Publié le 11 Jan 2019 - 20:04
FORUM DE LA PME SENEGALAISE

Le privé national étale ses doléances 

 

L’accès au financement et à l’assistance technique sont autant d’écueils  qui empêchent le décollage des petites et moyennes entreprises (Pme) sénégalaises. C’est du moins ce qu’estime le représentant de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes) Alla Sène.

 

Rencontrer les autorités administratives quand il le faut, reste le premier défi auquel les petites et moyennes entreprises font face au Sénégal, selon Alla Dieng de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes). ‘’Pour être soutenu, il faut d’abord avoir accès à ces autorités. Et beaucoup de sociétés n’y parviennent pas. D’abord, ce sont de longues attentes sur des sollicitations administratives, des indisponibilités, etc., surtout pendant les périodes électorales. Beaucoup de directeurs généraux sont impliqués politiquement’’, a regretté hier le représentant du privé national lors d’un panel  à l’occasion du 2nd Forum de la Pme sénégalaise.

En plus, M. Sène a fait savoir que l’accompagnement des Pme dans la sous-région constitue un souci. ‘’Quand on va au Mali, on constate que ce sont les Sénégalais qui sont dans le secteur de la couture. En même temps, à Diamniadio, on donne des faveurs à des multinationales qui viennent s’installer, alors que ces mêmes faveurs ne sont pas données aux couturiers sénégalais. Pourtant, ils font du prêt-à-porter. Le modèle ‘Obasanjo’, qui est porté un peu partout en Afrique, a été créé par un Sénégalais. Mais la plupart de ces couturiers font de l’exportation informelle’’, a regretté Alla Sène. Or, il a signalé que tous les pays qui ont opéré à des changements structurels de l’économie de leur pays l’ont réussi avec l’habillement, le textile et le cuir.

Ainsi, il a relevé que pour le contenu local, dont une loi a été adoptée avant-hier en Conseil des ministres, concernant le pétrole et le gaz, il y a des choses qu’ils peuvent faire en tant que privé national. ‘’Le transport de ces hydrocarbures, que cela soit raffiné ou non, on sait le faire, de même qu’affréter un navire. Mais est-ce que l’Etat est assez courageux pour faire des propositions allant dans ce sens, dire qu’on est en mesure de forcer telle ou telle chose sur certains contenus locaux vis-à-vis des nationaux ? Or, en Malaisie, c’est écrit et il y a un quota sur environ 25 % dans la commande publique qui doit être alloué aux Pme’’, a-t-il soutenu.

Pour le représentant de la Cnes, il ne s’agit pas de favoriser l’expertise nationale, mais d’avoir des gens compétents pour faire le travail. Ceux qui ont une réputation professionnelle sérieuse et une pérennité financière.

Toutefois, cet acteur du privé révèle que l’assistance technique est un ‘’problème sérieux’’ au Sénégal. ‘’La Pme peut avoir toutes les compétences. Pour l’assistance technique, il faut des personnes actives en service, qui peuvent faire ce travail en amont pour les Pme. Et il faut être rapide dans ce processus. Car, s’il y a un marché qu’on veut soumettre, il faut de la rapidité. Il faut, à côté d’un secteur privé rapide, un secteur public rapide aussi’’, a-t-il dit. Pour l’accès au financement, M. Sène a estimé qu’avec la notation que l’Agence de développement et d’encadrement des petites et moyennes entreprises (Adepme) veut mettre en place, il faut définitivement que les banques sénégalaises, après avoir mobilisé l’épargne nationale, la mettent au profit des entreprises locales. ‘’Ce n’est pas mettre en péril les ressources qu’elles mobilisent, mais c’est contribuer à la prospérité nationale’’, a-t-il affirmé.

Un pacte national pour un ‘’financement massif’’ des Pme

En réalité, avec un programme national de développement de champions nationaux, le ministre du Commerce et en charge des Pme, Alioune Sarr, a indiqué que les entrepreneurs auront un effet ‘’multiplicateur et durable’’ sur la création et la redistribution des richesses nationales. ‘’Ainsi, ils participeront au raisonnement économique de notre pays et pourront gagner des parts de marché importantes dans un contexte d’ouverture du marché africain.

La Zone de libre-échange africaine (Zleca) qui va démarrer dans les prochains mois, devra être une opportunité pour nos Pme et Pmi qui devront exploiter tout le potentiel offert par ce marché de 1,2 milliard d’habitants et de 450 millions de consommateurs qui ont un pouvoir d’achat réel’’, a déclaré le ministre. Selon lui, les Pme doivent avoir conscience que pour devenir des champions, elles devront procéder, en interne, aux ajustements nécessaires pour gagner en ‘’compétitivité et en efficacité’’. Pour cela, Alioune Sarr a plaidé pour ‘’un pacte national’’ pour un financement massif des Pme impliquant des acteurs majeurs du dispositif. ‘’Nous devons aussi avoir de nouveaux services d’assurance adaptés aux nouvelles réalités économiques du Sénégal, notamment avec des assurances des industries pétrolières et gazières. L’écosystème autour du pétrole et du gaz devra être celui dans lequel on doit s’impliquer à 100 %’’, a-t-il dit.  

D’ailleurs, le représentant de la Banque mondiale, Laurent Cortes, a fait savoir que dans un pays comme le Sénégal, le rôle des Pme est extrêmement central. Elles sont les actrices clés de l’innovation. Dans un contexte de croissance exponentielle des technologies, la compétitivité des économies du futur dépendra largement de leur capacité à profiter de la révolution numérique. ‘’C’est là qu’on retrouve les futurs champions. En fait, le Sénégal dispose d’un des écosystèmes les plus dynamiques d’Afrique de l’Ouest. C’est un secteur où il faut continuer d’investir. Car le numérique a la capacité d’améliorer la compétitivité de tous les secteurs d’activité’’, a témoigné M. Cortes.

Si les Pme sont si importantes pour le développement de l’économie, il est primordial, pour lui, de définir, les axes nécessaires pour leur permettre de s’épanouir. Il faut d’abord continuer d’améliorer l’environnement des affaires et développer l’accès au financement. Pour lui, des lignes de crédit dédiées aux Pme sont un élément de solution. Mais il s’agit également de développer d’autres sources de financement innovantes avec les ‘’angel investor’’ ou ‘’crowdfunding’’, les fonds de capital-risque pour les entreprises en phase initiale de projet. Il est important aussi de développer  les compétences des entrepreneurs, à travers la formation, les services d’incubations, etc. ‘’Il ne faut pas uniquement se contenter de donner des formations traditionnelles en marketing, en management, en gestion, etc. Il faut celles ayant plus d’impacts sur la survie et la croissance des Pme. Ce sont des formations stratégiques centrées sur l’initiative personnelle, l’innovation, entre autres’’, a-t-il préconisé.

MARIAMA DIEME

Section: