centrale, l’inspection évoque des notions (autorité, ministère, structure) sans pour autant donner des indications. Sur ces points, l’IGE n’est pas précise sur l’imputabilité de la faute ou de l’erreur, alors qu’on s’est rendu compte que dans ces rapports de 2016 et autres, l’IGE a constaté un conflit d’intérêts manifeste qui concerne un ministre. Et l’IGE n’a pas identifié le ministère’’, s’est indigné M. Seck.

Les membres du Bureau exécutif du Forum civil se sont aussi interrogés sur les missions de l’IGE. Ils se disent étonnés de ne voir aucune information sur des projets phares du gouvernement qui disposent de budgets très importants. ‘’Quand on a examiné les 639 pages des trois rapports, on s’est rendu compte qu’il n’y a pas d’information sur le Programme d’accélération de la cadence de l’agriculture sénégalaise (Pracas), le Programme d’urgence de développement communautaire (PUDC), le Programme des domaines agricoles communautaires (Prodac), les Bourses familiales, la Couverture maladie universelle, sur certains marchés relatifs au Building administratif et sur les attributions financières’’, a dit Birahime Seck. Avant d’ajouter : ‘’Pourtant, on s’est rendu compte qu’il y a quelque temps, l’IGE même avait constaté qu’au niveau de Bargny et environs, avec les terres du général Bertin, il y a un conflit.

Qu’en est-il de ce conflit-là ?  Qu’en est-il des terres qu’on a accordées au littoral et même à l’intérieur du pays ? L’IGE est restée muette sur ces questions-là’’, dit-il, regrettant qu’elle consacre dans les rapports un nombre considérable de pages sur des choses que les Sénégalais connaissent depuis longtemps. ‘’Tout le monde sait que la situation carcérale est dramatique, tout le monde sait qu’il y a un surpeuplement au niveau, que les bâtiments des administrations pénitentiaires sont vétustes et menacent ruines, que les prisonniers sont dans de très mauvaises conditions’’, fait-il remarquer.

Pour Birahime Seck, soit l’IGE n’a pas réalisé ses missions, soit elle les a faites tout en ayant la volonté de cacher des informations aux populations.

Par ailleurs, le Forum civil a formulé quelques recommandations relatives à l’exploitation du document et à la gouvernance administrative. ‘’On se rend compte qu’il y a des distorsions, des chevauchements, des conflits de compétence dans l’Administration. C’est pourquoi nous demandons que le Bureau organisation et méthode (Bom) soit mieux pris en compte, qu’on lui donne tout son sens dans l’Administration’’, dit-il.

Le Forum civil a également formulé des recommandations d’ordre général sur la nécessité d’avoir une nouvelle loi sur la déclaration des patrimoines, sur les conflits d’intérêts, sur l’éthique et la déontologie, le financement des partis politiques, le financement des campagnes électorales, mais surtout d’avoir une loi sur l’accès à l’information .    

BABACAR SY SEYE

Section: