Publié le 17 Jan 2020 - 02:03
INFANTICIDES

Les Awa ont étranglé leurs nouveau-nés et risquent 7 à 5 ans de prison

 

Awa Ndao a comparu, hier, devant la deuxième chambre criminelle, pour infanticide, ainsi qu’Awa Diédhiou pour le même chef d’inculpation. Elles sont toutes deux ménagères et sont respectivement âgées de 31 et 26 ans.

 

Si le parquet trouve une circonstance atténuante à Awa Diédhiou pour qui il a requis une peine de 5 ans, puisque cette dernière a été abandonnée par son petit-ami tout le long de sa grossesse, il n’en est pas de même pour Awa Ndao. Il a requis 7 ans de travaux forcés à son encontre. Les faits, dans les deux cas, se sont déroulés courant 2015.

Les deux dames ont comparu, successivement, hier, devant la chambre criminelle du tribunal de grande instance de Dakar.

Awa Ndao, la ménagère divorcée, est mère de deux enfants. Après son divorce, son mari s’est installé en Espagne et lui a laissé la garde des enfants. Elle a trouvé un emploi comme femme de ménage chez la dame Aïssatou Diagne, avec qui elle a fait plus d’un an. Elle a rencontré un nommé Joseph. De leur relation amoureuse, elle a contracté une grossesse et a fait croire à sa patronne qu’elle avait un fibrome, par crainte de perdre son boulot. A. Ndao a ainsi réussi à cacher sa grossesse à sa famille. Mais Joseph et la sienne étaient au courant. Elle est allée à trois reprises en visite prénatale et Joseph lui donnait sa contribution, à chaque fois qu’il le pouvait. 

Quand elle est arrivée à terme et qu’elle a commencé à sentir les contractions vers 4 h du matin, elle a contacté Joseph pour lui en faire part. Ce dernier lui aurait dit d’en parler à sa mère qui allait prendre soin d’elle, puisqu’il était en mer. Mais A. Ndao a décidé d’accoucher seule dans sa chambre, chez sa patronne. Elle s’est emparée d’une paire de ciseaux pour couper le cordon ombilical. Par la suite, elle l’a étranglé de ses mains et a ouvert le robinet de la salle de bain pour le noyer. Après lui avoir ôté la vie, elle l’a mis dans un sac en plastique et a pris le soin de nettoyer le sang dans la chambre.

Elle a attendu au petit matin pour prévenir Aïssatou sa patronne qu’elle allait prendre quelques jours de repos, avant d’emporter avec elle son sac à main et le cadavre qu’elle avait enroulé dans un pagne.

Awa a appelé Juliette, la maman de Joseph, pour l’informer de son accouchement à l’hôpital Américain de Grand-Yoff. Et quand cette dernière s’apprêtait à aller lui rendre visite avec sa fille Madeleine, Awa a rappelé pour lui dire que le bébé n’était plus. Quelques minutes après, elle a débarqué avec un sac et un baluchon.

Madeleine Gnagna Ndione lui a demandé le papier qu’on lui a remis à l’hôpital, attestant de sa mort, pour pouvoir récupérer le corps et l’enterrer convenablement. Mais Awa a rouspété et dit qu’on ne lui a rien donné. Elle a également indiqué que le bébé était enrobé dans le pagne qu’elle a pointé du doigt.  Madeleine a ouvert le pagne et vu un sachet qu’elle a déchiré. Elle est tombée sur le cadavre du nouveau-né dans un état piteux, recouvert de son sang. Elle l’a soumise à un feu roulant de questions. Awa a finalement confié qu’elle a accouché chez sa patronne. Juliette et Madeleine l’ont conduite à l’hôpital où on les a redirigées vers la police de Guinaw-Rail, sans quoi, elles allaient toutes les deux partir en prison. Une fois à la police, elle a été arrêtée, après avoir reconnu les faits.

Mais hier, devant la cour, elle est revenue sur les déclarations faites à l’enquête préliminaire et juré n’avoir jamais voulu lui faire du mal. ‘’L’enfant est né sans vie. Je le sais, parce que j’ai déjà accouché deux fois’’, a-t-elle pesté. Joseph, l’ex petit-ami qui avait décidé de se constituer partie civile, s’est finalement désisté et lui a accordé son pardon à la barre. Il a aussi interpellé le président Dembélé sur l’amour qu’elle portait toujours à sa dulcinée. ‘’Monsieur le Juge, moom la beug‘’ (c’est elle que j’aime). Ceci, après avoir expliqué que ce soir-là, il avait même envoyé du crédit, pour qu’elle fasse appel à sa mère, en cas de besoin. Cependant, Awa a contesté ses déclarations. ‘’Il m’a dit qu’il ne pouvait pas se déplacer et m’a suggéré d’en parler à ma patronne. D’ailleurs, c’est ce qui avait été à l’origine de nos problèmes et la raison pour laquelle j’avais décidé d’accoucher seule’’.

Elle s’est confondue en excuses et plaidé que son seul tort est de n’avoir pas accouché à l’hôpital. ‘’Je n'ai jamais exercé de violence sur sa personne, je n'ai jamais voulu lui faire du mal, je voulais le garder‘’.

 

Les ‘’folles versions’’ d’Awa

Le parquet, dans ses observations, a souligné qu’Awa avait donné des versions aussi folles les unes que les autres. Elle a commencé par confier qu’elle avait étranglé, puis noyé le bébé, de peur que sa famille lui tourne le dos avec un enfant naturel, pire, d’un père chrétien. Ensuite, elle a prétexté qu’il lui a glissé des mains et a perdu la vie, avec la chute. Elle a également confié avoir accouché à l’hôpital et que l’enfant était mort-né. Et au final, dire qu’elle avait perdu beaucoup de sang et qu’il a sûrement dû s’étouffer, avec tout ce liquide qu’il a ingurgité.

Ainsi, le représentant du parquet trouve qu’‘’elle a trompé son monde ! Elle a fait exprès d'aller quelquefois en visite. Cacher la grossesse à sa famille et aller se confier à sa belle-famille, pour pouvoir berner les gens, quand elle aura fini de faire son forfait. Elle a, en effet, pris un morceau de tissu quelle a serré autour du cou, avant de le noyer. Cette strangulation a conduit à la congestion des viscères, une cyanose des oreilles, lèvres et membres de bébé qui était de sexe féminin de 2 kg 900 ‘’. Il a fini par requérir une peine de 7 ans de travaux forcés.

Maitre Ibrahima Mbengue de la défense a plaidé qu’entre 1 h et 4 h du matin, dans la chambre, nul ne peut dire, à part sa cliente, ce qui s'y est passé. ‘’Joseph et sa famille, dit-il, ont été avisés ; donc, elle voulait de cet enfant. Tout était possible dans ces conditions d’accouchement. Je n'ose pas dire que le médecin s'est trompé’’.

Ainsi, il a demandé l'acquittement. Dans la même veine, Me Bruce Sylva a trouvé qu’on pouvait imputer à Awa le mauvais choix qui est d’avoir accouché dans la chambre, la honte d'être jugée par la société, en se cachant de sa grossesse, la crainte de perdre son emploi, mais pas l’infanticide. Il a sollicité l’acquittement au bénéfice du doute. 

La chambre de l’horreur

Le second cas jugé est celui d’Awa Diédhiou, en détention depuis 5 ans, mère célibataire de 3 enfants de pères différents. Elle est domiciliée chez la femme de son grand frère, Fanta Diène. Celle-ci avait de vrais doutes sur son état. Mais, à chaque fois qu’elle a abordé le sujet, Awa Diédhiou lui a répondu avec dédain qu’elle parlait trop et qu’elle n’était pas enceinte. Elle s’est gainée le ventre pendant 9 mois, pour ne pas susciter des interrogations. Le jour de son accouchement, toute seule à la maison, elle a mis au monde un bébé de sexe masculin qu’elle a mis dans une valise et caché au-dessus de son armoire. Elle a mis le placenta dans deux sachets et nettoyé le sang.

Fanta, de retour du travail dans l’après-midi, est entrée dans sa chambre pour la saluer. Elle a senti une forte odeur de sang. Elle lui a demandé si elle avait accouché, mais Awa a fulminé qu’elle n’a jamais été enceinte. Après avoir insisté sans succès, la belle-sœur a requis les services d’un médecin qui tenait une clinique dans le quartier. Mais rien n’y fit. Elle a alors appelé la police qui a débarqué peu après. Une fouille a été effectuée et les deux sachets ont été retrouvés. Les forces de police ont fait appel aux sapeurs-pompiers qui ont emporté lesdits sacs, pensant que c’était le cadavre.

Le soir, un des éléments de la police est revenu chez Fanta pour qu’elle lui donne des habits d’hiver, mais ne voulant pas entrer seule dans la ‘’chambre de l’horreur’’, elle a invité l’agent à venir l’assister. Elle a ouvert la porte et a descendu la valise. Elle l’a ouvert et est tombée nez-à-nez sur le cadavre. Les sapeurs-pompiers ont été rappelés pour amener le corps.

Durant l’enquête préliminaire, elle avait avoué son méfait et déclaré l’avoir tué par strangulation qui a occasionné une asphyxie mécanique, une docimasie positive et une cyanose des membres, comme l’a attesté l’homme de l’art.

 Mais hier, devant la chambre correctionnelle, elle a changé de version : ‘’J’ai accouché dans ma chambre et j’étais à bout de souffle. Quand je me suis levée pour prendre soin de lui, j’ai eu des vertiges. Je l’ai piétiné au cou, sans le faire exprès. J’ai pris peur et je ne savais plus où donner de la tête. Je l’ai mis dans la valise et nettoyé la chambre.’’

Le parquet a requis une peine de 5 ans de travaux forcés, compte tenu des circonstances atténuantes. En effet, le père n’a pas reconnu l’enfant, A. Diédhiou n’a pas vraiment connu sa mère et a perdu sa tante qui l’a élevée. Dans le même sens, Me Bruce Sylva a souligné que sa cliente l’a fait et a reconnu l’avoir fait. ‘’Le résultat est le même, peu importe comment elle l’a fait’’, a-t-il dit, soulignant qu’Awa en souffrait déjà beaucoup trop. Il a fini par saluer le choix du parquet d’avoir requis une peine thérapeutique pour sa cliente.

La cour statuera sur leur sort, le 5 février 2020.

Fama Tall

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