Publié le 1 Sep 2020 - 22:37
INSTALLATION D’UNE USINE DE SIDERURGIE A BARGNY

Les Turcs mettent la charrue avant les bœufs

 

Alors même que l’étude d’impact environnemental et social n’a pas encore été réalisée, Tosyali déroule comme si de rien n’était et a prévu de démarrer la construction de son usine en novembre prochain. La mairie et les populations disent niet.

 

Après Diass et Diamniadio, Bargny et Sendou sont en passe de devenir turques. Si tout se passe comme prévu, la construction de l’usine de sidérurgie dans la zone économique spéciale confiée à Tosyali va démarrer dès le mois de novembre, pour une durée de 18 mois. Mais alors que la date de démarrage avance à grands pas, populations et autorités municipales de Bargny montent au créneau pour faire part de leurs inquiétudes.

Des manquements graves ont ainsi été relevés de part et d’autre. A environ deux mois du démarrage des travaux de construction, il n’y a même pas eu d’études d’impacts environnementaux. En tout cas, jusqu’à hier, l’étude d’impact environnementale telle que prescrite par les articles L48 et suivants du Code de l’environnement n’a pas été effectuée.

Selon les autorités municipales, ce n’est qu’en fin juin qu’un cabinet d’études s’est approché de la mairie pour leur soumettre un questionnaire. Chef du Bureau planification et suivi de projet, Doudou Ismaila Ndiaye affirme : ‘’Naturellement, nous avons refusé de répondre à leurs questions, parce qu’on n’avait aucune visibilité sur le projet. Par la suite, ils sont revenus à la mi-juillet avec de plus amples informations. Ils nous ont encore soumis le questionnaire, mais nous le leur avons encore retourné. Parce que nous estimons que ce questionnaire appartient à tout Bargny. Ce qu’on peut faire, c’est organiser une réunion publique, au cours de laquelle ils vont présenter le projet, poser leurs questions aux Bargnois et les populations pourront répondre. Depuis lors, ils ne sont pas revenus.’’

Nonobstant ces objections, les Turcs passent à la vitesse supérieure et brûlent l’étape normalement obligatoire de l’étude d’impact environnemental et social. Les derniers actes posés sur le terrain (levées topographiques et visites de site) ont provoqué l’ire de certaines populations de Bargny.

Pour sa part, la mairie se démarque totalement de l’initiative et botte en touche les accusations selon lesquelles elle se serait rendue complice de ce projet. D’ailleurs, vendredi dernier, elle a convoqué tous les protagonistes, afin d’harmoniser les différentes positions.

Ainsi, environnementalistes, potentiels impactés (transformatrices et habitations), délégués de quartiers ainsi que les associations de jeunes ont sonné la mobilisation pour barrer la route à Tosyali. ‘’Cette fois, souligne le chargé de projet, nous voulons surtout qu’il y ait une dynamique unitaire. Dans l’unité, nous allons définir une position commune que nous allons défendre ensemble. Je pense que les populations semblent l’avoir bien compris. La mairie, en tout cas, ne prendra aucune décision qui va à l’encontre des intérêts des populations’’.

Par le décret n°2019-1318 du 22 août 2019, l’Etat créait la zone économique spéciale de Bargny-Sendou qui s’étend sur 100 ha. Laquelle zone va abriter cette usine jugée sidérurgique, alors même que les populations sont confrontées à plusieurs problèmes d’ordre environnemental. Selon le plan de masse que nous avons parcouru, une bonne partie cette Zes est constituée de titres fonciers (TF 2415 ; TF 1217 et 1861) et va forcément impacter non seulement les habitations des quartiers de Wahandé et Miname, mais aussi l’activité des populations qui vivent principalement de pêche et de transformation, et accessoirement d’agriculture.

D’ailleurs, s’il y a un problème qui inquiète vraiment la municipalité, ce sont surtout les risques qui pèsent sur Miname, Wahandé et le site de transformation de produits halieutiques qui emploie, selon Doudou Ismaila, 5 000 personnes dont plus de 1 000 femmes transformatrices. S’y ajoutent leurs ouvriers ainsi que les charretiers qui transportent les produits de la mer vers le site de transformation.

Pour Miname, c’est un quartier niché entre l’océan, le port minéralier, la zone économique spéciale et la centrale à charbon. Des populations assises sur une bombe environnementale et qui n’ont cessé de porter la contestation.  

Selon les documents de présentation du projet parcourus par ‘’EnQuête’’, l’unité industrielle de sidérurgie va créer 500 emplois, dont 50 administratifs et 450 pour ce qui est du personnel de production ; soit beaucoup moins que les 1 000 femmes transformatrices qui gagnent leur vie sur les lieux depuis des décennies. En ce qui concerne les activités de l’unité sidérurgique, il y a la production de 700 000 t de fer rond à béton, des billettes de fer et du fil machine à partir du déchet ferreux.  L’usine va utiliser les matières premières suivantes : la ferraille et la chaux qui proviendront du Sénégal, les billettes qui viendront de l’étranger, ainsi que les alliages qui vont venir de la Turquie.

Sur les autres questions qui préoccupent les populations, c’est particulièrement l’eau qui se raréfie déjà, selon leurs dires, dans certains quartiers, à cause de la centrale à charbon. En ce qui concerne l’usine de sidérurgie, elle sera alimentée à partir du réseau de Sen-Eau avec une capacité maximale de 5 000 m3/j. Pour l’énergie, elle va s’alimenter à partir du poste électrique de 225 kV de la Senelec, localisé à 500 m.

Comme le disait ‘’EnQuête’’ dans son édition du lundi 31 août, ce projet d’usine risque d’entrainer le déplacement d’au moins 20 familles, des centaines de femmes s’activant dans la transformation de produits halieutiques et de l’agriculture, en plus de couper du monde le quartier Miname. Mais bien plus que ces impacts, les populations dénoncent les effets néfastes sur le plan environnemental, dans cette zone où on note déjà plusieurs sortes d’agression de l’environnement. Encore que ce projet n’est que la première phase de tout un plan d’installation d’usines dans cette nouvelle zone économique spéciale.

Nos tentatives d’entrer en contact avec les autorités déconcentrées et techniques sont restées vaines.

MOR AMAR

 

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