Publié le 15 Nov 2016 - 02:12
IMPORTATIONS FRAUDULEUSES, APE

Ces nouvelles menaces qui pèsent sur la filière

 

Malgré l’interdiction des importations de la viande de volailles, des entrées frauduleuses de cuisses de poulets sont souvent enregistrées dans le marché. Ce qui peut avoir des impacts négatifs sur la production locale. Mais les conséquences des accords de partenariats économiques (APE) ‘’la plus grande menace’’ sont redoutées par-dessus tout. Si les APE entrent en vigueur, ‘’tout risque de s’effondrer’’, craint Gora Faye de la Fédération des acteurs de la filière avicole (FAFA).

 

Depuis que le gouvernement du Sénégal a interdit, en 2005, les importations de poulets. Les aviculteurs sénégalais sont les seuls maîtres à bord. Du moins, officiellement. Car, on retrouve toujours des poulets européens ou brésiliens sur le marché sénégalais. Régulièrement, les services de sécurité (Douanes, gendarmerie) saisissent des cuisses de poulets importés frauduleusement. La dernière en date est la saisie, par la Douane sénégalaise de 2 tonnes de poulets à Diamniadio en mai 2016.  ‘’On connaît les importateurs, mais malheureusement les gens ne font rien’’, soupire le vice-président de l’Interprofession avicole du Sénégal (IPAS), Ahmedou Moukhtar Mbodj.

‘’Il y a des gens qui font passer leurs marchandises par la mer, la Gambie, la Mauritanie. Il faut juste être vigilant aux frontières et que les agents départementaux puissent faire correctement leur travail pour lutter contre cette fraude’’, invite l’adjoint de Babacar Ngom, le propriétaire de Sedima industries. Ces importations ont un impact négatif sur la production locale, déplore Gora Faye, membre de la Fédération des acteurs de la filière avicole du Sénégal (FAFA). ‘’Les produits importés sont toujours vendus à la place d’un produit local. C’est du ressort des autorités douanières de faire face à ces importations’’, interpelle-t-il.

Le gel des importations court jusqu’en 2020

En outre, même si l’aviculture sénégalaise a fait des avancées notoires, depuis une dizaine d’années, Gora Faye reconnaît modestement que certains pays européens ou américains ont une avance sur le Sénégal en terme de compétitivité. ‘’Il nous manque la compétitivité. Ils ont plus d’expériences que nous, plus de moyens que nous. Ils sont allés très loin dans l’intégration, dans la sélection. Nous ne sommes pas à ce niveau. Nous avons besoin d’accompagnement, mais surtout de temps pour combler ce gap de compétitivité’’, plaide-t-il.

Le gel des importations court jusqu’en 2020. Mais déjà M. Faye pense aux conséquences de la levée, une fois cette date fatidique arrivée.  ‘’Les importations pourraient conduire à une destruction de la production avicole locale’’, s’alarme-t-il. Pour éviter cela, il demande soutien de la part de l’Etat pour que le Sénégal puisse être compétitif. ‘’On abesoin de cet accompagnement pour que le jour où le marché sera ouvert, on pourra faire la compétition d’égal à égal. Tant que cela n’est pas fait, ouvrir les frontières, c’est sacrifier d’emblée les producteurs locaux’’, insiste-t-il.

Pression des puissances extérieures

En fait, même si le Sénégal continue de fermer ses frontières, la décision ne fait pas que des heureux, surtout du côté grands pays producteurs. Dans son rapport sur la compétitivité de la filière avicole, l’interprofessionnel avicole du Sénégal (IPAS) renseigne que ‘’de plus en plus, le Sénégal fait face à des pressions extérieures réclamant la réouverture du marché local aux importations de volaille’’. Ces pressions viennent surtout du Brésil, l’un des plus grands producteurs de poulets de chair au monde. Ce pays, informe l’IPAS, avait même porté plainte contre le Sénégal devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour ‘’protectionnisme’’. Après le Brésil, il y a la première puissance mondiale. Les Etats unis, eux aussi, ‘’exigent la levée par le Sénégal de toute restriction sur la volaille américaine’’. Washington avance l’argument selon lequel le pays ‘’n’a jamais été touché par l’épizootie de grippe aviaire’’. Toutefois, l’IPAS se réjouit du courage du gouvernement sénégalais qui, malgré toutes ces pressions des pays exportateurs et de l’OMC, a décidé de maintenir l’interdiction de l’importation de la viande de volaille.

La menace APE

En outre, même si le Sénégal est encore à l’abri des importations de poulets venant de l’Europe ou de l’Amérique, une autre menace pèse sur le pays : les Accords de partenariats économiques (APE). Cette entente  en phase de concrétisation inquiète beaucoup l’Interprofessionnel avicole du Sénégal. Pour l’IPAS, ils  pourraient ouvrir grandement le marché du Sénégal et des autres pays de la CEDEAO à des produits avicoles européens ‘’subventionnés’’. Si on en arrive à cette situation, prévient l’organisation dirigée par le Président-directeur général de Sedima, Babacar Ngom, ‘’aucune production locale ne pourra faire face à ces exportations de produits avicoles, quels que soit les efforts faits en amont pour opérer les montées en compétitivité nécessaires’’. ‘’Les APE introduiront une nouvelle menace, avec des risques d’accentuation du déséquilibre concurrentiel et du gap de compétitivité pour le secteur agricole en général et de la filière avicole en particulier. Ils s’accompagnent de biais qui privilégieront grandement les produits européens sur le marché intérieur du Sénégal et entraineront, progressivement, le recul des investissements publics et privés, le péril de la filière avicole, la destruction de milliers d’emplois’’, s’inquiète l’IPAS.

Déjà, une peur anime les acteurs de la filière avicole depuis l’annonce des accords de partenariats économiques entre l’Europe et les Etats ACP. D’après Gora Faye, ‘’si on arrivait à la situation de 2005 dans le cadre de ces APE, la quasi majorité des fermes vont disparaître. Tout risque de s’effondrer’’. C’est pour cette raison que ce monsieur est dans toutes les batailles que mène la Coalition Non aux APE au nom de la filière avicole. D’où le surnom ‘’M. APE’’.

PAR ALIOU NGAMBY NDIAYE 

 

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