Publié le 2 Jan 2018 - 17:14
KHALIFA SALL ET 64 INDIVIDUS EXCLUS DU PS

Le jour des longs couteaux à Colobane

 

C’était dans l’air du temps. La session du Bureau politique de samedi dernier a approuvé, sans réserve, les propositions du Secrétariat exécutif national ainsi que  l’Ag des secrétaires généraux des coordinations d’exclure 65 camarades. Histoire de petits meurtres entre amis socialistes.

 

C’était comme à l’assassinat groupé de John Snow dans la série à succès ‘‘Trône de Fer’’, où chaque conjuré de la garde de nuit a porté un coup fatal au ‘‘maudit’’ afin que la responsabilité de sa mort soit partagée. Sauf que pour le cas du Parti socialiste, Khalifa Ababacar Sall n’était pas le seul à être ‘‘effacé’’ des tablettes. Bamba Fall, Idrissa Diallo, Aminata Diallo, Palla Samb, Aïssata Tall Sall, Barthélémy Dias, Moussa Taye, Babacar Aba Mbaye et Babacar Diop, parmi les plus notables, figurent sur une énumération de trente individus excommuniés du Parti socialiste.

 Samedi dernier, à la maison du Parti Léopold Sédar Senghor de Colobane, le Bureau politique du Ps, réuni pour sa neuvième session thématique, élargi aux secrétaires généraux des coordinations, a tapé très fort. Sous la présidence d’Ousmane Tanor Dieng. Au total, c’est une première liste de 65 personnes, dont trente ont été citées nommément à titre indicatif, qui sont appelées à quitter les ‘‘verts’’. Dans la forme, le ‘‘tribunal’’ a beaucoup fait languir l’assistance avant le prononcé du verdict. Sur le présidium, il y a eu d’abord Ousmane Faye de la cellule de communication, qui a lu la résolution générale sanctionnant les travaux du Bp, puis le porte-parole du Ps, Abdoulaye Willane, qui a annoncé l’effectivité de l’exclusion, avant que son porte-parole adjoint, Me Moussa Bocar Thiam, ne cite les désormais ‘‘ex-camarades’’ du Parti socialiste.

Ainsi, Thiédel Diallo, Saliou Sarr, Sambou Oumani Touré, Diockel Gadiaga, Bassirou Samb, Seydina Issa Laye Samb, Kany Bèye, Ibrahima Souaré, Nafi Ndiogou, Ibou Diédhiou, Marianne Alice Gomis, Habibatou Mbaye, Mankan Tamba, Al Ousseynou Sy, Seyni Sané, Malick Ndiaye, Aïssata Fall, Youssou Mbow, Idrissa Diagne, Samba Nder Guèye complètent l’énumération. Quelques heures plus tôt, ‘‘par acclamation et sans réserve’’, les membres du Bp avaient déjà acté cette exclusion.

L’avocat a énuméré un ‘‘casier’’ long comme un bras qui fonde la décision prise à l’encontre de ces individus. Un condensé de récentes divergences ayant exposé la profonde crise interne chez les ‘‘verts’’. Ainsi, résume Me Thiam, ‘’les violences et voies de fait du 5 mars 2016, à l’occasion de la session du Bp, la décision prise par certains camarades de conduire des activités parallèles aux moyens d’organisations à caractère politique poursuivant les mêmes objectifs que le Ps, la persistance de cette tendance qui a vu le jour bien avant les assises de juin 2014, la vaste campagne de propagande menée en faveur du ‘’Non’’ au référendum et les actes posés quotidiennement en termes de communication portant gravement atteinte à l’image du Ps, la constitution d’alliances avec des adversaires notoires du Ps pour les élections du Hcct et des législatives.

Parti socialiste... des valeurs

‘‘C’est fini, c’est terminé ! Le Ps, c’est ici ! Ils n’ont qu’à bomber le torse, s’autoproclamer, mais comme ils ont scié la branche sur laquelle ils étaient assis et celle-ci s’en débarrasse elle-même pour éviter de tuer l’arbre et la roche-mère, nous leur souhaitons bon vent. Pour le reste, force restera toujours à la loi’’, a précisé Abdoulaye Willane. Comme avec le parti Aj/Pads, cette séparation risque de déborder sur le terrain de la justice. Les ‘‘bannis’’ ont tout naturellement rejeté toute idée d’exclusion de ce parti. Le maire de la Médina, Bamba Fall, aussitôt après la réunion de Colobane, a tenu un mini-meeting dans son fief pour fustiger cette décision. ‘‘C’est une décision nulle et non avenue.

En tant que secrétaire élu, je vais continuer à parler au nom du parti jusqu’à voir une personne qui ose me l’interdire’’, a-t-il déclaré. En prélude à leur exclusion pressentie, la dissidence socialiste a déposé une plainte pour faux et usage de faux devant le juge des référés, pour ‘‘violation des statuts et règlement intérieur’’ de leur formation’’, annonce Barthélémy Dias sur les ondes de Rfi. ‘‘Cet acte relève d'une comédie. L'objectif visé par Ousmane Tanor Dieng, c'est de refuser de répondre à la justice sénégalaise. (...) M. Ousmane Tanor Dieng a choisi de s'inscrire dans le ridicule, de nous exclure et de faire comprendre aux juges que nous ne sommes plus membres du Parti socialiste et que donc cette plainte n'est pas recevable’’. Un jeu de ping-pong juridique qui pointe à l’horizon, puisque le parti institutionnel a prévenu, à son tour, que ses organes légaux intenteront des actions légales contre les expulsés qui utiliseraient le nom du Ps. ‘‘Le Bp se réserve, dès à présent, le droit d’ester en justice contre tout usage sans autorisation des couleurs et symboles du Ps ou contre toute autre action en son nom’’, clame Me Moussa Bocar Thiam.

Qu’à cela ne tienne ! Hier, par le biais d’un communiqué, les exclus se sont offusqués, encore une fois, de la sentence du Bp du samedi 30 décembre 2017. Une missive qui avait comme en-tête ''Parti socialiste'' sans le logo des ‘‘verts’’ et dont l’intitulé mentionnait ‘‘Parti socialiste des valeurs’’. Maquillage textuel ? En tout cas, ils ont marqué toute leur désapprobation. ‘‘Cette décision, qui confirme les dérives totalitaires dénoncées à maintes reprises et qui correspond en vérité à une purge digne de l’époque sombre du stalinisme, est la dernière dans la longue série des actes de félonie d’une bande d’opportunistes décidés à enfermer le Parti socialiste dans une voie qui ne correspond ni à son histoire ni à son avenir’’, lit-on dans le communiqué.

Tanor, souffleur de ‘‘verts’’

Khalifa et compagnie se sont-ils fait électrocuter par le propre courant qu’ils ont installé à l’intérieur du parti ? Manifestement, l’actuel secrétaire général du parti a aussi vaincu la troisième vague de dissidence, depuis bientôt 22 ans (mars prochain) qu’il  tient la barre du navire socialiste. Otd est rompu à la tâche. Djibo Ka, Modou Amar et Mbaye Diouf ont créé le premier courant, avant que l’exclusion du premier ne débouche sur la création de l’Union pour le renouveau démocratique (Urd) en 1996. Onze ans plus tard, ce qui restait de la vieille garde socialiste, alors dans l’opposition, gênée par la montée en puissance de jeunes promus par Tanor (Aïssata Tall Sall, Barthélémy Dias) anime également un courant à l’intérieur du parti et oblige Otd à sortir encore une fois la cravache.

Les anciens maires de Dakar et de Ziguinchor, Mamadou Diop et Robert Sagna, ainsi que Souty Touré et Abdoulaye Makhtar Diop seront poussés vers la sortie. ‘‘En 2007 et en 2012, il (Ndlr : Tanor) ne se présentait pas pour être élu président le République, il ne manque pas de lucidité à ce point, mais pour se construire l’image de chef du Ps. C’était plus la direction du parti que la magistrature suprême qui l’intéressait’’, commentait un analyste politique dans nos colonnes, en novembre 2016. En tout état de cause, la dissidence menée par Khalifa Sall (et Aïssata Tall Sall dans une moindre mesure) semble être mise sous éteignoir.

Parallèlement à ces victoires internes contre les dissidences, le score du parti a dégringolé à chaque échéance électorale. Les ‘‘verts’’ ont pris la responsabilité de se débarrasser de certains de leurs grands électeurs, notamment dans quelques-uns de leur bastion dakarois. Même si le porte-parole Abdoulaye Willane estime que ‘‘le Ps n’est à la remorque de personne’’, la purge de samedi implique une consolidation du compagnonnage des ‘‘verts’’ avec la coalition Benno Bokk Yaakaar pour faire bonne figure. In fine, le parti garde toujours l’ambition de conquête et d’exercice du pouvoir, mais qui est diluée d’une dose de réalisme froid. ‘‘Les gens nous critiquent, mais partout dans le monde, l’ère de perspectives individuelles et révolue. C’est l’ère des coalitions (...). Notre ambition, notre objectif, notre devoir, notre responsabilité, c’est de conduire ou de voir le Ps conduit par des hommes et des femmes dans le cadre d’une solidarité intergénérationnelle pour, un jour, reprendre le pouvoir ou, à tout le moins, être avec celui et ceux qui incarnent le pouvoir dans le cadre d’une coalition’’, relativise Abdoulaye Willane.

2017, annus horribilis pour Khalifa

Khalifa Sall ne va pas oublier de sitôt la célébration de ses 61 ans, en ce janvier débutant. Pour l’actuel maire de Dakar, président de l’Association des maires francophones et désormais ex-secrétaire national chargé de la vie politique du Ps, l’horizon s’assombrit de jour en jour, depuis qu’il est soupçonné de nourrir des ambitions individuelles. Et 2017 aura été un interminable parcours du combattant pour lui.

 Au premier trimestre, début mars, il a été incarcéré dans l’affaire de la caisse d’avance de la Ville de Dakar. Au troisième trimestre, il perdait, coiffé au poteau par la coalition Bby, son bastion électoral dakarois, lors des législatives de juillet. Au quatrième trimestre, le mois de décembre aura été affligeant, puisqu’il est détricoté de son immunité parlementaire (le 14) et est exclu de sa matrice politique le 30 décembre. Un parti où il milite depuis 35 ans et où le seul échelon restant était le poste de secrétaire général qui aurait renforcé sa stature de présidentiable. Sans oublier les drames personnels (décès de proches) qui ont jalonné ce parcours.

2018 ne s’annonce guère mieux, avec un procès qui reprend dès demain. Comme quoi, un malheur n’arrive jamais seul. 

OUSMANE LAYE DIOP

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