Publié le 12 Sep 2019 - 00:44
INONDATIONS A LA MEDINA ET GUEULE-TAPEE

La galère matinale des habitants 

 

Il suffit que quelques gouttes d’eau s’abattent pour que Dakar et sa banlieue changent complétement de visage.  Les millimètres de précipitation enregistrés la nuit du 9 au 10 septembre en sont une parfaite illustration. Aux quartiers Gueule-Tapée et Médina, la pluie a provoqué la galère des habitants et des commerçants qui ont essayé, chacun à sa manière, d’évacuer les eaux et d’apporter leurs solutions face à l’insalubrité.

 

Seau à la main, debout près d’une fosse septique débordante devant la porte de sa maison, Oumou Keita n’a pas d’autres choix que de la vider dans la rue. Elle effectue des va-et-vient avec son seau pour vider le contenu dans la rue déjà inondée par l’eau de pluie. En cette matinée de lendemain de la fête d’Achoura (Tamkharite), le décor est peu engageant dans cette rue de la Gueule-Tapée, en face de l’école Ali Codou Ndoye (ex-école Racine Paille). Les égouts sont bouchés par les ordures. Ce qui rend impossible l’évacuation des eaux usées. Leurs couvercles enlevés ou volés rendent l’atmosphère invivable. L’odeur est partout pestilentielle. Les rares passants qui empruntent cet axe pataugent les narines pincées.

Quant à Oumou Keita, elle continue de vider sa fosse septique dans la rue, sous le regard méprisant des passants. ‘’Bien avant la Korité, je suis obligée, chaque jour, de vider la fosse dans la rue, car le tuyau d’évacuation est gâté. On démolissait la maison d’à-côté pour la réfection et le camion de terrassement a heurté notre fosse septique. Depuis lors, l’eau ne ruisselle plus vers les canalisations’’, explique-t-elle.

Un peu plus loin, au ‘’marché mercredi’’ de Sham, la saleté et les eaux usées règnent en maitre. Ces eaux mélangées avec des ordures ruissellent sur les routes recouvertes de sable.  En cette matinée fériée, les commerçants se sont reconvertis en techniciens de surface.  Ils sont à pied d’œuvre depuis 8 h, pour rendre le marché propre et plus fréquentable, avant l’arrivée des rares clients. Munis de balais, de pelles et de brouettes, ils s’occupent du nettoyage du canal de la Gueule-Tapée. Ils essayent de déboucher les égouts remplis d’ordures et de  sable. ‘’Avec l’opération Tabaski, le marché était occupé par les éleveurs. Ils étaient venus avec des camions de sable pour installer leurs moutons. Depuis lors, le marché n’est pas bien nettoyé et avec la pluie, il est devenu infréquentable. C’est pourquoi nous avons pris l’initiative de le nettoyer nous-mêmes, puisque nous sommes les usagers’’, témoigne Abdou Diouf, délégué du marché.

‘’Le Sénégal zéro déchet semble impossible’’

Le décor est partout le même. De l’autre côté, en face du Casino, à la gare des ‘’taxis-clando’’ qui desservent la banlieue, c’est le rabatteur Babacar qui essaie, avec beaucoup de mal, d’évacuer les eaux usées en utilisant les moyens du bord. Avec une pelle, il ouvre les égouts qui longent la route pour les déboucher et ensuite se sert de son balai pour frayer un passage à l’eau sale. Bientôt 3 heures qu’il effectue ce dur travail sous une chaleur de plomb pour permettre aux clients d’avoir une voie d’accès aux taxis. Le corps perlé de sueur, il s’indigne du comportement des riverains qui profitent de la pluie pour ouvrir leurs fosses septiques qui se déversent jusque dans la gare. ‘’Ce sont les agents de la mairie qui doivent se charger du nettoiement, mais ils ne viennent pas tôt. Surtout en ce lendemain de Tamkharite. En plus, ils se limitent à ramasser les ordures.  Parfois, c’est le commandant de la gendarmerie IV de la Médina qui envoie ses éléments pour nettoyer. Je nettoie  depuis 7 h pour que les clients ne se salissent pas, en empruntant cet axe pour prendre les taxis’’, explique-t-il, l’air tout fatigué.  

Même constat à la rue 37 x Blaise Diagne de la Médina. Ça patauge partout. Ici, c’est surtout l’insalubrité qui capte les attentions. À chaque coin de rue, des sacs d’ordures sont déposés à même le sol. Selon les riverains, les véhicules de ramassage d’ordures ne sont pas passés depuis deux jours. Un jeune recycleur (‘’boudiouman’’) en profite pour faire le tour des dépôts. Il y trie des bouteilles en plastique et d’autres petits objets.

Du côté des habitations, certaines maisons sont complètement inondées. Un jeune homme s’active à déboucher les égouts pour nettoyer toute cette boue. ‘’Je n’attends l’aide de personne. Je le fais pour moi-même et pour les voisins. Il ne faut pas attendre la mairie pour la propreté du quartier. En tout cas, moi, je n’attends pas la mairie ou l’Etat pour nettoyer’’, tranche Chérif Guèye.  Avant d’ajouter : ‘’Le maire de la Médina est en train de paver les rues. Mais avant de les paver, il fallait d’abord assainir l’environnement, sinon c’est inutile.  Le président a aussi parlé d’un Sénégal zéro déchet, mais c’est impossible, car ce sont les citoyens eux-mêmes qui sont sales.’’   

ABBA BA

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