Publié le 20 Aug 2019 - 04:40
GRAND-PLACE AVEC ANTA SARR DIACKO

‘’Il faut que les Sénégalais se rééduquent’’

 

Elle est simple dans le port, mais très élégante, tout de même. Elle ne dit pas un mot plus haut que l’autre. Elle a des manières raffinées et est très posée. Elle est la déléguée générale à la Protection sociale et à la Solidarité nationale. Elle s’appelle Anta Sarr Diacko et est l’invitée du ‘’Grand Place’’ d’’’EnQuête’’ de cette édition. Elle revient sur son parcours avec nous, se remémore de la bonne élève qu’elle était.

 

On vient de fêter la Tabaski et l’Assomption. Comment votre direction s’est organisée pour aider les populations démunies ?

C’est avec un grand plaisir que nous avons préparé la fête de Tabaski. Notre cœur de métier est la solidarité nationale et la sécurité sociale. Nous avons soutenu beaucoup de démunis afin qu’ils puissent fêter la Tabaski. Comme chaque année, le président de la République offre des moutons à ceux qui n’en ont pas les moyens, afin qu’ils puissent préparer leur fête convenablement.

Donc, on a offert des moutons aux populations, aux familles vulnérables. Le Sénégal est un pays laïc où le dialogue islamo-chrétien règne. Toutes les fêtes sont partagées. Ensemble, nous avons fêté l’Assomption avec les chrétiens. Je profite d’ailleurs de l’occasion que vous m’offrez pour demander pardon, comme il est de coutume, à tous les Sénégalais. Il est sûr qu’il y en avait qui avaient besoin d’aide ou d’assistance et qui n’ont pas pu la décrocher au niveau de nos services. Nous leur demandons pardon.

Vous gérez les bourses familiales. Pensez-vous que ce système d’aide est viable ?

C’est très bien réfléchi. Pour lutter contre la pauvreté, il y avait beaucoup de stratégies qui ont été mises en œuvre. Mais on avait vu que les résultats ne suivaient pas. Donc, il fallait, depuis 2005, mettre en place la stratégie nationale de protection sociale qui a été réactualisée depuis 2015. Et ce sera jusqu’en 2035. Il y a donc cette stratégie sur 20 ans qui va permettre aux couches vulnérables, aux familles démunies, de bénéficier de projets et de programmes viables qui leur permettent de sortir de cette extrême pauvreté. Ce sont des projets et programmes qui sont adossés au cycle de vie, à la stratégie nationale de protection sociale. A chaque stade de la vie, il y a des projets, des programmes, des réformes qui sont élaborés et mis en œuvre pour permettre à ces couches qui ont été très longtemps exclues de la société de pouvoir en bénéficier et d’avoir un minimum de bien-être social et de revenus.

Vous savez, il y a des droits dont tout bon citoyen doit bénéficier dont ceux liés à la santé, à l’éducation. Ils sont des paramètres pris en compte dans ce programme national de bourses de sécurité familiale. Au temps aussi, il y avait ce cercle vicieux intergénérationnel de la pauvreté qu’il faut rompre. Pour cela, il fallait voir la couche la plus démunie, leur permettre d’avoir un minimum de revenus. Ce sont les 25 mille francs Cfa par trimestre que nous leur donnons. C’est un cash qui est conditionnel, c’est-à-dire permettre à ces ménages vulnérables de pouvoir faire bénéficier à leurs enfants scolarisables au moins les moyens d’accès convenables aux structures scolaires et d’avoir aussi les fournitures scolaires, de pouvoir s’alimenter au moins deux ou trois fois par jour ou, au moins, de prendre le petit-déjeuner pour permettre à l’enfant d’avoir un bon éveil en classe.

Qu’en est-il de la prise en charge sanitaire ?

Nous avons le volet santé, puisque c’est un enrôlement direct qui se fait pour que tous les bénéficiaires de bourses aient accès à la Couverture maladie universelle. L’enregistrement à l’état civil est devenu une conditionnalité pour que tous ces gens-là puissent retrouver leur droit à la citoyenneté. Il y a le changement de comportement qui est très important, puisque dans l’axe 1 du Plan Sénégal émergent, il y a le capital humain, développement durable. Aujourd’hui, dans le Programme national de bourse de sécurité familiale, nous avons des séances de sensibilisation pour le changement de comportement. Cela permet à ces ménages d’acquérir un capital humain afin de faire face et de participer activement au développement socio-économique de leur société.

Comment choisissez-vous ces ménages, quand on sait qu’on vous accuse de politiser les choix ?

Il n’y a aucune touche politique, puisque c’est un ciblage communautaire. Nous travaillons en parfaite collaboration avec l’Ansd qui nous permet d’avoir les quotas et de les répartir en fonction du seuil et de la carte de pauvreté. Ce programme existe dans toutes les 557 communes du Sénégal. Dans chaque quartier ou village, est installé des comités qui font le ciblage. Ces comités sont constitués par les ‘’Badienou Gokh’’, les Asc, les imams ou curés, des directeurs d’école, les délégués de quartier et toute personne morale qui veut participer à ce choix de manière transparente et non orientée. Après le choix au niveau des quartiers, il faut un choix au niveau des communes.

Nous y avons aussi des comités communaux, de même qu’aux sous-préfectures où nous avons des comités départementaux et ceux régionaux se trouvent chez les gouverneurs. Dans chaque région, nous avons ce qu’on appelle un opérateur social et un coordonnateur régional qui suivent les choix faits. Donc, les choix se font à la base. Cela part de la base vers le sommet. Il n’y a aucune orientation ou touche politique. C’est dans une transparence totale que tout se fait.

Est-ce qu’un suivi est fait auprès des ménages soutenus ?

Oui, il y a un suivi, puisqu’on a des séances de sensibilisation. Il y a le relais communautaire qui assure le suivi. Ce dernier encadre 50 bénéficiaires de bourses de sécurité familiale. C’est pour voir si les conditions qui ont été posées sont respectées ou pas chez les ménages qui ont des enfants scolarisables, des enfants qui doivent être vaccinés. Le suivi se fait. Comme vous savez, cela touche une couche vulnérable, pauvre, mais également les personnes âgées, puisque notre porte d’entrée c’est le ménage. Le critère d’éligibilité est l’extrême pauvreté. On peut avoir donc un ménage extrêmement pauvre, sans enfant scolarisable ou sans enfant de 0 à 5 ans. Ce programme touche toutes les cibles et moyennes d’âge.

Avant de venir à la Délégation générale à la protection sociale et à la solidarité nationale, vous avez été ministre de la Femme. A votre avis, quelle doit être la place de la femme dans la politique d’une nation ?

Je remercie notre président de la République Macky Sall qui a fait que ce décret sur la parité puisse être appliqué. Les femmes continuent toujours de lutter pour l’application de cette parité, et la présence des femmes dans les instances de haut niveau est importante. Nous représentons plus de 52 % de la population. Nous avons autant de femmes diplômées que d’hommes diplômés. Les femmes ont leur place au niveau des instances de décision et des structures de l’Etat. Le président de la République l’a compris et donne une place primordiale à la femme. Il insiste, dans les courriers que nous recevons, sur l’implication du genre dans les structures. Cela prouve l’engagement et la volonté du président de la République à ce que ce genre puisse être réel. Je dis toujours que nous devons nous battre pour occuper la place qu’il nous faut. Ce n’est pas en restant dans les maisons ou en parlant qu’on le fait. Il faut participer. Les partis politiques ne prédominent plus. Il y a beaucoup de mouvements, la société civile et d’associations que les femmes peuvent intégrer pour porter leurs voix et occuper la place qu’il leur faut, parce que nous le méritons. Quand vous allez dans une société dirigée par une femme, vous verrez qu’elles y réussissent de grandes choses. Nous voulons toujours montrer notre place, notre efficacité et efficience. C’est pourquoi nous continuerons à nous organiser.

En effet, il nous manque une bonne organisation. Il y a des groupements de femmes, des associations, mais il manque une harmonisation. Il faut qu’on soit harmonisée, qu’on soit ensemble, qu’on se donne la main pour porter notre ambition, c’est-à-dire travailler aux côtés des hommes pour leur montrer que nous avons notre mot à dire et avons les capacités de diriger toute structure qui nous sera confiée.

Qu’entendez-vous par ‘’les femmes doivent s’organiser’’ ?

On parle d’autonomisation des femmes, mais il faut que les femmes y croient d’abord. Si on veut toujours être assisté, bénéficier des petits travaux, commerces, on ne va pas s’en sortir. Il faut aller vers l’entrepreneuriat. Pour cela, il faut une bonne organisation en Gie ou association. C’est vrai que j’ai mis en place l’association des femmes Deugu ak Liggey qui existe sur tout le territoire national et les femmes s’activent. Il y a déjà une rizerie qui est installée à Dakar avec une capacité de décorticage de riz de 10 tonnes/l’heure. Je suis originaire de Dagana. L’usine de tomate n’existe plus. Les femmes ont des difficultés pour transformer le riz.

Il y a à côté le président qui veut promouvoir le riz de la vallée. Je me suis dit pourquoi ne pas aller promouvoir les femmes, le riz de la vallée, organiser les femmes pour qu’elles puissent développer des activités génératrices de revenus ? Il y a d’autres à Thiès où les femmes sont organisées et sont dans la fabrication de savon. Elles sont dans la vente du riz, puisque c’est une chaine de valeur depuis la décortication.

On achète le riz aussi chez les femmes qui cultivent et qui n’ont pas les possibilités de le commercialiser. Il a le siège Afdal à Ouakam qui sert de dépôt pour le riz. Les femmes le vendent. Je leur donne le riz à un prix usine. Ce qui est dommage, c’est que tout le temps que des prêts sont accordés à des femmes, elles se disent c’est l’argent de l’Etat. Elles ne travaillent pas et sont prêtes à ne pas rembourser. Ce n’est pas motivant pour quelqu’un qui vient les aider pour qu’elles travaillent. Il faut vraiment qu’elles aient cet engagement et cette volonté de réussir. Ce n’est pas du jour au lendemain qu’on devient millionnaire ou milliardaire. Il faut se donner le temps qu’il faut pour travailler, économiser, épargner et puis travailler aussi en groupe. Il est difficile de générer seul des revenus.

Vous êtes mère de famille et occupez de hautes responsabilités. Comment faites-vous pour allier vie de famille et carrière professionnelle, quand on sait qu’on est dans une société où on veut souvent réduire la femme à son simple statut de femme au foyer ?

C’est avant que nos parents, nos grands-parents ne voulaient pas que leurs filles fréquentent l’école. Ce n’est plus le cas. Nous sommes aux temps modernes. Vous allez dans une maison, vous verrez que ce sont les jeunes filles qui sont meilleures à l’école. C’est elles qui décrochent les premières places, lors des concours généraux. Peut-être avant, c’était les périodes de congés de maternité qui posaient problèmes, quand la femme devait travailler. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Les femmes savent gérer travaux conjugaux et ceux de bureau. Il suffit juste de bien s’organiser. Il est vrai que nous avons des femmes qui peuvent travailler et qui travaillent à notre place, mais qui ne font pas tout. Il suffit juste de s’organiser pour arriver à occuper la place de femme à la maison en s’occupant de son mari. Au bureau, on travaille sérieusement et correctement. Le problème ne se pose pas. Il suffit juste de s’organiser.

Vous l’avez dit, certains ne voulaient pas que leurs filles aillent à l’école. Quand vous avez eu l’âge d’aller à l’école, est-ce que dans la sphère familiale, il y en a qui s’étaient opposés ?

Non pas du tout ! Je suis la cadette de ma famille. J’avais trois frères. Malheureusement, les deux sont décédés ; je prie Dieu pour qu’il leur accorde le paradis. Nous avions presque tous fréquenté la même école, Ouagou Niayes 1 devenue école Ndari Niang. J’habitais à Usine Ben Tally. Ma maman n’avait pas fait l’école, mais mon papa oui. Il connaissait l’importance de l’école française. Ma maman, après, a pu se débrouiller pour suivre des cours d’alphabétisation et du soir pour pouvoir lire d’elle-même et acquérir une certaine capacité pour se débrouiller toute seule. Elle était au centre de Bopp depuis 1960 où elle a reçu une formation des premières Françaises qui y étaient. Finalement, elle est devenue éducatrice au centre de Bopp et animait même une émission à la radio intitulée ‘’Jiggen ni degglou len waxtan bi yena ko mom’’.

C’est ce qui m’a poussée à travailler davantage et être parmi les meilleures de ma classe, de l’école primaire jusqu’au Baccalauréat. C’est en Cm1 que j’ai été désignée pour passer l’entrée en 6e. Quand je faisais la première au lycée John Fitzgerald Kennedy, on m’avait déjà proposé la bourse Fac pour aller à l’étranger pour poursuivre mes études. J’ai décliné l’offre, parce que je n’aimais pas sortir et m’éloigner de mes parents. Je suis restée ici même au Sénégal. Après mon Baccalauréat, j’ai été orientée à l’Institut d’odontostomatologie. Je ne savais même pas à l’époque que cet institut existait au Sénégal. Je voulais être médecin. Mais j’avais un an de plus sur l’âge requis pour la Fac de Médecine. Ce qui a fait que je ne pouvais pas suivre des études de médecine. J’ai fait mes études en odontostomatologie et j’ai réussi. Je suis un fruit du Sénégal. J’ai fait toutes mes études ici. Après mon doctorat d’Etat, j’ai fait deux Certificats d’études supérieures en odontostomatologie tropicale et en odontologie préventive et sociale. J’ai été vacataire à l’Institut d’odontostomatologie. Ensuite, j’ai ouvert mon cabinet privé qui fonctionne jusqu’à ce jour.

Vous consultez toujours ?

Je passe là-bas tous les 15 jours pour voir le fonctionnement, voir exactement si les conditions de travail sont toujours bonnes. Je vérifie si les patients sont toujours satisfaits et éventuellement encourager mes employés et les dentistes qui sont là-bas et qui assurent la bonne marche du cabinet.

La première fois que vous avez enlevé une dent, qu’avez-vous ressentie ?

C’était quand on faisait la troisième année. C’est à ce moment qu’on commence à faire les cliniques. Il est vrai que ce n’était pas facile. Il y a l’odeur du sang qui, les premiers jours où vous n’êtes pas très habitué, vous cause quelques malaises. Cela arrive à tous les étudiants. C’est juste le temps de s’y habituer. Je n’avais pas peur quand même. Quand on aime quelque chose, on n’a pas peur. On fait les choses avec gaieté de cœur et on les réussit facilement. Ce n’était pas difficile parce qu’on était tout le temps encadré. Il y avait nos professeurs qui étaient tout le temps à nos côtés. Donc, on ne risquait rien et cela nous permettait de travailler avec aisance. Après l’exécution de la tâche, l’on est fier et cela nous donne la force de persévérer et de faire même d’autres choses beaucoup plus difficiles. C’est cela qui nous forgeait et nous aidait à avoir la main. Après, on n’a pas peur de nous confronter à tout type de chirurgie ou pathologie.

Avec l’arrivée du bateau hôpital ‘’Africa Mercy’’, on a l’impression que ce sont des messies qu’on nous envoie. Vous qui avez fait vos études à la faculté de Médecine, pensez-vous que le Sénégal a les ressources humaines qualifiées pour traiter toutes sortes de pathologie ?

Nous avons des professeurs de très, très haut niveau au Sénégal. Pour vous dire, l’université Cheikh Anta Diop reçoit pratiquement des étudiants de la sous-région. Aujourd’hui, les meilleurs médecins marocains sont formés ici à l’université Cheikh Anta Diop. Moi, j’avais des camarades de promotion camerounais, nigériens, gabonais, mauritaniens ; tous sont formés ici à l’université Cheikh Anta Diop. Nos médecins aussi sont des médecins très, très qualifiés. Nous sommes dans un pays en voie d’émergence. Les moyens manquent. Il y avait près de 80 % de la population qui n’avait pas de couverture sociale. L’accès à la santé était un peu difficile. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, l’arrivée de ce bateau ‘’Africa Mercy’’ est très appréciée. Beaucoup qui n’avaient pas les moyens, les capacités de se faire soigner font bénéficier de cet acte gratuit. Nous remercions au passage ces médecins qui sont là pour faire de la solidarité et assister ces familles vulnérables et démunies.

Ce n’est pas parce que les médecins ne sont pas compétents. C’est tout simplement l’accès à la santé qui coûte cher. Bien que la première dame aide beaucoup les familles démunies. Elle envoie même beaucoup de familles, de personnes à l’étranger pour se faire soigner. Mais malgré tout, cela ne suffit toujours pas. Il y a aussi le plateau médical. C’est ce qui fait que les personnes aisées partent à l’étranger. Cela ne veut pas dire que nos médecins ne sont pas compétents. Ce n’est pas du tout cela. A chaque fois que je tombe malade, je me fais soigner ici. Mes interventions chirurgicales, je les fais ici. Je vais à l’hôpital Principal. C’est rarement que je vais dans les cliniques. J’ai subi une fois une intervention chirurgicale et c’était à l’hôpital Principal. Elle s’est passée avec grand succès.  Il y a beaucoup de gens qui partent à l’étranger se faire soigner et qui y décèdent. Peut-être que les gens ne le savent pas, mais il y en a. Ce ne sont pas tous les cas qui sont réussis. Il y a des gens qui y vont pour des interventions banales et qui succombent. Nous avons de la matière ici. Nous avons des praticiens très compétents.

Peut-être que c’est la mode d’aller se faire soigner à l’étranger. Ceux qui sont aisés, nantis veulent toujours dire : je vais à l’étranger me faire soigner. Mais la compétence, elle est là. Et bientôt nous allons avoir un hôpital de très haut niveau avec un plateau médical très élevé. Notre président de la République veut que les Sénégalais n’aillent plus à l’étranger se faire soigner, mais qu’ils restent ici pour bénéficier de tous les soins dont ils auront besoin.

Parlons d’actualité. En tant que membre du corps médical, que pensez-vous de la malheureuse altercation entre l’ex commissaire des Parcelles-Assainies et un pharmacien ?

Moi, je dis que ce qu’il faut, c’est toujours respecter les corporations. Je suis du corps médical. Je dis toujours que je ne manque jamais de respect à mon patient. J’ai l’habitude de dire à mon assistante, dès qu’un patient met un pied dans le cabinet, il devra sortir d’ici satisfait, jovial, bien que les gens aient toujours peur des chirurgiens-dentistes. Il faut qu’on se respecte et suive ce que nous dictent les textes. Il ne faut pas montrer sa position, son grade, se dire que je ministre, député ou délégué général et je dois me permettre de tout faire. Non ! Si on respecte ce que nous dictent les textes, je pense que les problèmes de ce genre ne se poseront pas. Pour acheter un médicament, il faut présenter une ordonnance. Si on n’en a pas, on va voir le médecin. C’est cela qui fera que chacun fera son travail. Il y a beaucoup de choses que les gens font qui ne devraient pas.

Certes, c’est nous pharmaciens ou dentistes qui donnons cette opportunité aux gens en leur vendant des médicaments sans ordonnance et qui ne devraient pas se faire. C’est nous qui leur avons donné cette habitude. Si depuis le début nous étions strictes et dire que tout médicament qui doit nécessiter la délivrance d’une ordonnance ne peut pas être vendu, je pense que tous les Sénégalais vont le respecter. Mais si certains le font, d’autres pas, il peut toujours y avoir des incompréhensions. Je dis toujours qu’il est bon que les Sénégalais se ressaisissent. Tout cela est un problème d’éducation, de comportement. Il faudra qu’on change de comportement. Il faudra que les Sénégalais se rééduquent. Sinon, c’est de l’anarchie totale. On va finir toujours par des dérives et c’est ce qu’il faut éviter. Nous sommes tous des Sénégalais et devons-nous respecter mutuellement.

Du métier de dentiste à la politique. Comment êtes-vous arrivée dans l’arène politique ?

Je disais toujours que jamais je ne ferai de la politique. On dit souvent qu’il ne faut jamais dire jamais. J’étais dans mon cabinet, je travaillais, mais j’ai vu l’injustice portée sur le président Macky Sall. Cela m’a poussée à aller adhérer à l’Apr. Il y avait aussi cette injustice qui était portée sur mon mari, parce qu’il fut sous-préfet de Dakar-Plateau. Je m’étais dit que c’était quelqu’un qui faisait son travail correctement. Pourquoi dire qu’il est hal pulaar, de Guindjilogne, village de la maman du président Macky Sall pour lui faire subir certaines injustices ? J’ai dit non, je vais faire partie de ceux qui vont élire le président Macky Sall. C’est comme ça que j’ai adhéré à ce parti. J’ai milité fermement. Je participais aux différentes réunions. J’ai adhéré au mouvement des femmes et à celui des cadres. J’allais régulièrement aux assemblées et aux meetings. A un moment, certains ont pensé que le président Abdoulaye Wade allait venir fermer mon cabinet ou demander à certains de ne plus venir chez moi, parce que je recevais des patients de la Rts, de la Lonase, etc. Je disais peu importe ce qu’il fera, je vais me lancer sur cette scène politique.

Je me suis engagée et fortement. J’ai vu que les fruits ont porté. Le président a gagné et là il fait du beau travail. Ce n’est pas facile. C’est difficile. Il y aura toujours des critiques, des opposants mais l’essentiel, c’est que nous sommes à la tête des structures, travaillons pour que les objectifs qu’il veut atteindre puissent être réalisés.  

Vous avez pratiquement fait tout votre cursus scolaire dans des écoles de jeunes filles. C’était votre choix, celui de votre père ou un pur hasard ?

C’était un pur hasard. A cette période, on ne faisait pas nos choix. Quand on réussissait à l’entrée en 6e on nous orientait. J’ai été d’abord orientée au collège d’enseignement moyen technique féminin (Cmt Filles) qui est devenu le collège Martin Luther King que j’ai fréquenté les 4 premières années. Après, j’ai été orientée en série D (devenue série S) au lycée John Fitzgerald Kennedy où j’ai eu mon Baccalauréat.

Quelle histoire avez-vous vécue au lycée Kennedy et que vous n’oublierez jamais ?

Il y avait les mouvements gymniques. On était sélectionnée et on faisait des séances de répétition. Cela m'avait marquée. C’était des moments de récréation. Les élèves s’entendaient à merveille. Il y avait une discipline à cette époque. La blouse était toujours propre, bien correcte. Cette entente, cette envie de réussir, cette solidarité entre élèves m’avaient marquée. Le fait de vouloir toujours prouver que les filles sont les meilleures m’avait marquée. On travaillait toujours pour que lors des examens, les filles décrochaient les mentions les plus honorables.

Kennedy n’est plus ce modèle d’excellence qu’il était jadis. Cela vous attriste ?

Bien sûr. Peut-être que c’est la rigueur qui y manque. Avant, il y avait un contrôle strict qui était fait. On n’osait pas arriver en retard. Il fallait être à l’heure, disciplinée, entrer en classe et étudier. A l’heure de la descente, on n’osait pas rester dans la cour. Il fallait sortir rapidement et aller prendre le bus pour rentrer chez soi. Il y avait aussi un contrôle strict qui se faisait pour les révisions, puisqu’il y avait une salle où quand on n’avait pas cours, aux heures intercalaires, on allait réviser. Personne ne trainait dans la cour. On était obligée d’aller dans cette salle pour réviser. On formait des groupes. Aux heures creuses, on ne trainait pas dans la cour. On travaillait en groupe. On s’entraidait. Je pense que cela manque aujourd’hui dans nos lycées. Les filles s’intéressent beaucoup plus à leur aspect, à la beauté. Elles s’intéressent aux greffages de 100 mille F Cfa. Alors que nous avant, c’était la simplicité. Le portable les divertit aussi. On ne pensait pas à tout cela. On n’osait pas. Il n’y avait vraiment pas toutes ces tentations. Heureusement pour  nous, nous nous en sommes sorties et sommes devenues ce que nous sommes. On remercie nos parents pour cet encadrement et cette discipline.

Vous étiez bonne élève, on le sait. Mais étiez-vous calme ou du genre bosseuse, mais très bavarde ?

Je n’étais pas bavarde. A l’école primaire, j’étais une peureuse. A l’heure, de la descente, je pliais rapidement mes bagages pour rentrer chez moi. Idem pour le cycle secondaire. Heureusement, j’avais eu la chance de toujours partager l’école avec ma grande sœur qui m’encadrait, m’aidait. Je n’avais pas de problème. Je m’occupais juste de mes études et après je rentrais. Aujourd’hui, je peux vous dire que les amies que j’ai sont des amies d’école. Je n’ai pratiquement pas d’amies, à part celles avec qui j’ai fait les bancs. C’est avec elles que discute toujours régulièrement. Je vois toujours mes amies du primaire. Pour le cycle secondaire, je peux citer Mme Niane, Fatoumata Ndiaye, qui est devenue une amie. Elle est l’épouse de l’ex-ministre de l’Enseignement supérieur. Je l’ai connue à l’école. A chaque fois que j’étais première à un trimestre, au suivant, elle faisait tout pour être première et moi deuxième. C’est comme ça qu’on s’est liée d’amitié depuis l’âge de 12 ans. Pratiquement toutes mes amies sont devenues aujourd’hui des cadres et c’est elles que je fréquente.

Malheureusement, avec la fonction que j’occupe aujourd’hui, le temps me manque beaucoup. Mais nous nous réunissons à la fin de chaque mois. Mes promotionnaires du lycée Kennedy, on se voit tous les premiers samedis du mois ainsi que celles de Martin Luther King. On se rencontre pour échanger, nous distraire un peu et décompresser.

Quel est le livre qui vous a le plus marquée ?

Je vais l’avouer, je ne lisais pas beaucoup. C’est cette paresse qui me suit toujours. Mon mari me le reproche souvent. Il me dit : ‘’Anta, prends le temps de lire.’’ C’est mon défaut. Les romans, je n’arrive jamais à les finir. Mais il y a ‘’Une si longue lettre’’ que nous avions toutes aimé. Je l’ai lu. Il y avait un de nos professeurs, Marouba Fall, qui nous a enseignées, qui est un grand littéraire et que je vois à la télé maintenant, qui nous poussait à lire. Mais j’étais vraiment paresseuse, quand il s’agissait de lire.

Quelle est votre plus grande distraction ?

J’aime la campagne. Je n’aime pas trop la ville. J’aime toujours aller dans mon village d’origine, Dagana ou aller à Matam, chez mes beaux-parents à Sinthiou Nguidjilogne. J’aime aller en campagne. Même quand je pars en vacances en France, je ne reste pas à Paris. Je vais à Romigny, vers Reims. J’aime toujours aller en campagne et changer un peu d’air.

Et le cinéma ?

J’adorais, je suivais. Malheureusement, il n’y a plus de cinéma. A l’époque, on y allait. Aujourd’hui, c’est la télévision qui nous occupe et nos portables.

BIGUE BOB

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