Publié le 6 Apr 2018 - 23:07
GACIRAH DIAGNE (INITIATRICE BATTLE NATIONAL- DANSE HIP HOP)

‘’Il faut encourager les filles à danser de façon correcte’’

 

La 13ème édition du Battle national a été lancée hier au Centre culturel régional de Dakar, Blaise Senghor. L’initiatrice de cet évènement, Gacirah Diagne revient dans cet entretien avec EnQuête sur le programme de cette manifestion qui mobilise une centaine de jeunes venus de différentes régions.

 

Dans l’ensemble, comment se déroule l’organisation  de la présente édition du Battle national?

Pour l’instant on est dans les derniers réglages. Nous avons déjà accueilli les délégations des régions de Matam, Kolda et Ziguinchor. On attend le reste des participants qui vont arriver d’ici ce soir (ndlr hier soir). Une organisation n’est jamais facile. On s’adapte en termes de budget. C’est très important pour nous que cet événement se tienne chaque année. Parce que  ce sont les 14 régions du Sénégal qu’on essaie de regrouper avec 100 jeunes qui y prennent parti. Pour nous il est important de créer cette communauté de la danse  hip-hop qui est une nouvelle forme de danse avec des jeunes engagés. Donc, il est important à un moment donné au moins, une fois par an, qu’on se retrouve, qu’on discute des questions qui sont liées à la danse. On fait du hip-hop, de la formation et il y a la compétition pour designer qui est le meilleur au Sénégal dans la danse urbaine.

Comment se fait le choix des crews (groupes) en compétition?

Ce n’est pas toujours facile, je peux vous l’assurer. Cela requiert toute une organisation durant toute l’année. On fait des présélections au niveau régionale  et qui sont organisées pour designer le vainqueur de la région. Jusque là on a réussi à avoir des sélections officielles dans certaines régions. Mais, on espère arriver à ce niveau d’organisation où vraiment, chaque région prend en charge la danse hip-hop. Dakar est déjà bien en avance sur certaines choses. Donc, il ne faut pas continuer à créer le gap.

Est-ce facile de rassembler autant de jeunes dans toutes les régions ?

C’est un besoin qui est là et identifié. Ce n’est pas comme si on allait poser quelque chose. C’est juste parce qu’on a trouvé quelque chose maintenant, on essaye d’accompagner parce qu’aussi ce sont de nouvelles formes de danse. Mais, on essaie aussi de donner des formations en danse traditionnelle, en technique de danse hip-hop pour montrer qu’il y a toute une discipline derrière. Pour cela, il faut être formé pour être un bon danseur ensuite, aspirer à être sur une scène pour gagner des compétitions et être invité à des festivals.

C’est une façon pour nous de montrer que la danse est un métier et il faut le faire sérieusement pour pouvoir aspirer à réussir. D’ailleurs, le thème du panel qu’on tient actuellement c’est, ‘’modèle de réussite, stratégie de développement’’. On a fait venir des gens qui sont engagés dans la culture, des représentants du ministère de la Culture, des sponsors qui accompagnent la culture et des artistes. Tout cela c’est pour montrer aux jeunes qu’il faut avoir envie de réussir mais, il faut être bien conscient de ce qui est la réussite. La réussite c’est aspiré à être à l’aise, à gagner sa vie honnêtement et à être créatif.

A la base qu’est ce qui vous avez poussé à initier cette rencontre devenue annuelle?

C’était en 2005 dans le festival ‘’Käy fëcc’’ qu’il y a une demande de la communauté hip-hop qui voulait être représenté. Suite a leur demande, on les a programmés à ce festival à la même année. En 2006 on s’est dit qu’il fallait que ça devienne un événement en tant que tel parce qu’on ne pourra pas le contenir dans le festival ‘’KäyFëcc’’. Par là, c’est devenu le ‘’Battle national’’ du hip-hop. Il fallait que cela sorte de Dakar et que toutes les régions soient représentées.

Quel est le secret qui vous a permis de tenir le coup pendant toutes ces années si l’on sait que le financement est un véritable problème dans la culture ?

C’est notre amour et la passion pour la danse qui nous a permis de tenir. Aussi, c’est notre métier donc, c’est notre professionnalisme qu’on a envie de transmettre à ces jeunes, leur dire que, s’ils ont choisi la danse il faut qu’ils soient prêts à faire des sacrifices et à travailler très dur comme dans n’importe quel métier. On a été danseur, on a  gagné notre vie avec donc, c’est possible. Il faut seulement de la détermination et du courage pour savoir affronter les obstacles et les dépasser.

Ceux que vous avez choisis comme parrains ne sont pas riches comme Crésus or  ici au Sénégal, le parrainage n’est qu’une recherche de gains …

Ce sont des artistes, des professionnels de la culture que nous avons choisi. S’ils peuvent amener de la subvention ou nous aider sur le plan financier, tant mieux. Mais, c’est surtout, par rapport à leur contribution dans le secteur culturel en termes de créativité,  de pugnacité, de détermination à rester artiste et d’en faire un métier. Jusque là, on a eu des parrains qui ont accepté très gentiment de venir soutenir l’événement. On a eu entre autres Simon, Matador, Awadi, Xuman, le groupe Keur Gui, Darra-J. Ils sont des personnalités du mouvement hip-hop qui ont eux aussi étaient une fois danseurs et qui ont réussi. Ce sont des modèles pour les jeunes. Cette année on a porté notre choix sur Moona, Fatim BMG44, Njaaya. Si le parrainage s’est fait dans l’optique de mettre en valeur quelqu’un qui a apporté quelque chose à la culture, en le mettant en rapport avec la cible, tant mieux. Maintenant, s’il faut en attendre à chaque fois des retombées financières ou se mettre dans d’autres circuits, je ne juge personne.

Vous n’avez donc que des marraines cette année, est-ce que les femmes sont bien impliquées dans ce programme ?

La participation des femmes dans le ‘’battle’’ est encore timide. C’est justement pour cela qu’il faut continuer à les encourager. Ce n’est pas évident pour la  break-dance car cela demande une condition physique, une prise de risque, mais, il y en a quelques unes. La danse-debout c’est  un peu plus facile. Il faut qu’elles sachent qu’on peut danser tout en restant femme et digne. Cela peut aller au-delà du physique. On a aussi des messages à véhiculer à travers la danse. C’est un art donc, il faut encourager les filles à danser et à le faire de façon correcte. Aussi, rassurer les parents en leur disant qu’on peut s’en sortir dignement. Pour cette année il y a juste une fille.

 Peut-on avoir une idée  sur le montant du budget de fonctionnement de la manifestation ?

Notre budget est de 100 millions de F CFA mais, on est toujours obligé de ramener tout à la baisse. Je peux dire que cela varie entre 15, 20 jusqu’à100 millions de F Cfa. On peut atteindre les 100 millions facilement. Cela dépend juste de qui on fait venir de l’international et qu’est ce qu’on a comme activité. Ce qui fait que cette question est toujours relative. Mais dans le contexte qui est le nôtre, on fait avec ce qu’on a. On s’adresse aux partenaires, aux personnes étrangères, au ministère de la Culture, aux fondations et à toutes les sources de financement possible. Tout dépend des réponses qu’on a. Il y en aura de positives et de négatives. Mais, on tient à faire cet événement.  Donc, on adapte nos budgets en fonction de ce qu’on arrive à obtenir en termes de subvention. En termes de ressources propres, c’est encore difficile. Parce que, ce n’est pas toujours évident de payer un public et en même temps on essaie de vulgariser la chose. On espère avoir le maximum de public. Pour l’instant on a un peu changé les choses. Pour une fois on a fait l’entrée à 1000f CFA mais pour la plus grande partie de temps, c’est gratuit.  Pour le reste du programme tout est gratuit. Aujourd’hui (hier jeudi) c’est la conférence débat et cet après-midi, on a un cypher. Ce sont des jeunes qui vont se retrouver pour faire de l’improvisation dans la danse. Demain officiellement, c’est la sélection, la finale de la danse-debout. Et le 07 avril c’est la finale de la break-dance.

Lors de vos précédentes éditions, certains vainqueurs qui ont eu à bénéficier d’un voyage à l’étranger ont disparu dans la nature. Est-ce que ce n’est pas pour cela que l’année dernière, vous n’avez pas emmené les lauréats au championnat du monde ?

C’est une question de budget et de visas. Ce sont des jeunes qui ont une opportunité car, s’ils gagnent le ‘’battle’’ national, ils ont le championnat du monde. Il faut trouver le budget pour ça. Aussi, il faut qu’on encourage ces jeunes qui quittent le Sénégal à revenir. Certains ont pris la mauvaise décision de rester  à l’étranger, ce qui nous a handicapés depuis 2015. Ils ont leurs raisons mais, de notre côté cela a mis un frein a notre élan et retardé notre travail. Cependant, on est entrain de reconstruire tout cela et ça ne nous empêche pas de faire l’événement quand même. Parce que, au delà d’aller représenter le Sénégal, c’est aussi l’opportunité de se retrouver au niveau international.

Qu’en est-il pour cette présente édition ?

Il y a de fortes probabilités qu’on parte au championnat. Essayons de voir qui va gagner pour pouvoir mettre cette machine en branle et de mettre tout ce qu’il faut pour que ça se passe cette fois-ci concrètement. Reste à savoir si on va avoir le budget du transport international. Ce n’est pas évident.

HABIBATOU WAGNE

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