Publié le 17 May 2018 - 20:41
IBRAHIMA NDOYE, PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE SAINT-LOUIS

« Fallou Sène est mort par arme à feu »

 

Le procureur de la République près le tribunal de Saint-Louis a pris la parole, hier, pour apporter les premiers éléments de l’enquête ouverte pour élucider la mort de l’étudiant Mouhamadou Fallou Sène. Il revient notamment sur les conclusions de l’autopsie. Extraits.

 

« Je suis le procureur d’une région qui vient d’être le théâtre d’affrontements très violents mettant en scène des franges fragiles, importantes et stratégiques, c’est-à-dire les jeunes, et les forces de défense et de sécurité qui, dans leur vocation naturelle, sont chargées de les sécuriser. Des affrontements qui ont abouti à un drame qui nous a emportés dans une émotion telle que les esprits ont atteint un point tellement élevé que les soubresauts continuent à se sentir sur l’ensemble du territoire national. Mon devoir, en tant que procureur de la République du tribunal de Saint-Louis, informé des événements, est d’ouvrir une enquête.

Fallou Sène est né le 15 mai 1995, et il nous a quitté le 15 mai 2018, jour de son anniversaire. Avec ce qui s’est passé, notre devoir nous appelle à agir à l’endroit de ceux qui ont posé des actes qui ont abouti à ces événements tragiques. Lorsque nous avons été informés, on a ordonné une enquête qui a démarré mardi et confiée au commandant de la brigade territoriale et de procéder à des auditions. A l’annonce du décès, une réquisition a été adressée au médecin de l’hôpital de Saint-Louis qui, dans ses conclusions, nous parlait déjà d’une mort dont les causes ont été encore non déterminées. Et tout de même il précise, dans une parenthèse sur ce certificat de genre de mort qu’il avait établi, qu’il a constaté une plaie par arme à feu au niveau du buste. Ce qui me semblait insuffisant. Cela nous a poussés à adresser une nouvelle réquisition à un médecin légiste de l’hôpital Le Dantec pour une autopsie. Ce qui a été fait. Le médecin légiste requis a conclu en reprenant la même chose que son collègue de Saint-Louis. Il a constaté l’existence d’une plaie pelvienne avec des lésions viscérales, une rupture des vaisseaux iliaques primitifs gauches et une hémorragie à grande abondance avec une arme à feu.

‘’C’est un drame national qui n’honore personne’’

Tout ceci pour vous dire que c’est un drame national qui n’honore personne. Notre pays est une grande démocratie qui obéit naturellement à une organisation qui met en scène des hommes et des femmes qui se mettent en action, dans le cadre de structures bien organisées. C’est dans ce registre que, dès la survenance des évènements, ce qui devait être fait l’a été. C’est la saisine des autorités judiciaires. Ce qu’il faudra préciser à ce niveau, c’est que notre vocation, en tant qu’autorité judiciaire, n’est pas de traquer des individus qui n’ont aucun lien avec des dénonciations, mais de recevoir des plaintes, de constater des faits délictuels et de procéder à des ouvertures d’enquête, avec comme vocation des recherches de preuves qui aboutiront à des identifications et à l’interpellation des auteurs. Ce qui a été ordonné.

L’enquête est en train d’être menée et déjà la réquisition de l’homme de l’art a conclu à une mort certaine, suite à une blessure par arme à feu. L’officier judiciaire qui a déployé son enquête, avec l’appui des éléments venus de Dakar, a entendu tous les blessés et tous les membres de l’escadron de Saint-Louis qui étaient partis sur le théâtre des opérations. Tous sont à pied d’œuvre pour poser tous les actes et explorer toutes les pistes de réflexion et d’actions qui permettent de rassembler le maximum d’éléments pour établir la matérialisation de l’infraction. Et après, on envisagera d’aller vers les auteurs de la mort et à leurs arrestations.

‘’Aller à l’identification des auteurs des saccages des édifices publics’’

La précision de taille que j’aimerai apporter à ce niveau est relative à la nature de l’affaire. Si nous avons estimé par devoir nous autosaisir, c’est parce que dans notre entendement, nous sommes en face d’un évènement qui a mis en scène plusieurs acteurs avec plusieurs victimes. Tous sont impliqués à un niveau tel qu’il nous obligera forcément à aller à l’identification de l’auteur du coup fatal à Fallou Sène, mais aussi à l’identification des auteurs des saccages des édifices publics.

L’enquête est en cours. Elle se poursuivra et arrivera certainement à terme, au plus tard à la fin de cette semaine. A cette date, si les éléments d’enquête et d’investigations auront permis d’asseoir matériellement des différents faits qui pourraient receler les différentes qualifications de la loi pénale caractéristique d’incrimination qu’on pourrait retenir éventuellement aux potentiels auteurs de tels faits, et si les faits permettent d’établir la nature ordinaire de l’infraction, le parquet de Saint-Louis  retiendra sa compétence et continuera à approfondir et à élargir l’enquête pour saisir l’autorité judiciaire qui a la tâche d’approfondir l’enquête.

Si à la fin de l’enquête qui est en cours et qui s’achemine tout droit vers sa fin, tous les éléments nous permettent de retenir que l’auteur probable est du côté des gendarmes qui étaient intervenus à l’UGB, le droit ne nous permet pas de continuer, mais par la formalisation d’un rapport judiciaire, nous allons saisir le procureur de la République près le tribunal de grande instance hors classe de Dakar, seule compétente sur l’ensemble du territoire en matière militaire. Pour résumer, l’appel que je lance à nos frères et sœurs étudiants est que nous partageons leurs souffrances, leurs peines et leurs douleurs. Et je leur assure que le Parquet de Saint-Louis fera de son pouvoir pour que matériellement, tous les contours de cette affaire soient cernés. »

PROPOS RECUEILLIS PAR FARA SYLLA (SAINT-LOUIS)

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