Publié le 7 Nov 2019 - 21:33
FASS-DIACKSAO, LIEU DE RETRAITE SPIRITUELLE D’EL HADJ MALICK SY

Si loin et ‘’Sy’’ proche de Tivaouane

 

Fondé en 1904 par Maodo Malick Sy, le village de Fass-Diacksao reste et demeure cette cité religieuse où se développent, à pas de géant, la culture de l’enseignement coranique et l’agriculture. Fass-Diacksao, c’est aussi la prière, fondement d’une société fortement ancrée dans les valeurs cardinales telles que définies par Seydi El Hadj Malick Sy. Nichée au cœur des terres du Cayor, cette localité accueille des milliers de fidèles, lors de son Gamou annuel marquant la naissance du Prophète (Psl) et des différents Khadaratoul Jummah. A l’occasion du grand Gamou de Tivaouane et de la 17e édition du Gamou de Fass célébrée dans la première semaine du mois de février 2020, ‘’EnQuête’’ vous plonge dans l’autre quartier de la capitale de la tijaniya.

 

Si loin de Tivaouane ! Mais également ‘’Sy’’ proche de Tivaouane ! Fass-Diacksao ou Fass El Hadj Malick est une petite localité où vivent aujourd’hui plus de 3 000 âmes. Quand on décide d’aller très tôt dans cette partie de la capitale de la tijaniya, il faut penser à prendre un bon petit-déjeuner, avant de quitter. Car la distance à parcourir est longue. Ce vendredi 25 octobre, très tôt dans la matinée, nous décidâmes de faire ce voyage au cœur du Cayor. Un long périple entrepris bien avant le lever du soleil. A bord d’un taxi, nous prenons la direction de la ville sainte de Tivaouane. Cette étape bouclée, on affronte celle de Pire où nous sommes arrivés à 8 h 32 mn. Pour se frayer un raccourci, le chauffeur décide de passer par le marché de la cité religieuse du défunt khalife général Serigne Moustapha Cissé, avant d’emprunter, quelques minutes plus tard, la voie qui mène à la cité religieuse créée par Mame Maodo (El Hadj Malick Sy) : Diacksao.

Au sortir de Pire, c’est un autre voyage qui commence. ‘’Maintenant, nous sommes sur la route de Diacksao. Il faut y aller très vite pour arriver très tôt. Parce qu’aujourd’hui c’est vendredi. Nous allons dans une cité religieuse et les vendredis, les gens n’ont pas assez de temps, à cause de la prière du vendredi’’, lance Babacar Fall, notre chauffeur. La voie est libre et le véhicule roule à vive allure. Lui-même talibé cheikh, l’homme au volant nous explique la spécificité de Fass-Diacksao, lieu de retraite privilégié de l’érudit Seydi El Hadj Malick Sy. Il y va pendant les Khadaratoul Jummah. Après près de 20 minutes de route, nous voilà enfin à Fass-Diacksao, l’autre ‘’quartier’’ de Tivaouane, uni par la prière et par le sang à jamais avec la capitale de la tijaniya.

Fondé en 1904 par El Hadj Malick Sy né vers 1855 à Gaé, près du département de Dagana, dans la région de Saint-Louis, ce petit village a longtemps été un lieu de retraite spirituelle du fils de Sidy Ousmane Sy et de Sokhna Fatoumata Wade Welé. Plus d’un siècle après (115 ans) la naissance de ce ‘’quartier’’ de Tivaouane, il respecte toujours le legs et la volonté du grand connaisseur des sciences religieuses rappelé auprès de Son Créateur le 27 juin 1922 à Tivaouane. Dans cette cité religieuse, tout se fait sous le regard protecteur et vigilant de tous les membres de la famille de Seydi El Hadj Malick Sy basée à Tivaouane.

L’enseignement coranique, symbole d’une cité en marche

A première vue, Fass-Diacksao donne l’image d’un petit village. Ici, règne un calme plat, a priori. Fass, c’est la quiétude extrême. A part le chant des oiseaux se mêlant au braiment des ânes, aucun bruit ne vient déranger ses habitants. Avec la création de ce lieu de retraite spirituelle, El Hadj Maodo Malick Sy avait voulu faire de Fass-Diacksao un lieu d’apprentissage et de recueillement par excellence. Il l’est jusqu’à présent. Ici, c’est la prière et le travail qui sont au centre des préoccupations des populations.

‘’La prière et l’agriculture (le maraîchage, la culture de l’arachide, du mil…) constituent le fondement même de Fass-Diacksao. Nous ne sommes pas dans une cité industrielle. C’est le travail de la terre qui est notre principale activité et notre lettre de noblesse. Les talibés continuent toujours à cultiver les champs d’El Hadj Malick Sy. Mais le jour où un industriel viendra à Fass, nous serons preneurs. En attendant, on continue le travail de la terre et la prière comme nous l’a recommandé le créateur de Fass-Diacksao’’, renseigne Khalifa Guèye, membre du Cercle des imams du village.

En effet, dès le départ, son fondateur, de retour de La Mecque, a décidé de faire de Misrah, devenu plus tard Diacksao, un lieu de prière avec, à la clé, l’enseignement coranique. Après plusieurs années de vie, de prière intense et de partage avec ses moukhadams, il décida de confier Fass-Diacksao à un de ses disciples : Serigne Youssoupha Diop. A lui revenait la charge de poursuivre l’œuvre entamée par Mame Malick Sy.

Les années passèrent et le talibé de Seydi El Hadj Malick Sy travaillait davantage à maintenir haut le flambeau, notamment l’enseignement coranique. Avec l’accession au khalifat de Serigne Abdou Aziz Sy Dabakh, il lui revenait de présider aux destinées de la communauté tidiane de Fass-Diacksao. Entre 1958 et 1997, année de son rappel à Dieu, Mame Abdou Aziz Sy Dabakh travaillait aussi à offrir aux populations, notamment, les plus jeunes, un bon enseignement coranique.

Devant poursuivre le travail gigantesque abattu par ‘’Borom Misrah’’ et pour aider les disciples à mieux cerner les écrits du Prophète Mohamed (Psl), le défunt khalife général des tidianes et prédécesseur de Serigne Mansour Sy Borom Daraaji basa son modèle sur les causeries. Pendant les grands Gamou de la localité, il s’entretenait avec les milliers de fidèles et ses enseignements étaient tirés du Coran. L’arrivée, en 1999, de l’actuel guide religieux de Fass-Diacksao, Serigne Sidy Ahmed Sy Ibn Dabakh, va encore donner un souffle et un nouvel élan à Fass.

‘’C’est avec Serigne Sidy que les Gamou ont connu une dimension nationale, voire internationale. Aujourd’hui, nous avons de quoi en être fiers’’, se réjouit Khalifa Guèye, qui dirige parfois la prière du vendredi à la grande mosquée de Fass. 

Une cité résistante

Grand contributeur à l’expansion de l’islam et de la confrérie soufie tidjane au Sénégal et en Afrique de l’Ouest, Seydi El Hadj Malick Sy est très tôt parti à La Mecque (1889). Très tôt aussi, l’homme mémorisa le Coran, après avoir séjourné en Mauritanie, à Tivaouane, à Pire ou encore à Louga… De son vivant, dit-on, il a toujours voulu partager son expérience avec ses fidèles et n’hésitait pas à dire non à toute sorte de domination.

Aujourd’hui, son lieu de retraite spirituelle fondé en 1904 résiste encore à la pénétration française. Aujourd’hui encore, Fass-Diacksao n’a perdu un seul de ses repères. Ici, l’enseignement coranique est au début et à la fin de toute chose. Avec une école coranique et des ‘’daara’’ affiliés audit établissement, Fass-Diacksao, entouré par les villages de Darou Gaye, Mewndou, Khandane, Gouye Sagal ou encore Keur Massamba, etc., est entré de plain-pied dans la modernité.

Au début, c’était des cases en bambou à Fass. Pas de maisons à étage. Mais aujourd’hui, la cité de Mame Maodo et de Mame Abdou n’a rien à envier aux autres localités du pays, confie fièrement Khalifa Guèye qui est né et a grandi dans ce ‘’quartier’’ de Tivaouane. De l’électricité, de l’eau (même s’il faut renforcer le seul forage existant), une route bien goudronnée, un poste de santé… Fass-Diacksao, qui polarise 38 villages, ne se plaint pas. ‘’Tout ce travail a été abattu par Mame Abdou. Dès qu’il a pris les choses en main, il a tout de suite commencé à travailler à offrir aux populations un meilleur cadre de vie. On peut dire que c’est grâce à lui que nous avons pu obtenir toutes ces choses. Il a terminé la construction de la mosquée de Fass. C’était un bienfaiteur. C’est lui qui avait fait construire la route. D’abord en latérite avant qu’elle ne soit goudronnée. Que le bon Dieu ait pitié de lui, où qu’il puisse se trouver’’, se remémore celui qui dirige les prières à la mosquée, mais qui ne veut pas se faire appeler imam.

Cependant, même s’il ne crache pas sur la dynamique de développement, bien au contraire, Fass-Diacksao reste, demeure et continue d’arborer fièrement les valeurs cardinales qui sous-tendaient la démarche de son père fondateur.

GAUSTIN DIATTA (ENVOYE SPECIAL A FASS)

Section: