Publié le 3 Sep 2020 - 14:49
IDRISSA SECK

Un soi-disant chef de l’opposition

 

Une démocratie sans alternance n’est pas une vraie démocratie et c’est pour cette raison que le Sénégal n’est devenu une grande démocratie que lors de sa première alternance qui déracina les socialistes. Il ne restait que deux années avant les prochaines élections, et pour le faire accepter au Sénégalais, le président Senghor a imposé son dauphin constitutionnel à toute une nation. Durant l’ère senghorienne, l’un des principaux problèmes était la limitation des partis et le président Diouf modifie l’article 3 : « Les partis politiques concourent à l'expression du suffrage.

Ils sont tenus de respecter la Constitution ainsi que les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Il leur est interdit de s 'identifier à une race, à une ethnie, à un sexe, à une religion, à une secte, à une langue, à une région ». Cependant cette ouverture démocratique ne peut fonctionner que si l’opposition joue pleinement son rôle. Dans le passé de l’histoire politique du Sénégal, cela a marché avec un chef de l’opposition qui a pleinement joué son rôle, mais de nos jours, on voit une opposition déguisée avec des agendas personnels.

Un bon exemple d’un chef de l’opposition

Durant les élections de 1978, Senghor obtient 82 % des suffrages contre 17 % pour le président Wade. Il obtient ainsi 18 sièges à l’Assemblée nationale contre 82 pour le PS. Il a contesté les résultats sous prétexte qu’il n’y avait pas d’isoloir dans les bureaux de vote. La Cour suprême, ne statua pas sur sa demande. Le multipartisme voit le jour le 24 avril 1981 avec la modification de l’article 3. Abdoulaye Wade disait aussi que Jean Colin « filtre, contrôle, dirige le gouvernement, annule des décisions prises en Conseil des ministres... C'est en réalité le vrai président de la République sénégalaise ».

Il était la voix des sans voix et était prêt à mourir pour la démocratie de son pays. C’est ainsi qu’en 1987, il a dit qu’il n’allait pas se présenter aux élections de 1988 tant que le code électoral n’est pas modifié. Il change finalement d’avis et se présente aux élections.

Il aura une large coalition autour de lui et ils en ont profité pour exiger un nouveau code électoral comportant ces points : une neutralité absolue du président du bureau de vote, la présence d'un collaborateur de l'opposition dans chaque bureau de vote, le passage obligatoire des électeurs dans un isoloir, la prise en charge des dépenses électorales par l'Etat, le passage de la majorité de 21 à 18 ans, le droit de vote aux Sénégalais de l'étranger, une meilleure répartition du temps d'antenne pendant les élections dans les médias d'Etat, la non-subordination de l'armée au parti au pouvoir le jour des élections, des conditions normales de scrutin et la publication des résultats par bureaux de vote. Le président Diouf reste inflexible face à cette demande et après les élections, le président Wade sera emprisonné à cause des débordements post-électoraux.

À sa sortie de prison, après plus de deux mois, il demandera à la foule qui était prête à tout détruire, de rentrer calmement chez eux et de retourner à l’école. S’ensuit une audience avec le président Diouf pour discuter des problèmes économiques du Sénégal. Quatre postes ministériels seront acceptés par le président Wade : Ousmane Ngom, Jean Paul Dias et Amina Tall and himself.

Finalement, un accord a été trouvé pour un nouveau code électoral, les dix points cités plus haut et aussi ces points : l’utilisation d'encre indélébile pour éviter les votes multiples devient obligatoire, la fonction présidentielle est à présent limitée à deux mandats, la durée des campagnes électorales passe de 14 à 21 jours, les coalitions politiques sont dorénavant autorisées et le fait que les candidats bénéficient d'une immunité tout au long de la campagne électorale. Nous devons beaucoup aux membres de l’opposition et surtout au président Wade. Si le Sénégal est arrivé là où il est en ce moment, c’est à cause des batailles qu’ils ont menées pour les générations futures.

Après avoir quitté le gouvernement de Diouf, les deux hommes se rencontrent encore pour plus consolider notre démocratie et le président Wade présentera quelques points comme condition d’entrée dans le gouvernement, ces points sont une réforme de la manière de travailler, un gouvernement avec moins de 20 ministres, les postes attribués à l’opposition doivent être des postes de contribution. Cette demande sera acceptée par le président Diouf et ils intègrent à nouveau le gouvernement du président Diouf. Après des désaccords, ils ressortent du gouvernement et le président Wade s’exile en France. À son retour, il prépare une coalition pour face au président Diouf. C’est ainsi qu’il va faire tomber le mythe et devient le troisième président du Sénégal.

Un soi-disant chef de l’opposition

De directeur de campagne de votre père adoptif en 1988, vous êtes devenu ministre du Commerce, de l’Artisanat et de l’Industrialisation en 1995, avant d’être Ministre d’Etat, Directeur de cabinet du président en 2000 pour enfin être Premier ministre de 2000 à 2004. Malgré votre riche parcours, vous ne pouvez pas être le chef de l’opposition pour la simple raison que sur beaucoup de dossiers, soit vous ne vous êtes pas du tout prononcé ou vous vous êtes prononcé superficiellement. S’agirait-il des fonds politiques destinés au chef de l’opposition ?

Quand l’affaire Petro Tim que je considère comme l’arnaque du siècle a éclaté, Idrissa Seck ne s’est pas immédiatement prononcé là-dessus et je pense qu’il s’agit quand même d’un scandale qui est très sérieux et qui affecte les générations futures. Que les jeunes du parti viennent en conférence de presse nous dire que leur leader avait déjà alerté sur ces problèmes est une insulte envers les Sénégalais. Votre parti devrait arrêter de dialoguer jusqu’à ce que l’affaire soit traitée de manière sérieuse par la justice. Je peux quand même vous assurer que tôt ou tard, cette affaire sera tirée au clair et ceux qui sont coupables seront mis en prison et leurs biens seront gelés.

Lorsque Khalifa Sall fut détenu à la prison de Rebeuss pour détournement de deniers publics, association de malfaiteurs entre autres, Idrissa Seck est allé lui rendre visite dans le seul but de le courtiser pour agrandir sa coalition. Il faut être cohérent dans sa démarche et le fait d’être un opposant ne doit point suffire pour défendre tout opposant peu importe ce qu’il a fait. On ne peut pas vouloir diriger le Sénégal et accepter le détournement de deniers publics. Il ne s’agit pas de complot contre un opposant, mais il s’agit de fait. A-t-il oui ou non détourné des fonds publics ?

Avec une large coalition derrière lui, Idrissa Seck était classé second durant les élections présidentielles de 2019, ce qui lui aurait donné la chance, s’il avait pleinement joué son rôle de chef de l’opposition, de devenir le cinquième président. Au lieu d’assumer ce statut, il est devenu complètement aphone comme cette personne qui ne sait plus ce qu’elle veut. On ne peut pas sortir un programme et dire qu’on a tout dit et de se référer au programme face à n’importe quel problème. Il est impératif qu’il assume ce rôle et le joue pleinement sur tous les sujets qui apparaissent et aussi sur tous les problèmes économiques que nous traversons à cause de la mauvaise gouvernance.

Je loue les qualités de cet homme qui travaille dur et qui a toujours été au service de son pays, mais il ne veut pas être chef de l’opposition, car il ne l’assume pas, donc il ne faut pas le lui forcer. Une opposition, a-t-elle besoin d’un chef ? Dans un état de droit, oui, mais avec ce gouvernement à scandales et un chef qui protège ses alliés et qui met son coude sur certains dossiers, je dis non.

Qu’avons-nous fait pour mériter de tels dirigeants ?

Mohamed Dia

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