Publié le 19 Mar 2020 - 23:34
INTERDICTION DES ‘’LOUMAS’’

Paralysie économique dans le Djoloff

 

Dans le Djoloff, la vie économique tourne autour du marché hebdomadaire. Son interdiction est un séisme dans la localité où tous les secteurs sont impactés, y compris la municipalité qui se retrouve sans ressources.

 

La Covid-19 a installé, non seulement la psychose dans le Djoloff, mais aussi causé une crise aiguë. L’interdiction des rassemblements a un effet direct sur l’économie de la région qui doit faire avec l’arrêt forcé des marchés hebdomadaires. ‘’Les signaux sont au rouge à la mairie de Dahra, car les recettes sont à la baisse’’, déclare le responsable des halls et marchés Mamadou Gassama. Il renseigne que les collecteurs municipaux avaient l’habitude de glaner au moins 8 millions le mois dont 4 proviennent de la taxe récupérée sur la vente des animaux. Actuellement, les 12 collecteurs sont presque au chômage technique, à cause de la non tenue du marché hebdomadaire.

L’occupation du domaine public et la vente des animaux ne sont plus recouvrées. Soit une baisse de 3,5 millions de F CFA de recettes. Ce gap à combler va se répercuter sur les salaires des agents de la mairie, surtout les contractuels qui risquent de percevoir leurs salaires tardivement.

Les commerçants du marché central, qui faisaient des commandes le lendemain du marché, sont dans l’impossibilité d’honorer leurs engagements, car le stock est toujours en l’état. Depuis lundi, aucun gros-porteur n’a été enregistré dans la commune, occasionnant ainsi un ralentissement économique notable.

Au marché central de Dahra, les tailleurs se tournent les pouces, car ils n’ont plus de commandes. De nombreux clients viennent des villages, le jour du marché hebdomadaire. Après avoir écoulé leurs produits, ils achetaient des tissus et passaient des commandes qu’ils reprenaient quelques jours plus tard. Mais, de nos jours, confie le tailleur Isma Dioum, ‘’ils ne peuvent plus assurer les dépenses quotidiennes. Les femmes ne viennent plus. En temps normal, elles préparaient les cérémonies religieuses, mais vous avez vu, elles ont été annulées à cause du coronavirus’’, soutient-il.

‘’Si cette situation persiste, ce sera une crise’’

L’opérateur économique Moustapha Fall de tirer la sonnette d’alarme : ‘’Si cette situation persiste, ce sera une crise dans presque tous les secteurs.’’ ‘’Souhaitons que le sérum soit trouvé pour amoindrir les dégâts, car personne n’est à l’abri. Le foirail joue un rôle prépondérant, car les éleveurs ne peuvent pas acheter des denrées alimentaires ou de l’aliment de bétail, tant qu’ils n’ont pas vendu leurs bêtes’’, dit-il.

Les rabatteurs, qui jouaient le rôle d’intermédiaire entre les propriétaires des moutons et les clients, sont les grands perdants, à cause de la non tenue du foirail qui drainait, chaque dimanche, des
milliers de personnes venues de l’intérieur du pays et de la sous-région.
Les conséquences de la non-venue de ces milliers de personnes pour le négoce n’épargnent pas les ‘’jakartamen’’.

Dame Ndiaye, conducteur de Jakarta, souligne qu’ils peinent à assurer le versement quotidien, car, avec leur présence, ils gagnaient 5 000 F ou plus. Mais maintenant, c’est dur. ‘’Nous ne faisons que de petites courses, notamment aller récupérer le déjeuner de certains commerçants chez eux’’.

Au Djoloff, la non-tenue du ‘’louma’’ dominical se répercute dans les ménages. En effet, plusieurs habitants comptent sur le marché hebdomadaire pour assurer les trois repas : les ouvriers, les charretiers, les portefaix, les bouchers ; surtout les femmes qui vivent dans les villages environnants, qui ramassent du ‘’soump’’ (fruits sauvages), récoltent du ‘’nana’’ (menthe) et du ‘’bissap’’ (oseille rouge) et d’autres produits céréaliers afin de les revendre le jour du marché. Et avec l’argent récolté, elles s’approvisionnent en légumes et autres denrées alimentaires pour assurer la consommation hebdomadaire.

Dans le département de Linguère, les populations boivent le calice jusqu’à la lie. Coronavirus oblige. D’ailleurs, les poulets de chair qui se vendaient à 2 500 F pièce sont bazardés à 1 500 F, car ceux qui les élèvent peinent à acheter de l’aliment pour les nourrir. En un mot comme en mille, le coronavirus risque de causer des situations difficiles chez les Djoloff-Djoloff qui n’ont que leurs yeux pour constater la situation.

Comme on a l’habitude de dire ici, ‘’même les naissances ne sont pas célébrées le dimanche à Dahra, à cause du marché hebdomadaire’’.

LINGUERE

Éviter coronavirus à tout prix

Sensibilisation, distribution de produits détergents, les populations du Djoloff font tout pour éviter le coronavirus. Reportage.

Depuis à peine 15 jours, le coronavirus est au centre des débats dans les ateliers, gares routières et autres lieux de travail du département de Linguère. Un tour dans les différentes artères de la ville permet de rencontrer des citoyens lambda qui, malgré leurs faibles revenus, se décarcassent à longueur de journée pour se prémunir contre le coronavirus.

En effet, les salutations se font par des gestes et des signes de la main. Également, la majeure partie des populations se barricade.

Il est 15 h à Dahra. Malgré la chaleur qui sévit, tout le monde vaque librement à ses occupations. A la gare routière, la pandémie est prise au sérieux par les populations qui s’y activent dans le secteur informel. Pour éviter la propagation du virus, dès l’entrée, le visiteur est attiré par des affiches scotchées sur les murs et sur lesquelles on peut lire des conseils donnés à travers des illustrations pour éviter le coronavirus. Les chauffeurs, selon Talla Diop, Secrétaire général du regroupement, ‘’pour participer à la sensibilisation, ont installé des fûts et des bassines contenant de l’eau et des produits détergents pour permettre aux clients qui reviennent de voyage de se laver les mains, avant de quitter les lieux’’. Notre interlocuteur d’ajouter : ‘’Parfois, des clients refusent catégoriquement de respecter la consigne donnée.’’ C’est pourquoi, dit-il, ils interpellent les autorités pour qu’on leur affecte des agents assermentés pour qu’ils puissent sévir en cas de témérité de certains.

Mais le constat est qu’au Djoloff, le secteur du transport est au ralenti et les recettes enregistrées par la gare routière sont en baisse. A en croire les responsables de ladite gare routière, ‘’à cause de la pandémie, les populations ne voyagent presque plus’’. Pour preuve, indique-t-il, ‘’auparavant, le tableau de Dakar enregistrait le départ de 9 véhicules par jour. Mais aujourd’hui, 3 ont quitté. Pour le tableau de Touba, 20 véhicules quittaient quotidiennement Dahra. Mais aujourd’hui, 8 véhicules ont été enregistrés par les ‘coxeurs’. Il ajoute : ‘’Les recettes journalières de la gare étaient estimées à 100 mille. Mais, actuellement, elles sont estimées à 35 000 F par jour, soit une baisse de 65 000 F.’’ La peur du coronavirus est passée par là.

Malgré le dispositif mis en place par les autorités sanitaires, certains ouvriers peinent à respecter les mesures d’hygiène. C’est le cas des mécaniciens. Trouvé dans son atelier entouré de ses apprentis, Modou Kane semble gêné par notre présence. Il déclare : ‘’La maladie est très dangereuse. C’est pourquoi je sensibilise mes apprentis à respecter les règles d’hygiène, même si se laver, périodiquement les mains, est difficile pour un mécanicien qui travaille.’’

Doté d’un grand sens de l’humour, il poursuit : ‘’Même les mets ne sont plus préparés comme il faut, car les dépenses sont revues à la baisse, à cause de la rareté des clients.’’ Le mécanicien fait remarquer que ‘’l’arrivée des chauffeurs étrangers leur permettait, non seulement de dépanner des véhicules, mais aussi de vendre leurs pièces à bon prix’’.

Il en est de même pour El Hadj Diop qui gère une petite unité de fabrication de glace industrielle, qui a posé des seaux d’eau javellisée à l’entrée, pour permettre aux clients de se conformer aux nouvelles dispositions recommandées.

Emigrés stigmatisés

En temps de coronavirus, c’est le monde à l’envers. A Dahra, ce sont les émigrés qui viennent d’Europe qui font l’objet de méfiance. Ils sont même stigmatisés par les populations qui n’hésitent pas à les dénoncer aux autorités, lorsqu’ils rentrent incognito de l’étranger.

C’est le cas de Mouride Fédior qui est rentré d’Espagne, avant la propagation de la maladie. Trouvé dans une gargote, l’émigré, très taquin, refuse de serrer la main aux autres clients. Il raconte comment le médecin-chef du district sanitaire de Dahra l’a contacté pour lui signifier, au téléphone, qu’il devait se présenter à la structure sanitaire pour y passer des tests. Le ‘’Modou-Modou’’ dit lui avoir répondu : ‘’Si je présentais des signes, j’allais contaminer des milliers de personnes, car j’ai salué une marée humaine très importante.’’

De Dahra à Linguère, en passant par Barkédji, même si des fûts d’eau sont installés partout, les populations peinent à respecter le lavage des mains, car, soulignent les mécaniciens, ‘’ils ne sont pas dotés de
produits détergents et les députés sont inscrits aux abonnés absents’’. Dans le département de Linguère, plusieurs personnes portent des masques, même si d’autres, très optimistes, soutiennent ‘’qu’à cause de la chaleur, le Djoloff n’enregistrera aucun cas’’.
Malgré l’interdiction des manifestations publiques, les terrains de football ne désemplissent pas. L’équipe de football qui évolue en National 2 tient toujours ses entraînements.

MAMADOU NDIAYE (LINGUERE)

 

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