Publié le 12 Oct 2020 - 16:37
GOUVERNANCE, ECONOMIE, INSECURITE… : Pr. Moustapha Kassé diagnostique les maux du Mali

Pr. Moustapha Kassé diagnostique les maux du Mali

 

Il urge de trouver une réponse concrète à la question de la gouvernance et de l’Etat, pour faire face aux problèmes de développement dans les pays africains, notamment au Mali. C’est ce qu’a préconisé le professeur Moustapha Kassé, économiste, lors de son intervention, ce week-end, sur la question malienne, à l’occasion des ‘’Samedis de l’économie’’.

 

L’équation malienne nécessite des discutions de fond, selon le Pr. Moustapha Kassé. L’ancien doyen de la faculté des Sciences économies et de gestion (Faseg) souligne que s’ils restent en surface, demain, ils auront le même problème, les mêmes discours, sans absolument ‘’aucune solution’’. ‘’La gouvernance est née dans la conception de la politique. C’est un problème que les institutions internationales ont créé à un moment donné, quand elles voulaient faire de la politique, c’est-à-dire être au cœur du système institutionnel. Aujourd’hui, ces institutions financières estiment que c’est le marché qui domine. Ce sont les fanatiques du marché qui dominent les institutions financières. Le modèle néolibéral est en train de l’emporter un peu partout dans la gestion de ces institutions financières. On a oublié que le marché est complètement aveugle face aux pauvres, aux inorganisés’’, explique l’économiste lors de son intervention le week-end sur la situation malienne à l’occasion des ‘’Samedis de l’économie’’.

Le professeur Moustapha Kassé poursuit que le marché est dans l’obligation de ‘’dysfonctionnement continue’’. A partir de ce moment, il estime que l’Etat a été disloqué et on a attribué au marché des fonctions qu’il ne peut pas assumer. ‘’C’est ça le problème. Il faut qu’on en discute. Ce n’est pas superfétatoire de dire que la question de l’Etat se pose. Quel est l’Etat qui a permis, aujourd’hui, à l’Asie de s’en sortir ? C’est l’Etat ‘pro’, c’est-à-dire producteur, programmeur, etc. Quel Etat il nous faut, aujourd’hui, quel doit être sa taille, est-ce que c’est 25, 50 personnes ou 85 ? Quelles sont les dépenses publiques, la vocation sociale de l’Etat, quelles sont les formes de répartition des revenus ? Si nous restons dans les généralités, nous ne réglerons jamais rien. Il faut qu’on règle la question de la gouvernance, de l’Etat. C’est très important. Nous avons l’Etat pro, il y a l’Etat patrimonial, etc. Ce genre d’Etats, il faut qu’on les étudie’’, renchérit le doyen Kassé.

Un autre challenge qui n’est pas à négliger aujourd’hui est, selon lui, la conflictualité en Afrique. Le Pr. Kassé souligne que tous les Etats sont nés sur la base de conflits et de guerres. ‘’La guerre est une source fondamentale dans le développement d’un pays. Chez nous, les sources fondamentales de conflictualité sont d’ordre social. Si nous avions mené sérieusement des études sociologiques, elles nous montreraient que face à la précarité, à la montée des inégalités, naissent toujours des entrepreneurs de violence. Qu’on les appelle des djihadistes, etc., ils naissent de situations sociales bien dégradées’’, soutient-il.

Par rapport à la démocratie, l’économiste note que beaucoup de situations politiques que les pays africains vivent, montrent que cela ‘’n’a absolument aucun début d’application’’. Pour lui, l’erreur historique, en Afrique, est de vouloir construire un socialisme avec une classe ouvrière qui était ‘’extrêmement embryonnaire’’. ‘’Faisons comme les élites en Asie. Elles ont su construire des Etats forts, avec des objectifs très précis, en mobilisant des populations également précises.  Faisons des projections dans le long terme en nous départissant de tout a priori et de tout mimétisme. Nous reprochons à nos gouvernements d’être mimétiques, mais nous le sommes plus qu’eux. Nous ne sommes pas encore capables de penser avec nos propres têtes, nos propres idées pour trouver nos propres solutions à partir de nos propres erreurs. Tant qu’on ne le fait pas, on n’en sortira pas. Nous ne pouvons pas transformer nos sociétés tant que nous n’avons pas de bons modèles prospectifs’’, préconise-t-il.

‘’Il y a un étouffement systématique de l’économie malienne’’

Au-delà de ces défis de gouvernance, d’Etat, le Mali, également, a un challenge lié à la gestion de ses ressources naturelles. En effet, le socio-économiste malien, Mamadou Goïta, par ailleurs Directeur exécutif de l’Institut de recherche et de promotion des alternatives en développement (Irpad) a relevé, dans son allocution, que le Mali est actuellement le 3e producteur d’or en Afrique. Ceci, avec environ 70 tonnes d’or qui sont extraites annuellement du sol malien. ‘’En 2016, le Mali a vendu, au total, environ 1 369 milliards de francs CFA d’or et le montant total que le pays a pu engranger à partir du rapport ITE, c’est-à-dire tous revenus confondus, se chiffre à peu près à 241 milliards de francs CFA. Si on ajoute les services de sous-traitance, c’est 80 milliards de francs CFA. Donc, un minier qui investit au Mali à travers les transactions au niveau du Mali, c’est cela fait un montant total de plus de 300 milliards de francs CFA. Cela donne une idée de la place qu’occupe ce secteur dans le développement économique et pourquoi les multinationales sont en train d’accaparer l’ensemble des ressources de ce pays-là’’, indique-t-il.

Le directeur exécutif de l’Irpad note que c’est environ 1 000 milliards de francs CFA qui sont entre les mains des multinationales de façon officielle, en termes de flux financier licite. Le montant du flux financier illicite se chiffre entre 26 et 70 millions de dollars, selon les années, et la grande partie vient du secteur minier. ‘’Or, le Mali ne dispose même pas d’une politique minière. Les travailleurs s’appuient sur des codes miniers qui ont été élaborés de bout en bout par la Banque mondiale, avec la réforme de 92, ensuite en 99 et en 2012. Le Mali fonctionne actuellement avec trois codes miniers différents et les entreprises choisissent les codes qui les arrangent. Treize entreprises minières exploitent l’or malien. Et on ne peut pas discuter de cela pendant la transition sans pour autant poser le problème de fond. On ne peut pas discuter des élections sans aborder ces problèmes de fond’’, renchérit-il.

Avec un budget annuel de 2 400 milliards que le Mali a, d’après M. Goïta, les revenus de l’or qui sont d’environ 1 300 milliards représentent plus que la moitié du budget national. ‘’Ces ressources n’arrivent pas à la population. Parce qu’il y a un problème sérieux. Toutes les réformes qui ont été faites ne sont pas des réformes au profit du développement de ces pays-là. Elles sont au profit de l’investissement direct étranger, à travers les multinationales. Les ressources financières du pays ne peuvent pas être mobilisées, parce que nous avons des difficultés énormes pour refonder les politiques publiques pour la gestion de notre économie. Il y a un étouffement systématique de l’économie malienne’’, déplore-t-il.

Pour sa part, la ministre de l’Innovation et de la Recherche scientifique, et ancienne conseillère technique au ministère de la Réconciliation nationale et du Développement des régions du Nord trouve que le souci réside le choix des programmes de formation des populations locales. ‘’Les choix stratégiques que nous devons faire en matière de développement sont totalement absents dans nos formations. Ils sont orientés par contre vers d’autres besoins qui ne répondent pas aux besoins des populations. Aujourd’hui, nos citoyens bien formés se retrouvent ailleurs et réconfortent d’autres économies. Or, aucun peuple ne rentre en démocratie que s’il est éclairé et a la capacité de faire de bons choix. Toute société qui aspire au progrès et entend préserver la dignité de ses membres, a l’obligation de gérer par elle-même ses ressources intellectuelles, politiques, institutionnelles et matérielles’’, affirme le Pr. Assétou Founé Samaké.  

Madame Samaké fait savoir que c’est à l’école où les peuples vont acquérir des aptitudes, qui leur permettront d’avoir des capacités de jugement, de participation régulière aux affaires publiques et aux prises de décision. ‘’C’est aussi à l’école où nous apprenons les valeurs démocratiques et républicaines. Donc, si ces valeurs font défaut, nous serons dans des difficultés. Nous devons comprendre que par la connaissance et le savoir, ce serait à nous de créer notre propre agenda pour nos pays et pour l’Afrique et partant de cela, alimenter ces agendas’’, défend-elle.

MARIAMA DIEME

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