Publié le 10 Aug 2012 - 10:08
JO 2012

Usain Bolt contre David Rudisha, la course rêvée

À l'issue de chaque grande finale olympique ou mondiale, une fois leur émotion retombée après avoir visionné la course en direct, des internautes du monde entier, amoureux des chiffres, demandent sur les forums d'athlétisme les temps de passage. Les "splits", dans le jargon, qui leur permettraient de revivre la course sur un autre mode, pour situer, comparer, critiquer. Dans la mesure où l'on ne voit pas la même course selon l'endroit d'où est placé, il faut des données objectives. Où Usain Bolt a-t-il gagné des centièmes et où Yohan Blake a-t-il perdu des centimètres ? Ou comprendre ce qui a manqué au sprinteur le plus titré en individuel pour battre son propre record du monde, 19 s 19 établi à Berlin en 2009.

Contrairement aux courses de demi-fond et à toutes celles de la natation, ces temps de passage ne s'affichent pas instantanément à l'écran. Ils sont parfois publiés par l'organisation de la compétition avec plusieurs heures, voire plusieurs jours de décalage lorsqu'une équipe de biomécaniciens est mandatée. Sans quoi, il faut s'armer comme eux d'une caméra à grande vitesse et grimper dans les tribunes pour enregistrer le film de la course à 210 images par secondes avant d'en extraire les précieuses données.

A l'analyse des 19 s 32 de Usain Bolt, jeudi à Londres, le quatrième chrono de l'histoire, on observe que le champion olympique en titre était en retard de 0 s 047 sur son record du monde dès le temps de reaction. Malgré l'impression visuelle laissée par son virage, il passe à la mi-course en 10 s pile, soit 0 s 08 plus lentement qu'il y a trois ans. Il possède 2 m 01 d'avance sur Yohan Blake à cet endroit de la course. A la sortie du virage, la "foudre" frappe un grand coup. Les 50 m suivants sont courus en 4 s 49, plus vite qu'il ne l'a jamais fait (4 s 52 à Berlin et à Pékin pour son premier titre). Aux trois quarts de la course, Bolt n'a pourtant pas réussi à creuser l'écart avec son rival qui se tient 2 m 08 derrière.

Les derniers 50 m sont une épreuve de résistance sur laquelle les deux partenaires d'entrainement font jeu égal. Si, sur 100 m, le record de Bolt est 0 s 17 plus rapide que celui de Blake, tous deux ont les mêmes références pour leurs tests sur 300 m. Le favori conserve logiquement son avantage sur le dernier quart de la course, avant de couper son effort dans les dix derniers mètres, permettant à son dauphin de revenir à 1 m 20 sur la ligne d'arrivée. Warren  Weir, lui aussi entrainé par Glen Mills, complète le podium. C'est la première fois que la Jamaïque décroche or, argent et bronze aux Jeux sur cette course. Une domination qui n'a pourtant rien d'inédit puisque les Americains l'ont réalisé six fois au siècle dernier.

Christophe Lemaitre, bien qu'ayant le meilleur temps de réaction au coup de feu (0 s 153), n'a pas réussi à négocier le virage du couloir deux, pointant aux 100 m en 10 s 60, 6 m 28 derrière la "foudre". A l'arrivée, l'écart de 9 m 31 place le Francais sixième en 20 s 19 du 200 m le plus rapide de l'histoire des Jeux olympiques.

En fait, l'exploit chronométrique n'est pas venu de là où on l'attendait. David Rudisha, longiligne athlète d'1 m 89 pour 74 kg dont la foulée peut atteindre 2 m 70 (quasiment comme celle de Bolt), a battu en solitaire, sans lièvre, le record du monde du 800 m en 1 min 40 s 91. Malin, le Kényan a profité de la conférence de presse pour défier son homologue jamaïquain sur la distance intermédiaire du 400 m. Le record personnel du sprinteur d'1 m 96 pour 95 kg, 45 s 28 en 2007 (il pesait alors une dizaine de kilos de moins et n'a jamais fait mieux depuis), est légèrement meilleur que celui du coureur de demi-fond, 45 s 50 en 2010. Il est peu probable que l'un d'eux parvienne à battre le record du monde Michael Johnson (43 s 18), mais si le duel se concrétise, promis, nous vous donnerons les temps de passage du vainqueur.

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