Publié le 27 Jun 2020 - 22:38
HIVERNAGE ET COVID-19

Le péril du paludisme guette

 

Le ministère de la Santé et de l’Action sociale a intérêt à bien dérouler le plan de contingence contre le paludisme. Avec l’hivernage et les patients qui évitent les structures de santé, il y a de fortes chances que cette pathologie soit beaucoup plus mortelle que la Covid-19. Le coordonnateur du PNLP tire la sonnette d’alarme.

 

L’hivernage a débuté au Sénégal. Une période où le paludisme cause beaucoup de dommages. Avec la crise sanitaire, le pays va apprendre à vivre avec deux maladies. La situation est d’autant plus grave que les deux pathologies ont pratiquement les mêmes symptômes. Ce qui fait dire au coordonnateur du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), Docteur Doudou Sène, qu’ils ont un double défi à relever. C’est-à-dire garantir la mise en œuvre des programmes et barrer la route à la Covid-19.  

De l’avis de Dr Sène, le mieux est de surfer sur les vagues de la Covid et essayer de mener tant bien que mal leurs différentes activités. Parce que, fait-il savoir, l’expérience a montré qu’en cas de pandémie, il y a plus de morts liées au paludisme.

‘’On s’est rendu compte, en 2014, lors d’Ebola en Guinée et en Sierra Leone, qu’il y a eu plus de 14 mille morts supplémentaires liées au paludisme. Ce sont les mêmes impacts, actuellement. Parce la population a commencé à fuir les structures de santé, le personnel de santé aussi avait peur. Donc, toutes ces leçons sont tirées par notre système de santé’’, explique le médecin.

Ce dernier souligne, toutefois, que le ministère est en train de faire beaucoup d’efforts pour protéger la population du paludisme. A l’en croire, le palu est une grande priorité de santé publique, face à la Covid. Parce que, souligne le Dr Sène, cette maladie reste mortelle, quand il n’y a pas de traitement. Alors qu’on peut avoir la Covid sans pour autant mourir de cette maladie. L’important, selon lui, c’est d’abord de garantir la mise en œuvre de leurs activités, pour protéger la population, mais également veiller à limiter la propagation de la Covid.

En plus de cela, ajoute le spécialiste, il y a la prise en charge précoce des cas. Sur ce point, il demande aux populations de se rendre dans les structures de santé, en cas de fièvre. ‘’On leur fait le test de diagnostic rapide (TDR). Si c’est le paludisme, on traite, si c’est la Covid, on vous prend en charge’’, précise-t-il.  Pour le médecin, le pays est en en guerre. Donc, ce n’est pas parce qu’il y a un malade ou quelqu’un touché par une balle qu’on doit arrêter. ‘’La guerre, c’est toutes ses composantes. Il faudra garantir ce combat pour que les gens soient dans une bonne santé. Covid, paludisme et toutes les autres maladies qu’il y a, nos pays n’ont pas les moyens de supporter autant de catastrophes sanitaires de cette ampleur. Il commence déjà à pleuvoir dans certaines zones. Si on ne maintient pas les activités, il y a des fortes chances que le paludisme soit beaucoup plus mortelle que la Covid elle-même’’, prévient le Dr Sène.

‘’Les femmes enceintes doivent assurer le traitement préventif intermittent‘’

Pour le coordonnateur du PNLP, il urge de faire le plaidoyer afin que les populations continuent d’utiliser les moustiquaires imprégnées. Car, révèle-t-il, le paludisme devient très grave dans des zones où il y a une disparition progressive de cette maladie. ‘’Parce qu’il y a une baisse de l’immunité des populations. Donc, quand on a un palu, rapidement, on développe la forme grave qui peut être mortelle, plus mortelle que la Covid-19. Les femmes enceintes doivent assurer le traitement préventif intermittent. Ce traitement les protège et protège le fœtus’’, conseille le médecin.

Cependant, il précise qu’ils n’ont pas croisé les bras, depuis le mois de mars. Déjà, sur instruction du ministre, il a été demandé à chaque programme d’élaborer un plan de contingence pour dérouler les activités prévues. C’est ainsi que les partenaires les ont accompagnés dans la mise en œuvre. Il s’agit de dérouler les aspersions intra-domiciliaires. C’est aussi une pulvérisation des maisons avec des produits d’insecticides pour réduire les vecteurs responsables de transmission de la maladie.  Selon lui, ils ont déjà démarré à Makacolibantang et à Kédougou, en garantissant la sécurité des agents par la dotation en masques et en gels hydro-alcooliques. ‘’La campagne se déroule bien, en respectant les mesures barrières. Normalement, nous devons terminer d’ici la semaine prochaine. A Makacolibantang, on est à presque 90 % de couverture. A Kédougou, nous sommes à plus de 60 %. La progression est un peu plus lente’’.

Une autre campagne, renseigne le Dr Sène, est prévue pour la chimio-prévention saisonnière du paludisme dans les régions de Kédougou, Tambacounda, Kaolack et Diourbel. Le lancement a été fait hier à Diourbel. Cette campagne, de l’avis du médecin, constitue un grand défi, parce qu’il s’agit d’administration de médicaments. ‘’Avec toutes les mauvaises informations qu’il y a pendant cette Covid, nous sommes obligés de beaucoup communiquer pour faire comprendre aux populations qu’il est important de se protéger’’, s’inquiète-t-il.  Avant de soutenir que cette procédure est la même que quand on donnait la nivaquine. ‘’Maintenant, c’est le fansidar à base de sulfadoxine pyriméthamine associé à l’amodiaquine qu’on administre aux enfants de 3 mois à 10 ans avec trois passages. Pour Kédougou, c’est quatre passages. A la fin de chaque mois, on administre ces médicaments qui leur permettent de se protéger’’, informe le coordonnateur du PNLP. 

Dans les régions de Matam et de Louga, le PNLP a prévu de faire les aspersions intra-domiciliaires dans les zones à forte transmission. Les sites dans ces régions sont là où il y a une forte prévalence de la maladie. Cette situation est un peu compliquée, reconnait Dr Sène, car le pays avait atteint la pré-élimination du paludisme dans cette zone. Mais, avec la Banque islamique de développement, le programme a trouvé un financement qui permet de dérouler cette campagne dans les districts de Matam, Kanel, Ranérou et Linguère.

Le paludisme a connu une baisse de plus de la moitié des cas en 2019 au Sénégal.  Le pays était à 530 745 cas en 2018. En 2019, il s’est retrouvé avec 35 400 cas confirmés. Soit une réduction d’environ 28 % sur l’ensemble du territoire national. Le nombre de décès a également chuté.  Il était de 550 en 2018, contre 260 décès pour 2019, une réduction de plus de 51 %.

Selon le docteur Doudou Sène, ces résultats sont obtenus grâces aux actions menées en 2018, notamment la grande campagne de distribution de Milda. ‘’Neuf millions de moustiquaires ont été distribuées. Mais c’est également grâce à la prise en charge précoce des cas, avec la stratégie de Pcadom (prise en charge à domicile des cas). Celle-ci permet de recenser rapidement les cas suspects et de les tester’’.

VIVIANE DIATTA

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