Publié le 7 Mar 2020 - 18:28
FEMMES VENDEUSES DE VIANDE

Immersion dans le quotidien des bouchères de Castors 

 

Elles sont nombreuses, ces braves dames qui embrassent de plus en plus des métiers qui étaient jusque-là réservés aux hommes, pour donner un coup de main au chef de famille tenaillé par la dépense quotidienne. Une immersion au marché Castors permet à ‘’EnQuête’’ de découvrir le quotidien et l’ambiance des femmes vendeuses de viande, pour ne pas dire bouchères.  

 

‘’Mbarou yapp’’, marché Castors ! L’atmosphère est très animée. La musique projetée par un magnétophone couvre à peine le bruit des marchandages. Certains vendeurs, reprenant les refrains d’un single de Wally Seck, en rajoutent à l’ambiance chaleureuse et très vivante. Sur les nombreuses tables faisant office de lieux de travail pour ces commerçants, est posée de la viande à gogo. Quelques dames, prenant place au milieu des nombreux bouchers, attirent la curiosité de certains visiteurs.  C’est normal. Ce n’est pas dans tous les marchés sénégalais que l’on retrouve ces bouchers d’un autre genre.

Chez les Diouf, la vente de viande est une affaire de famille. Homme comme femme, tout le monde est dans le commerce de viande. Le teint bien caramélisé, une coiffure imposante constituée de longues mèches tombant jusqu’à hauteur de la ceinture, la taille élancée, Anta Diouf est occupée à nettoyer sa marchandise composée essentiellement de boyaux de mouton et de bœuf (‘’yelle’’, ‘’laxass’’, ‘’mbakk’’).  Elle est devenue, depuis toute petite, dit-elle, bouchère. Un métier qu’elle a hérité de sa mère et que celle-ci a hérité de sa grand-mère. ’’On m’a baptisée avec l’argent de la boucherie’’, lance-t-elle dans un éclat de rire, laissant paraitre une belle dentition. Elle poursuit : ‘’Je fais ce métier depuis toute petite, en compagnie de ma mère. Et quand je suis devenue plus grande, j’ai commencé à travailler à mon propre compte. Le métier est, certes, très difficile, mais c’est mieux que de rester sans rien faire. Nous sommes une famille de griots, mais nous travaillons. La boucherie, c’est notre domaine et toute la famille y est. Notre papa est le délégué des bouchers du marché’’, dit-elle avec fierté.

En face d’Anta, sa mère, Soxna Diarra Mbaye s’occupe, de son côté, à nettoyer sa marchandise tout en bavardant avec les autres vendeuses. Toutes les deux quittent chaque matin Guédiawaye pour passer la journée au marché Castors en vendant de la viande, tout en assurant l’animation dans ce coin du marché. L’ambiance est tout simplement agréable à leur côté. On se taquine, on rit, on papote avec des brins d’humour qui retiennent parfois certains passants, obligés de ralentir le pas pour savourer cette belle ambiance.

‘’Je suis vendeuse de viande depuis toute petite. A l’époque, j’accompagnais ma maman au marché’’, se souvient mère Soxna Diarra Mbaye, la maman d’Anta Diouf. Elle ajoute : ‘’Ce travail me permet d’aider mon mari dans la dépense quotidienne. Le métier est, certes difficile pour nous les femmes, mais on rend grâce à Dieu, car on parvient à prendre en charge nos besoins. J’ai souvent mal aux pieds, à force de rester debout toute la journée. Parfois, c’est tout mon corps qui me fait mal, à cause du poids de la viande que je soulève ou du nettoyage des boyaux. Mais, avec l’ambiance dans le marché, on ne sent rien. C’est à la maison qu’on se rend compte qu’on est épuisée’’, explique la bonne dame.

À côté d’Anta et de sa mère, son amie Fatou Seck est aussi dans la vente de viande. Mais à la différence de ses voisines, Fatou évolue dans le marché de la viande de mouton uniquement. ‘’Je ne vends que de la viande de mouton. Ce n’est pas facile, mais on essaye de gérer. Aujourd’hui, les femmes travaillent comme les hommes. Ces derniers, seuls, ne peuvent pas prendre en charge toutes les dépenses. C’est donc aux femmes de les aider. Je suis griotte et bouchère. Mais quand mes ‘’geer’’ (nobles) ont besoin de moi pour leurs cérémonies, j’y vais pour perpétuer la tradition de mes ancêtres’’, laisse-t-elle entendre.

Seul homme au milieu de ces dames, Moussa Diouf revient sur les bienfaits du métier, non sans s’adonner à une classification des griots. ‘’En fait, explique-t-il, parmi les griots, il y a ceux qui chantent, ceux qui animent les cérémonies familiales, comme il y a aussi des éleveurs et des bouchers. Nous, nous faisons partie des bouchers. Toute la famille : les parents, les sœurs, le mari, les enfants, tous sont des bouchers. Ce qui montre qu’on exerce un bon métier. Si ce n’était pas le cas, les parents ne le partageraient pas avec leurs enfants.  On ne peut qu’en être fier alors’’.

Pendant que sa mère et sa sœur Anta s’occupent à nettoyer les boyaux de mouton et de bœuf, lui, ayant épuisé déjà sa marchandise, se charge de l’animation musicale.

 

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