Publié le 23 Jun 2020 - 03:12
IDRISSA DIABIRA (DG DE L’ADEPME)

‘’Nous ne disposons, au Sénégal, que de 700 entreprises…’’

 

Les entreprises sénégalaises, notamment les petites et moyennes entreprises, ont été impactées par les mesures de confinement mises en place par l’Etat, à cause de l’expansion de la pandémie de Covid-19 depuis mars dernier. Dans une interview accordée à ‘’EnQuête’’, le directeur général de l’Agence de développement et d'encadrement des petites et moyennes entreprises (ADEPME) révèle la profondeur de cet impact sur les PME nationales, les mesures de soutien de l’Etat, le nombre d’entreprises qui participent au contribuable, le Fonds envol, etc.

 

L’ADEPME a récemment publié une enquête sur les entreprises impactées par la Covid-19. Pouvez-vous revenir sur les grandes lignes ?

En effet, c’est une enquête à laquelle plus de 800 entreprises ont pris part, dont les objectifs étaient, d’abord, de mesurer les impacts de la Covid-19 sur les PME, ensuite de comprendre les mesures ayant le plus d’incidence sur les activités des PME. Et, enfin, de recueillir auprès d’elles leurs attentes quant aux mesures d’ordre technique, financier ou fiscal à prendre pour passer cette crise et se relancer. Nous y apprenons que quasiment toutes les entreprises, 98 %, ressentent négativement l’impact de la Covid-19 sur leur chiffre d’affaires, comparativement à la même période de l’année dernière.

Si on regarde plus en détail, c’est ainsi 64 % qui dit avoir été très négativement impacté, 25 % négativement impacté et 9 % modérément. Soit, respectivement, des pertes de leur chiffre d’affaires mensuel de 60 à 100 %, de 30 à 60 % et entre 10 et 20 %. Les mesures ayant le plus d’incidence ont été assouplies. Il s’agissait, entre autres, de l’interdiction des déplacements interrégionaux, la fermeture des frontières ou le couvre-feu. Enfin, les mesures les plus attendues sont de l’assistance technique ; elles souhaitent fortement être accompagnées pour bénéficier des mesures mises en place qu’elles ne connaissent pas ou peu.

A propos de cet accompagnement, le ministère des Finances a publié deux arrêtés sur les conditions pour bénéficier du soutien de l’Etat en matière de remise fiscale et de subvention que les acteurs du privé jugent trop restrictives. Quelle analyse en faites-vous ?

Les mesures et les précisions du ministère des Finances sont importantes. Elles permettent de poser un cadre qui, évidemment, prend d’abord en compte les entreprises formelles qui jouent le jeu. Il serait paradoxal que ces acteurs ne trouvent pas la main tendue de l’Etat, alors qu’ils participent, par leur civisme fiscal, à les faire fonctionner. Maintenant, c’est un premier pas et il convient de rester à l’écoute de l’accueil des mesures prises par les premiers concernés. C’est ce à quoi nous appelle constamment le chef de l’Etat : à faire preuve d’écoute, d’empathie, de pédagogie et d’adaptabilité. La politique, vous savez, c’est un échange permanent pour parvenir à faire du sur-mesure. De nombreuses dispositions existent et sont prises par le département des Finances. Malheureusement, ce n’est pas assez connu. L’enquête révèle que la majorité des PME, c’est-à-dire les 3/4, ne connaissent pas les mesures de soutien fiscal ou de financement mises en place par le gouvernement, la BCEAO (NDLR : Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) ou les banques. Notre premier grand défi est donc de vulgariser ces mesures au travers d’actions plus concertées entre les différents acteurs. C’est le sens du nouveau site du ministère en charge de l’Economie (covid19.economie.gouv.sn) qui réunit les informations disponibles et utiles pour faire face à la crise ou de la démarche que nous pilotons avec les acteurs d’appui dans le réseau Sénégal PME et la plateforme senegalpme.com qui vise à rendre l’information accessible. 

Est-ce que les PME et microentreprises qui sont généralement dans l’informel, qui n’ont pas de comptabilité correcte, ne seront pas exclues de ce soutien de l’Etat, face à de tels critères ?

C’est toute l’opportunité qu’il convient de saisir avec cette crise. Nous devons nous assurer que ces PME ne sont pas exclues, en les formalisant justement, massivement et en les incluant à notre économie. Elles représentent 97v % de l’ensemble des entreprises, selon l’ANSD (Agence nationale de la statistique et de la démographie) à ne pas disposer d’une comptabilité correcte, c’est-à-dire répondant au Système comptable ouest-africain (Syscoa). Notre assiette fiscale est structurellement trop étroite, le département des Finances a d’ailleurs lancé, en fin 2019, une remarquable initiative ‘’Yaatal’’ visant à l’élargir, notamment par la sensibilisation citoyenne des personnes physiques et morales.

Car depuis l’instauration des centres de gestion agréées par la loi 95-32 de 1995, la mise en place de la Contribution globale unique (CGU) en 2004, force est de constater que le taux de formalisation reste très faible. En fait, les expériences empiriques, notre dernière enquête ou la littérature en sciences de gestion nous montrent que les principaux déterminants à la formalisation d’un dirigeant sont : la formation et le renforcement des capacités des dirigeants, l’accès à des marchés ou l’accès à des financements. Et c’est précisément là où se situe, pour l’Etat, une opportunité fantastique, avec cette crise, d’appuyer ces PME. Elles sont en difficulté et ont des besoins importants en fonds de roulement et en assistance technique. Nous pourrions les mettre à leur disposition, en contrepartie d’une formalisation différente de celle jusqu’alors pratiquée dont nous avons tous à gagner. En combinant les approches fiscales, financières et d’assistance technique, nous pourrions multiplier par 2 ou 3, à court terme, le nombre de PME formalisées au sens comptable comme fiscal. Je rappelle que 14 000 entreprises seulement sont des contribuables, sur 408 000 entreprises. D’autres mesures et réformes prévues pour accompagner la nouvelle loi sur les PME, adoptée en décembre dernier, amplifieraient alors le mouvement.

Et selon votre enquête, quels sont les secteurs les plus touchés par la pandémie ?

L’enquête nous fournit plusieurs enseignements. D’abord, aucun secteur n’est épargné ; 2 % seulement des répondants disent avoir eu un chiffre d’affaires stable ou ayant été positivement impacté. Le reste que l’on retrouve dans tous les secteurs est négativement impacté. Ensuite, certains secteurs d’activité dans les catégories ‘’Très négativement’’ et ‘’Négativement impactées’’ sont surreprésentés, notamment le tourisme, l’hôtellerie, la restauration ou le transport. Enfin, si vous regardez la catégorie ‘’Très négativement impacté’’, vous vous apercevez que les PME dont le chiffre d’affaire est entre 1 et 30 millions de francs CFA, y sont surreprésentées.   

Est-ce que les entreprises qui sont dans le monde rural sont prises en compte dans cette enquête ?

Oui, absolument. En fait, l’enquête comprend 50,4 % des répondants de la région de Dakar, les 49,6 % restant proviennent des 13 autres régions. L’enquête fournit bien une vision assez exhaustive et de la diversité de nos entreprises, mais qui ne se limite pas aux PME à Dakar et hors Dakar. Le statut juridique est très instructif. Au fait, 52 % sont des entreprises individuelles et 17 % des GIE (groupements d’intérêts économiques) 15,8 % des SARL (sociétés anonymes à responsabilité limitée) et 2,94 % de SA (sociétés anonymes). Le chiffre d’affaires également, puisque 75 % des répondants ont un chiffre d’affaires compris entre 1 et 30 millions de F CFA, 14 % entre 30 et 100 millions de F CFA, 2,21 % entre 500 millions et 2 milliards de F CFA. Et 1,10 % ont un chiffre d’affaires au-delà de 2 milliards de francs CFA. Mais si l’on suit la proportion des PME issues de la région de Dakar impactées ‘’très négativement’’, ‘’négativement’’ ou même ‘’modérément’’, nous avons respectivement 49, 52 et 49 %. Des différences qui ne sont pas très significatives, quand on compare à la proportion globale d’entreprises de Dakar qui est de 50,4 %. Par contre, pour les entreprises dont l’impact est stable ou positif, on s’aperçoit que les PME issues de Dakar représentent respectivement 71 et 67 % des PME concernées. Une différence de plus de 17 % qui semble indiquer qu’être à Dakar puisse faire partie des atouts pour tirer son épingle du jeu.

En cette période de crise, que fait concrètement l’ADEPME, en tant que structure en charge du développement et de l’encadrement des PME pour les soutenir ?

Période de crise oblige, nous avons mis en place un dispositif d’écoute et de conseil au sein de la Cellule entreprises en difficulté (CED) logée au sein de l’ADEPME par le gouvernement. Il faut rappeler que la CED a pour objectif principal d’instaurer une coopération entre les organismes susceptibles d’intervenir dans la prévention et le traitement des entreprises en difficulté. Le chef de l’Etat, Macky Sall, conscient de cette problématique, avait ainsi, en fin 2013, confié à l’ADEPME la mission de s’occuper des PME.

Les dispositifs complémentaires étant logés à l’époque à la primature et au ministère de l’Economie et des Finances. Cette écoute nous a permis de mesurer les problèmes des PME, nos bénéficiaires en particulier, de proposer à nos partenaires de réorienter des ressources en cours d’exécution pour appuyer des PME encadrées. Ceci en leur faisant bénéficier de subventions pour des besoins en fonds de roulement, pour produire des réponses à la Covid-19, comme la production de 200 000 masques-barrières dans 7 régions avec les acteurs de ces régions. Nous poursuivons nos échanges avec ces derniers, afin d’apporter des réponses plus fortes dans cette phase de relance qui va s’ouvrir. La coopération allemande, par exemple avec la Giz, a déjà accepté d’appuyer la mise en place d’un guichet unique PME au sein de l’ADEPME dans le cadre du Compact with Africa que le chef de l’Etat a négocié avec le G20.  

Cette crise a également mis à nu la capacité de production des entreprises locales. Que prévoit votre structure pour le renforcement de ces entreprises, notamment après la crise ?

En effet, cela fait partie des diagnostics sur les PME, à savoir leur faible productivité. Et donc les enjeux de l’accompagnement sont, entre autres, augmenter le nombre de PME en particulier innovantes, assurer le passage du secteur informel au secteur formel, renforcer la compétitivité des PME, notamment leur potentiel export et leur intégration les chaines de valeur mondial. Notre orientation stratégique est d’accompagner les futurs champions. Pour y parvenir, il nous faut un ensemble d’appuis techniques, managériaux ou financiers. Le Bureau de mise à niveau (BMN), un programme très important sur le sujet, participe aussi à répondre à ce défi. Mais pour y parvenir et pallier cette situation, il nous faudrait décupler les moyens mobilisés. D’ailleurs, l’enquête montre que 44 % des répondants sont ou ont été accompagnés et que 78 % sont satisfaits de l’accompagnement reçu. Cela concerne l’ADEPME, mais aussi le BMN, le Fongip (Fonds de garantie des investissements prioritaires), le Fonsis (Fonds souverain d'investissements stratégiques), l’Asepex (Agence sénégalaise de promotion des exportations), la Der (Délégation générale à l'entrepreneuriat rapide des femmes et des jeunes) ou les chambres consulaires. Le dispositif d’accompagnement est donc fonctionnel ; il doit être plus lisible et avoir davantage d’impact en massifiant le taux d’entreprises accompagnées.

On a aussi noté la naissance de beaucoup de projets innovants portés par de jeunes Sénégalais pour faire face à la pandémie. Qu’est-ce qui est envisagé pour la promotion de ces start-up, surtout après la Covid-19 ?

C’est très prometteur. Malgré la crise, nous avons vu tout le génie créateur sénégalais pour s’adapter, malgré la crise et proposer des solutions de luttes aux effets de la Covid-19 dans le textile, l’habillement, le cosmétique, le numérique, la logistique, la pharmaceutique, l’enseignement ou la formation à distance. En économie de guerre, l’appareil productif s’oriente vers la production d’armes nécessaires à gagner la guerre, les entrepreneurs ont répondu admirablement à l’appel du chef de l’Etat. Ils ont non seulement montré leur résilience et leur patriotisme, mais aussi leur esprit d’innovation. Nous allons passer d’une économie de guerre à une économie de vie, avec la relance dont le programme est en cours d’élaboration, sous la coordination du ministère de l’Economie. Si nous savons cultiver nos vertus et accompagner ces ‘’diambars’’ (NDLR : guerriers) de l’économie, alors la crise bien que très difficile et très douloureuse, n’aura pas été vaine. Rappelons-nous de l’esprit de renouveau qui a toujours suivi les crises que le Sénégal a connues. C’est par exemple la grippe aviaire qui a permis de protéger notre industrie avicole et de disposer aujourd’hui de capacités certaines.  

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‘’La crise souligne d’ailleurs la nécessité d’élargir le spectre des outils financiers’’

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L’ADEPME a noué, en 2018, un partenariat avec la SGBS pour un fonds envol doté de 170 milliards de francs CFA pour le financement des PME. Est-ce que ce fonds est encore opérationnel ?

En effet, en fin 2018, nous avons lancé le fonds envol avec la Société générale. Il s’agissait de la mise en place d’une ligne de financement à l’attention des PME pour les 5 années à venir dont 15 milliards pour la première année. La première année effective est 2019 et nous pouvons être très satisfaits de ce partenariat puisqu’il a permis de mobiliser 8 milliards de F CFA pour les PME. C’est d’ailleurs cinq fois ce que nous mobilisions environ par an auprès des institutions financières avant sa signature.

Mieux, en 2019, c’est 11 milliards auprès des institutions financières que nous avons pu rendre accessible aux PME. Cela dans le sillage du dispositif PME de la BCDEAO, qui vise à faciliter le refinancement bancaire en s’appuyant sur les structures d’appui et d’encadrement (SAE) comme l’ADEPME. Cette année rend particulièrement difficile sa mise en œuvre avec la crise. Mais je suis convaincu que la phase de relance pour le secteur bancaire passera par l’appui au financement des PME et par un indispensable air frais dans les portefeuilles. Nous travaillons activement dans ce sens, avec la mise en place d’un programme ‘’Suñu champion’’ qui a un volet financier avec un fonds commun de titrisation des créances multi-banques. La crise souligne d’ailleurs la nécessité d’élargir le spectre des outils financiers. Il permettrait de mobiliser de très importantes ressources sur le marché des obligations pour les PME en général et celles à fort potentiel en particulier. Tout en permettant d’améliorer les fonds propres d’une dizaine d’institutions financières dont celles locales, ce dont elles ont aussi besoin.

Quelle est la pertinence de la disponibilité du ‘’fonds frais partagés’’ en cette période de crise ?  

L’approche d’appui aux PME doit être incitative. C’est cela qui marche et qui est attendu des dirigeants ailleurs dans le monde comme au Sénégal. Le fonds à frais partagé (FFP) est un outil de subvention aux entreprises pour accéder à des services divers d’assistance technique comme la promotion commerciale, l’internationalisation, le conseil ou l’expertise comptable, la formation ou des outils de digitalisation. Comme son nom l’indique, les frais sont partagés entre l’entreprise bénéficiaire et le FFP qui peut prendre jusqu’à 90 % du coût. Les conditions d’éligibilité sont loin d’être formelles. Il s’agit d’avoir, selon les cas, une à deux années d’états financiers, de faire une requête qui correspond aux différents guichets. Il dispose de plusieurs guichets en lien avec les partenaires techniques et financiers qui nous font confiance, notamment l’Union européenne, la Banque mondiale, l’AFD (Agence française de développement), la Giz ou l’Etat du Sénégal dont les fonds ont permis de l’initié. Depuis sa mise en place en 2014 avec les partenaires, c’est près de 2 000 PME qui en ont bénéficié pour renforcer leur compétitivité. Avec le guichet internationalisation financé par la Banque mondiale, c’est déjà 29 PME qui en sont bénéficiaires sur un objectif de 100 pour les trois ans à venir.

Est-ce que l’ADEPME a de nouveaux partenaires pour la relance l’activité des PME et microentreprises ?

Oui évidemment. Nos partenaires classiques nous font confiance et nous les en remercions. L’Etat, en premier lieu, est exemplaire de par la constance dans son soutien à l’ADEPME depuis sa restructuration en 2013. Le chef de l’Etat a voulu disposer d’outils de souveraineté économique et sociale. L’ADEPME 2.0 en fait partie au côté du Fongip, du Fonsis, de la BNDE (Banque nationale pour le développement économique), de la CDC (Caisse des dépôts et consignations) ou de la Der. Car l’accompagnement permet de piloter, justifier et d’évaluer les efforts de financement fait aux PME. Il nous a surtout mandatés pour devenir une agence d’exécution de référence capable de mobiliser des ressources auprès des partenaires techniques et financiers qui sont exigeants en matière de bonne et transparente exécution.

Nous y sommes parvenus et l’excellent classement de l’ADEPME par le Centre de commerce international, l’an dernier, 3e en Afrique et 1er et zone CEDEAO parmi les agences d’accompagnement, en témoigne. Après la Banque mondiale, l’Union européenne, l’AFD, la coopération allemande (Giz), Onu-femmes, la Bad, nous venons, dans ce contexte de crise, d’être choisis par le Programme des Nations Unies pour le Développement (Pnud) et l’ensemble des agences onusiennes, pour mettre en œuvre le projet d’appui aux PME dans 5 communes pilotes : Sandiara, Mont-Roland, Bargny, Ndiob et Ndiaffate. C’est une vraie innovation. Car nous croisons des approches entrepreneuriales et territoriales, les lieux ou les dynamiques économiques ont lieu. Nous ne sommes pas en reste. Notre objectif consigné dans notre plan stratégique 2020-2024 est d’être le coach des futurs champions et de construire un business modèle de fonctionnement de l’ADEPME permettant une plus grande autonomie financière au travers la notation des PME en particulier.  

‘’Nous ne disposons, au Sénégal, que de 700 entreprises ayant un chiffre d’affaires dépassant 2 milliards de francs CFA’’

Et à ce propos, où en est le programme de labellisation des PME initié par l’agence ?

La labellisation est le cœur de la vision 20-24 de l’ADEPME qui est d’offrir un accompagnement adapté aux besoins et profil de chaque entrepreneur pour en faire un champion. Afin de réaliser cette vision, nous travaillons à être le tiers de confiance de l’information sur les PME à partir de notre capacité à établir leur profil risque, en faisant de la notation. Cette capacité a été développée suite aux recommandations des concertations nationales sur le crédit au Sénégal en 2010. Elles pointaient l’asymétrie d’information comme le principal frein à l’accès des PME au financement. Aujourd’hui, le Sénégal dispose d’une unité de scoring et de labellisation qui permet, à partir d’un diagnostic qualitatif et quantitatif d’une PME, de piloter le processus de renforcement de son éligibilité à des financements, entres autres. En 2018, Ecobank Sénégal a obtenu de son siège la possibilité de l’intégrer dans son processus d’évaluation des PME. La Société générale du Sénégal a noué avec nous.  C’est un partenariat pour un financement plus massif des PME avec le fonds envol.

Nous échangeons avec de nombreuses autres institutions financières, désormais. En Malaisie, l’outil Score est le passage obligé de tout accompagnement. Car il permet de disposer du carnet de santé de la PME. Nous finalisons notre démarche de double certification concernant le système de management intégré qualité (ISO 9001) et la sécurité de l’information (ISO 27001). Notre audit à blanc est d’ailleurs imminent. Près de 400 entreprises sont déjà engagées dans le processus. L’enjeu est un scoring universel. Il permettrait d’être plus précis dans l’accompagnement et donc d’avoir des futurs champions en augmentant massivement les volumes et les types de financement aux PME à des taux inférieurs. Nous ne disposons au Sénégal que de 700 entreprises ayant un chiffre d’affaires dépassant 2 milliards de francs CFA. Elles représentent 70 % de l’ensemble du chiffre d’affaires des 408 000 entreprises au Sénégal. Nous devons renforcer la compétitivité de beaucoup plus d’entreprises, faire émerger des champions et formaliser massivement.

Quelles sont les initiatives prises pour l’appui des Sénégalais de l’extérieur, en ce moment ?

Dans notre enquête, nous avons voulu apprécier le nombre d’entrepreneurs issus de la diaspora. Ils sont tout de même 10 %. Ce qui est très important. Nous mettons en œuvre les composantes accompagnement et appui au financement du Programme d’appui aux initiatives de solidarité pour le développement (PAISD) qui concerne la diaspora sénégalaise de quatre pays d’Europe (France, Belgique, Espagne et Italie) cofinancé par l’Union européenne et l’Agence française de développement (AFD). Un programme emblématique piloté par la Direction de l’assistance technique de la valorisation de la diaspora en France, notamment celle communautaire issue des villages de la vallée du fleuve Sénégal. Et qui a permis, depuis 2004, de réaliser des centaines d’édifices scolaires, sanitaires et de développement communautaire. Nous en sommes à sa troisième phase qui inclut, désormais, l’ADEPME pour appuyer le volet valorisation de l’investissement productif. Depuis un an donc, le comité a déjà accepté 95 projets d’entrepreneurs de ces 4 pays dont les business plans sont en cours d’élaboration. Sur la composante financement du projet, compte tenu de la Covid-19, nos partenaires ont accepté que nous appuyions une centaine de PME existantes au Sénégal dont les dirigeants sont issus de ces 4 pays par une subvention d’appui à leur besoin en fonds de roulement. L’enjeu étant de permettre la survie de ces PME.

Quels sont les challenges auxquels l’ADEPME fait face pour assurer le développement correct et l’encadrement des PME ?

Vous savez, on parvient aux grandes transformations lorsque l’on gagne la bataille des idées, comme le disait Gramsci. En 2011, c’est précisément cette bataille pour le développement et la manière d’y parvenir avec son Yoonu Yokkuté, que Macky Sall a remporté la Présidentielle. Il a ainsi ouvert la séquence de transformation structurelle dans laquelle nous sommes. Il y dessinait déjà les contours d’un ‘’Small business Act’’ sénégalais en référence au ‘’Small business Act’’ des Américains, l’administration qui régit depuis 1953 la place des PME et même leur sacralité dans les politiques publiques. Ailleurs en Allemagne, si nous connaissons tous les grandes marques comme Daimler, Adidas, etc., c’est la conscience du couple Mittelstand-Sparkassen qui désigne respectivement le vaste et dynamique tissu de petites et moyennes entreprises. Et aussi le dense réseau des caisses d’épargne qui fonde le dynamisme du modèle économique.

En Malaisie, pays dont j’ai parlé comme un des modèles pour la notation de l’ADEPME, ils ont aussi cristallisé ce paradigme de la PME autour du ‘’SME Corp’’ qui coordonne plus d’une centaine de programmes sectoriels. Aujourd’hui, nous disposons d’abord des outils/institutions à niveau de soutien financier et non financier aux PME avec leur cœur de métier. Ce qui faisait défaut avant 2012. Nous disposons, ensuite, d’une doctrine d’intervention pour le développement et l’encadrement des PME grâce aux travaux du réseau Sénégal PME avec une capacité de notation des PME formels et bientôt informels. Nous disposons, enfin, d’une forte volonté politique du chef de l’Etat de placer le secteur privé, et les PME en particulier, au cœur de la 2e phase du Plan Sénégal émergent (PSE), a fortiori pour cette relance post Covid-19.

Les conditions sont donc réunies pour faire que le paradigme de la PME soit également cristallisé et qu’elle jouisse de la primauté dans nos politiques économiques et notre passage à l’échelle.

MARIAMA DIEME

 

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