Publié le 16 Feb 2015 - 01:24
HABRE RENVOYE DEVANT LA CHAMBRE D’ASSISE

En route vers le jugement de l’ex-président tchadien

 

La Chambre africaine extraordinaire d’instruction a rendu hier une ordonnance de non-lieu partiel, de mise en accusation et de renvoi. Un acte qui signe le jugement de Habré devant la chambre d’assise.

 

Les choses se précisent pour l’ex-président tchadien Hissein Habré. Son procès pourrait être tenu en mai ou juin 2015. Le juge d’instruction a répondu favorablement à la demande du Procureur général des Chambres africaines extraordinaires qui, en date du 5 février 2015, avait demandé que Hissein Habré soit renvoyé devant la Chambre d’assises. Dans une note publiée hier, la Chambre africaine extraordinaire d’instruction a rendu une ordonnance de non-lieu partiel, de mise en accusation et de renvoi. Cet acte, lit-on dans la note, ‘’renvoie l’inculpé Hissein Habre devant la Chambre africaine extraordinaire d’assises pour y être jugé pour crime contre l’humanité, crimes de guerre et crime de torture’’.

Avec ce nouveau rebondissement, les choses devraient aller très vite pour la tenue du procès. Dans une note publiée hier et dont EnQuête détient copie, l’ONG Human Right Watch souligne que la ‘’décision du 13 février 2015 de renvoyer Hissein Habré, l’ancien dictateur du Tchad, devant une juridiction de jugement est une étape majeure de la longue campagne pour le traduire en justice’’. Après donc une instruction de 19 mois, les quatre juges d’instruction des Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises concluent qu’il y a suffisamment de preuves pour que Habré soit jugé pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture.

Jacqueline Moudeïna, avocate principale des victimes et présidente de l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (ATPDH), a laissé explosé sa joie à l’annonce de cette nouvelle. ‘’Après avoir enduré tant de souffrances, les victimes de Habré se rapprochent de plus en plus de la justice pour laquelle elles se battent depuis tant d’années’’, déclare-t-elle, avant de poursuivre : ‘’Traduire Habré devant une juridiction est une immense victoire pour la justice’’. Ce qui est inédit, c’est qu’avec le procès de Hissein Habré, pour la première fois, un Etat va juger le dirigeant d’un autre Etat pour des violations des droits de l'Homme.

‘’Compétence universelle’’, un concept que l’Afrique inaugure

Hissein Habré est accusé de milliers d’assassinats politiques et d’usage systématique de la torture pendant son règne, de 1982 à 1990. Il  a été renversé à cette date par l’actuel président Idriss Deby Itno et s’est installé au Sénégal. Après une campagne de 22 ans menée par les victimes, les Chambres africaines extraordinaires ont été établies au sein des juridictions sénégalaises en février 2013, afin de poursuivre les crimes les plus graves commis durant son régime.

Les Chambres ont inculpé Habré en juillet 2013 de crimes contre l’humanité, torture et crimes de guerre et l’ont placé en détention provisoire. Conseiller juridique pour Human right watch, Reed Brody, figure de proue dans cette traque, a soutenu hier : ‘’Cette affaire montre que des victimes peuvent, à force de ténacité et de persévérance, traduire un dictateur en justice.’’ Il a poursuivi qu’un ‘’procès équitable et transparent pour Hissein Habré montrerait que les juridictions africaines sont capables d’offrir justice aux victimes africaines de crimes commis en Afrique’’.

Avec la nouvelle décision prise par les juges, la phase d’instruction est close. Durant cette phase, les juges d’instruction ont organisé quatre commissions rogatoires au Tchad, auditionné quelque 2 500 témoins et victimes, analysé les documents de la police politique de Habré, fait des perquisitions à ses deux domiciles dakarois, organisé des confrontations entre Habré et des témoins et victimes, désigné des experts pour disséquer les structures sécuritaires de Habré et exhumé des charniers. Il faut noter que Habré ne reconnaît pas la légitimité des Chambres et, par le biais de ses avocats, a refusé de participer à la procédure. Les Chambres doivent continuer à respecter scrupuleusement les droits de Habré, a déclaré Human Rights Watch.

Dans le cadre du procès de Habré, la  ‘’compétence universelle’’ sera pour la première fois mise en œuvre sur le continent africain. La ’’compétence universelle’’ est un concept de droit international qui permet à des tribunaux, nationaux de poursuivre l’auteur des crimes les plus graves commis à l’étranger, quelle que soit sa nationalité ou celle des victimes.

AMADOU NDIAYE

 
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