Publié le 2 Feb 2021 - 06:26
IMPACTS DES RESTRICTIONS

Le coup KO de la deuxième vague

 

Chez ces artisans de l’économie informelle, l’espoir de voir le soutien de l’Etat est cependant très mince. Ce d’autant plus que même durant la première vague, ils ont été royalement ignorés.

 

Même durant la première vague, quand l’argent coulait encore à flots, ils ont été laissés-pour-compte. Avec la deuxième vague, certains craignent déjà le pire. 

Directeur exécutif de l’Unacois Yessal, Alla Dieng fulmine : ‘’Cette seconde vague va nous achever. Même durant la première vague, avec les 1 000 milliards, l'Etat nous avait laissés à nous-mêmes. Nous n’avons reçu aucun copeck, sous quelque forme que ce soit.’’

Pourtant, rappelle-t-il amer, il était prévu un appui ponctuel pour les petits entreprenants. Par exemple, la dame du coin qui vit au jour le jour. Pour les PME, il était envisagé des financements à des taux préférentiels. Mais à l’arrivée, ils n’ont rien vu.  Ce qui n’est guère une surprise pour les commerçants. ‘’Quand nous voyons l’Etat, c’est surtout pour réclamer des impôts. Il faut que le gouvernement sache que si la bergère peut traire sa vache le matin, c’est parce que la veille, il lui avait donné du foin’’, plaide Alla Dieng.  

A l’en croire, l’argent a surtout été capté par les grandes entreprises et certains secteurs d’activité au détriment des acteurs de l’économie informelle. Lequel fait partie des secteurs qui ont payé le plus lourd tribut. Le leader commerçant explique : ‘’Je peux dire avec assurance que cela a poussé beaucoup de jeunes à aller braver la mer. J’en suis convaincu. Il y a beaucoup de marchands ambulants qui ont tenté l'aventure. Et on risque d’assister au même scénario, si l’Etat ne rectifie pas le tir.’’ Et d’ajouter : ‘’Les impacts sont incalculables. Il faut savoir qu’il y a des gens qui viennent au marché pour avoir la dépense du lendemain. Fermer le marché, c’est les empêcher de manger. Là, on ne ferme certes pas, mais on réduit considérablement l’activité. Parce que les gens doivent fermer boutique dès 16 h pour arriver chez eux avant 21 h.’’

Pour lui, cette pandémie aurait pu être une belle occasion pour encourager la formalisation. ‘’Une enquête a été menée par le ministère de l’Economie pour évaluer les pertes. Beaucoup de questions ont été posées et les gens ont rempli les formulaires. Je pense que si l'Etat était allé jusqu’au bout de sa logique, en appuyant ne serait-ce que ceux qui sont formalisés, cela allait pousser les autres à se formaliser. Mais je suis désolé de vous répéter qu’on a reçu aucun copeck’’.

Pour la deuxième vague, il soutient que l’Etat devrait surtout miser sur le respect des mesures barrières. A moins de prouver l’impact positif du couvre-feu. ‘’Après la première quinzaine de mise en œuvre, on aurait pu évaluer le pour et le contre. Qu'est-ce qu’on perd sur le plan économique ? Le comparer avec ce que nous avons en matière de résultats sur le plan sanitaire. Si, malgré le couvre-feu, la maladie continue de se propager, je ne vois pas l’intérêt de le poursuivre’’, insiste-t-il, avant d’ajouter : ‘’Nous demandons aussi à l’Etat d’accompagner des acteurs. C’est fondamental pour la relance de l’économie. Sur notre table, il y a eu au moins 30 dossiers qui ne demandent que des financements et qui doivent créer des emplois. Mais malheureusement, c’est très difficile. On a du mal à accéder aux financements et aux banques. Alors qu’ailleurs, ces dernières courent même derrière les hommes d’affaires.’’

En tout cas, pour Assane, il y a un besoin vital de reprise de l’activité.  Il peste : ‘’L’Etat aurait pu nous soulager avec les locations. A défaut, donner des appuis, comme cela a été fait pour beaucoup de secteurs. Chaque année, on paie nos impôts aussi bien au Trésor qu’à la mairie. De plus, nous avons plus besoin de cette aide. Quelqu’un qui a une grande entreprise, qui amassait beaucoup d’argent, il pourra facilement se relever. Tout le contraire des PME que nous sommes. L’Etat devait revoir sa copie.’’

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KHADIM BAMBA DIAGNE

‘’L’Etat, en diminuant l’activité, perd des recettes, alors que les dépenses augmentent’’

Docteur en économie, Khadim Bamba Diagne émet des réserves sur les restrictions et espère qu’elles seront bientôt suspendues, pour des raisons économiques.

Le Sénégal vit de plein fouet la seconde vague avec son lot de restrictions. Est-ce que notre économie peut la supporter ?

Cela risque d’être très compliqué, pour ne pas dire que c’est impossible. D’abord, le taux d’endettement est déjà trop élevé, frôlant la limite des 70 % (critère de convergence de l’UEMOA). Certes, on n’est pas tenu de rester sous la barre de ces 70 %, mais ce sera à nos risques et périls. Nous perdons notre crédibilité sur le marché international, si on dépasse ce seuil. Certains bailleurs ou Etats partenaires peuvent nous prêter avec des taux d’intérêt très élevés.

Sur un autre plan, il y a une diminution du volume des recettes fiscales. Il faut savoir que l’Etat gagne sur presque toutes les transactions. Si l’activité baisse, les recettes de l’Etat vont baisser. Et comme l’économie n’aime pas les incertitudes, les gens vont diminuer leurs dépenses pour se prémunir. Cela entraine une baisse de la consommation, qui va se répercuter sur les recettes de l’Etat.

On peut donc dire que le grand perdant de tout ça, c’est l’Etat et les prochaines générations. On est en train de prendre l’argent de la prochaine génération qui va supporter l’endettement, pour protéger la génération actuelle. On peut quand même espérer que si Abdoulaye Daouda Diallo fait l’état des finances au président de la République, au mois de janvier, ce dernier va peut-être revoir ses décisions.

Est-ce à dire qu’un durcissement des mesures n’est pas économiquement envisageable ?

Tout dépend des informations que le ministre des Finances donnera au président de la République. Si on constate une baisse drastique des recettes, alors que les dépenses augmentent, je pense que le gouvernement sera obligé de revoir sa copie.

Rappelons que quand le président de la République prenait les mesures d’assouplissement, lors de la première vague, le virus était encore là. Si de telles mesures avaient été prises pour des raisons sanitaires, elles ont été suspendues pour des raisons économiques. Si la même situation se pose, je pense qu’il va adopter la même posture.

Si, malgré une baisse des recettes, on s’entête à maintenir les mesures, c’est que l’Etat veut se pendre. Il s’est pendu, mais il a les moyens d’enlever la corde. Il faut savoir que même les pays développés, à un moment donné, se sont rendu compte qu’ils ne peuvent mettre en œuvre certaines mesures, même si la situation sanitaire le recommandait. Jusqu’à présent, ils sont hésitants. Au Sénégal, on a l’impression que les gens découvrent la mort, qu’ils ne l’ont jamais connue auparavant.

Pensez-vous que les gains du couvre-feu valent les pertes sur le plan économique ?

J’avoue que, parfois, on a envie de dire : tout ça pour ça. Cela fait plus de 14 jours. Est-ce que les cas diminuent ? La réponse est non. Est-ce que l’activité économique a diminué ? La réponse est oui. Drastiquement. Maintenant, c’est eux (les gouvernants) qui ont les chiffres. Moi, je pense qu’il faut faire fonctionner l’économie pour que le domaine de la santé puisse marcher. Sinon, on risque de perdre deux fois. On perd des recettes, alors que les dépenses en santé augmentent. Je prends encore l’exemple des pays développés. Ils ont pris des risques au mois de décembre, afin de relancer la consommation. Pourtant, ils savaient bien qu’après ce mois, la maladie allait progresser et qu’il y aurait des morts.

On a beaucoup parlé du plan de relance et quelques jours après, c’est la deuxième vague. Cela ne traduit-il pas un pilotage à vue ?

Je ne le pense pas. C’est juste qu’on ne maitrise pas le virus. D’ailleurs, certains accusent toujours les Sénégalais d’être indisciplinés, d’être ceci ou cela… On ne voit même pas tous ces sacrifices faits par les jeunes. Eux qui vont dans les boites de nuit et qui ne le peuvent plus ; eux qui vont dans les salles de sport, les terrains… En plus, on emprunte de l’argent qu’ils vont payer et on les insulte. J’invite tout un chacun à savoir raison garder. C’est aussi valable pour l’Etat. Il faut bien observer le comportement du virus. Pour moi, il est illusoire de penser que si on arrête tout, le virus va disparaitre. Depuis quand les Anglais sont en confinement ? Le confinement, c’est pour soulager les hôpitaux. Pas pour arrêter la circulation du virus. Arrêter l’activité, c’est diminuer les recettes. Et on en a tellement besoin, surtout en ces temps de pandémie.

Mille milliards avaient été dégagés, lors de la première vague. Un tel scénario est-il possible pour cette seconde vague ?

Je ne le pense pas. L’Etat, je le répète, est au bord des 70 %. Donc, il lui sera difficile d’emprunter à nouveau pour alléger la souffrance des Sénégalais. D’autre part, le gouvernement, qui a décidé de ralentir l’activité, perd beaucoup de recettes fiscales. C’est donc très difficile d’envisager d’autres dépenses.

Etes-vous donc de ceux qui pensent que le fameux ‘’vivre avec le virus’’ est la solution ?

Cela a toujours été la solution. Surtout dans ce contexte où il est beaucoup question de variants. Avec tous ces variants, quand est-ce qu’on va se départir du virus ? Est-ce qu’on va vivre dans la peur pendant cinq, six ou sept ans encore ? C’est impossible.

Donc, pour moi, on peut cibler les personnes vulnérables et les vacciner et laisser la vie se poursuivre. 

Mor AMAR

 

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