Publié le 22 Oct 2020 - 20:32
FAIRE FACE AUX RISQUES BIOLOGIQUES EN AFRIQUE DE L’OUEST ET DU CENTRE

Les solutions du directeur général de l’Isra 

 

Pour faire face aux risques biologiques qui provoquent d’importantes pertes de rendements agricoles en Afrique de l’Ouest et du Centre, il urge de coordonner et d’harmoniser les démarches des différents pays. C’est ce qu’a préconisé le directeur général de l’Institut sénégalaise de recherches agricoles (Isra), Docteur Alioune Diouf, lors d’un entretien avec ‘’EnQuête’’ avant-hier, à l’issue d’un webinaire sur le sujet. 

 

Pour résoudre l’équation des risques biologiques et protéger les récoltes, le Sénégal ne peut pas être isolé de ce qui se passe dans la sous-région, selon le directeur général de l’Institut sénégalaise de recherches agricoles (Isra). Le Docteur Alioune Diouf s’exprimait avant-hier, lors d’un entretien accordé à ‘’EnQuête’’, à l’issue d’un webinaire organisé par le Conseil ouest et centre africain pour la recherche et le développement agricoles (Coraf) sur le sujet. ‘’Il y a la chenille légionnaire qui est en train de faire des dégâts depuis l’Afrique de l’Est, jusqu’à la pointe de l’Afrique de l’Ouest, notamment au Sénégal.

Il y a aussi l’absoluta-tuta (lépidoptère géléchiidé) qui est aussi un risque biologique pour le maraîchage, notamment la tomate. Donc, on ne peut pas prendre les pays. Ce qu’il faudrait, c’est que nous discutons avec tous les bailleurs de fonds qui interviennent dans les pays pris séparément et que soit au niveau du Coraf qui est notre association de recherches pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, pour qu’on puisse harmoniser les démarches entre les pays. Afin que les bailleurs puissent participer de façon coordonnée à la lutte contre la chenille légionnaire’’, soutient le docteur Alioune Diouf.

Pour le directeur général de l’Isra, cette question est ‘’fondamentale’’ et permet d’harmoniser leurs approches. Le deuxième niveau c’est, selon lui, la mise en place d’un observatoire qui doit permettre, quand un risque se présente dans un pays que tout le monde soit informé.

‘’Parce que personne n’a signalé l’arrivée de la cheville légionnaire qui a migré de l’Afrique de l’Est, notamment du Kenya, vers l’Afrique de l’Ouest. C’est seulement quand elle rentre dans nos pays que les gens se rendent compte qu’il y a des attaques. Mais cela n’a jamais été signalé au niveau régional et prise en charge par les communiqués de développement régional comme la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)’’, dit-il.

Monsieur Diouf rappelle, dès lors, que quand il y a eu la pression aviaire, les oiseaux qui détruisaient l’agriculture, les criquets pèlerins, ils avaient créé l’Organisation commune de lutte antiacridienne et anti-aviaire (Oclalav). Mais elle a disparu parce que les Etats pensent qu’à un moment donné, cela ne fonctionnait. ‘’Ce qu’il faudrait donc, c’est que la CEDEAO, en collaboration avec le Coraf, puisse abriter un observatoire pour prendre en charge cette question. Ils peuvent créer un site web comme ils le font pour la santé animale, afin que lorsqu’il y a une évasion au Burkina, que quelqu’un rentre dans cette base de données pour alerter afin que les pays puissent prendre leurs dispositions pour l’éviter’’, renchérit-il.

Le DG de l’Isra trouve aussi pertinent de ‘’faire attention’’ aux produits qui sont introduits dans leurs pays pour lutter contre la chenille légionnaire, absolu-tuta, etc. ‘’Ce sont des produits chimiques. Il faut s’assurer que les produits qui sont utilisés dans nos pays sont homologués. Il faut nécessairement qu’il y ait une veille sur cette question. Et dans tous les pays, il y a une législation sur l’homologation des produits, pesticides… Parce que cela va nous créer d’autres problèmes. On lutte contre un risque et on crée, au même moment, un autre risque, en introduisant des produits qui ne sont pas homologués’’, indique-t-il. Ainsi, notre interlocuteur pense qu’il urge également de renforcer la capacité des gens qui s’activent autour de cette question, de privilégier l’approche genre. ‘’Parce qu’en Afrique, la plupart des cultures vivrières qui sont attaquées essentiellement par la chenille, sont celles des femmes. Elles cultivent le maïs, le mil, le riz de plateau, etc. Donc, il ne faudrait pas que dans la manière d’intervenir, qu’on les occulte. Elles sont des actrices principales. On peut aussi avoir des brigades de surveillance de jeunes. Cela pourra être source de création d’emplois’’, relève M. Diouf.

Le privé africain invité à investir dans le secteur

Au-delà des équations méthodologiques, le Dr Alioune Diouf affirme qu’il est nécessaire que le secteur privé intervienne. ‘’Dans tout ce que nous faisons, que cela soit au Sénégal, au Mali, le secteur privé ne s’y implique pas. Il attend que tout soit terminé jusqu’à la commercialisation des produits pour intervenir. Ce qu’il faudrait, c’est qu’actuellement que nous sommes en train de parler de l’utilisation de l’huile de neem pour lutter contre ces risques. Et depuis plus de 15 ans, le neem est toujours disponible, les gens l’utilisent et personne ne pense à l’industrialisation du produit. Est-ce qu’il faudrait attendre que les Européens, Américains ou Indiens se saisissent de cela, fabriquent des produits à partir de notre neem et qu’ils viennent nous le vendre ? C’est des questions qu’il faut attaquer dès maintenant’’, note-t-il. D’après M. Diouf, si tout le monde travaille en synergie, il devrait avoir des stratégies pour lutter contre ces risques biologiques en Afrique de l’Ouest.

Il convient de relever que ,selon Rachidatou Sikirou de l’Institut national des recherches agricoles du Bénin (Inrab), ces risques biologiques sont notamment causés par les nématodes à galles, les criquets et autres insectes, les acariens, les mouches des fruits, les adventices parasites, etc. Et celles émergentes ou climatiques les ‘’plus redoutables’’ sont : la chenille légionnaire, le flétrissement bactérien des fruits, la mouche de fruits, la maladie de Bunshy Top, les viroses du manioc et striure. Pour les facteurs de propagation des risques biologiques émergents, ce sont, entre autres, le commerce et les migrations humaines, les conditions météorologiques telles que les inondations, la sécheresse et les insectes vecteurs des microorganismes pathogènes.

Madame Sikirou a aussi relevé que les bio-agresseurs causent d’importants dégâts et leur impact devient alarmant sur la production agricole en Afrique de l’Ouest et du Centre. ‘’Leur dissémination évolue dans le temps et dans l’espace. Les pertes de rendement varient d’un pays à un autre et peuvent aller à 100 %, si aucune mesure de protection n’est prise. Les pertes de rendement dues à la chenille légionnaire varient entre 15 et 41 %. Celles causées par la maladie de Bunshy Top sont de 100 % ou parfois l’abandon de bananeraies. Le flétrissement bactérien des solanacées entraine 100 % de pertes de rendement et empêche la production dans certaines zones et gagne de nouvelles espèces de culture’’, rapporte-t-elle.

Pour Rachidatou Sikirou, les difficultés liées à la gestion des risques biologiques en Afrique de l’Ouest et Centre sont particulièrement ‘’l’insuffisance ou l’inexistence’’ de compétence pour leur identification rapide, la faible disponibilité des ressources humaines et financières pour accompagner au niveau national pour la gestion des risques et aussi la faible capacité en équipements et en finances des structures en charge de la surveillance.

Ainsi, il est recommandé la création d’un cadre de concertation entre chercheurs et producteurs pour l’expression des contraintes, qui est le point de départ pour des innovations pertinentes adoptables, la considération des savoir-faire des producteurs et les standardiser selon les normes de la recherche. Mais également l’implication conjointe des institutions internationales et nationales de recherche et des universitaires dans les projets de recherche et développement, la création d’une plateforme d’échange des acquis et recherche entre les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre et un franc partenariat entre les instituts de recherche.

MARIAMA DIEME

 

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