Publié le 8 Jul 2018 - 16:19
GESTION DES MARCHES PUBLICS

L’Armp et la Cour suprême mutualisent leurs forces

 

Le budget de la commande publique a quadruplé en moins de 10 ans au Sénégal, passant de 500 milliards en 2008, à plus de 2 000 milliards en 2017. Les enjeux étant énormes et les décisions de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) parfois susceptibles d’être contestées auprès de la Chambre administrative de la Cour suprême, les deux institutions ont initié un conclave de 2 jours.

 

‘’Certes, juger n’est pas réguler ! Mais plusieurs similitudes peuvent être retenues entre les deux démarches. Le régulateur emprunte beaucoup au juge. Dans l’ordre des coïncidences, Marie Frison Roche, l’une des meilleurs spécialistes de la matière, considère que l’évolution du droit de la régulation transforme, à l’occasion, les régulateurs en juridictions, non seulement à travers la mission désormais bien assise de répression et de rappel à l’ordre, mais encore par la fonction de règlement des différends’’. Ces propos de Saër Niang, Directeur général de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp), campent le débat qui va animer l’atelier de deux jours qui réunit, à Saly, les régulateurs et les magistrats de la haute juridiction. Les deux institutions comptent partager leurs techniques, méthodes et les mécanismes qui leur permettent de dénouer et de trancher les litiges dans le service public.

D’après Mamadou Badio Camara, le mot d’ordre dans le règlement des procédures de passation des marchés publics est ‘’transparence’’ et ‘’célérité’’. De ce fait, ce conclave de sensibilisation et d’échanges sur les problématiques liées à la régulation et à l’office du juge, permettra d’améliorer la démarche du régulateur. ‘’Le programme des deux journées sur le cadre institutionnel, les contentieux devant le Comité de règlement des différends (Crd), les risques de la commande publique puis sur les contentieux judiciaires, administratifs et les perspectives de réforme des organes de contrôle de la commande publique, nous semblent susceptibles d’assurer l’efficacité de cette rencontre scientifique entre nos deux institutions et de promouvoir la célérité et la transparence d’un système de passation des marchés publics dont les acteurs entretiennent le culte de la compétence et la probité’’, a souligné le premier président de la Cour suprême.

Lors de cette rencontre, ‘’nous serons sans doute amenés à échanger sur la démarche du régulateur versus celle du juge’’, poursuit Saër Niang. Ce dernier explique qu’à l’instar du juge, l’autorité de régulation ’’tient une compétence d’attribution, rend des décisions administratives dans le but de trancher les litiges qui naissent dans le processus de passation, d’attribution et d’exécution des marchés publics. Elle le fait de manière souveraine et impartiale, comme le juge. Sa procédure est encadrée et basée surtout autour de plusieurs caractéristiques’’. Notamment ‘’le respect du contradictoire : chaque partie est systématiquement informée des arguments et pièces présentés par l’autre partie et qu’aucune décision ne peut être fondée sur un élément non connu par une des parties. Une démarche inquisitoire : le régulateur est seul à conduire l’instruction et lui seul peut exiger des parties la production de certaines pièces ou la présentation de certains éléments. Une procédure écrite : les parties ne peuvent présenter leurs arguments et leurs conclusions que sous forme écrite, ce qui, naturellement, offre une garantie ou une présomption positive de sécurité et de sérieux’’, détaille le Dg de l’Armp.

Surfacturation

Saër Niang rappelle que toutes les décisions rendues par l’Armp peuvent être contestées auprès de la Chambre administrative de la Cour suprême. D’après lui, cela confère ‘’une sécurité aux acteurs pour le respect de leurs droits’’. ‘’Je me réjouis de la fréquence, même faible pour l’instant, de saisine de la cour aux fins d’annulation de nos décisions. C’est un signe positif et témoigne de la confiance que les acteurs accordent au système dans sa globalité’’, dit M. Niang. Même s’il juge nécessaire de faire un certain nombre de rappels. ‘’Le budget de la commande publique, souligne-t-il, a quadruplé en moins de 10 ans au Sénégal, passant de 500 milliards en 2008 à plus de 2 000 milliards en 2017. Sa rationalisation et sa sécurisation doivent demeurer un souci permanent et une préoccupation majeure des organes de contrôle et du juge. Surtout lorsqu’on sait que les marchés publics constituent, à travers le monde, le lit de la corruption et grèvent les budgets consentis par les Etats de plus de 20 %’’.

Saër Niang de rajouter que ‘’la lutte contre le fléau de la corruption dans les marchés publics passe par l’expertise et la maitrise des procédures. Des procédures qui changent souvent et des mécanismes de contrôle qui doivent être adaptés ou réajustés en permanence, nécessitent un cycle de formation permanente et des concertations régulières. J’ai plusieurs fois attiré l’attention des acteurs sur la maitrise des procédures dans la phase de passation et le déplacement des velléités de fraude vers la phase d’exécution qui est devenue une étape très vulnérable et où les autorités contractantes font face, sans le savoir, ni même en douter, à des surfacturations ou des modifications substantielles de quantité et de qualité des produits et services, et travaux livrés. Le régulateur doit en être conscient. Mais le contrôleur ou auditeur comme le juge doivent en être avertis’’.

KHADY NDOYE (MBOUR)

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