Publié le 17 Nov 2015 - 03:42
LA CHRONIQUE D’ABDOU SALAM KANE

Hollande ou Guy Mollet ?

 

Nous sommes peinés pour la France, évidemment, et pour les Français bien sûr. Pas seulement parce que nous sommes des croyants mais parce que nous sommes des hommes tout simplement. Ce qui s’est passé ce vendredi et un vendredi 13, à Paris, était tout simplement effrayant, horrible, atroce au possible ! Près d’un demi-millier de morts ou blessés au cours d’une seule soirée, c’est affreux, c’est terrible, c’est Bagdad quoi ou Beyrouth ! Car c’aurait été là, ça n’aurait surpris personne. Mais Paris, Paris même, Paris-la-France, c’est renversant.

Mais, à la réflexion, pas si surprenant que cela. Le Président François Hollande dit, l’air grave et la voix empreinte d’émotion non feinte : ‘’Nous sommes en guerre !’’ Et son Premier ministre lui fait écho et surenchérit en y ajoutant sa patte à lui, à savoir, un grand mouvement du menton, à la façon de Jule Moch peut-être. Ce ministre de l’Intérieur socialiste de l’après-guerre et des toutes premières années de guerre froide qui aimait tant les mineurs qu’il ne leur parlait qu’à coups de matraques et à travers les organes des gendarmes-mobiles.

‘’Nous sommes en guerre !’’ Après avoir dit ça et payé le tribut qui sied à la mémoire des victimes et la douleur de leurs parents et de leurs proches, on pourrait, peut-être, s’interroger sur les causes et l’origine de cette guerre. Tout ce que l’on a vu est horrible, détestable, atroce, barbare etc., les mots ne peuvent manquer. Mais ce ne seront jamais que des mots. Rien que des mots ! Or, il est facile et il n’est que trop facile de s’en payer, je veux dire de se payer de ça, de se payer de mots. Tout le monde l’a fait et le monde entier va le faire dans un grand concours de compassion compassée parce que convenue. Cela n’en restera pas moins de la fausse monnaie.

Car enfin, après avoir dit tout ça et pleuré toutes les larmes de son corps, l’on se doit, du moins si l’on est un tant soit peu responsable, de s’interroger sur la vraie cause d’un tel bain de sang, d’un tel carnage. Mais cela, apparemment, n’intéresse pas grand monde et n’interpelle personne. Qu’est-ce qui peut pousser des gens, n’importe lesquels, à se harnacher d’une ceinture d’explosifs puissants pour ensuite se faire sauter avec ? Leurs propres corps sont devenus les avions de ces nouveaux kamikazes ! Que dire alors si c’est au milieu de leurs propres concitoyens qu’ils se font ainsi exploser, emportant ainsi nombre d’entre ces derniers dans leur dernier voyage.

A l’évidence, il y a là quelque chose qui ne va pas comme il y a quelque chose qu’on ne voit pas parce qu’on ne cherche pas ou qu’on ne veut pas le voir. L’histoire n’est qu’une succession, plus ou moins lente il est vrai, de causes et d’effets. Ceux qui vont dans son sens, voire l’accélèrent, sont appelés des hommes d’Etat. Les autres ne sont que des politiciens ou, dans le meilleur des cas, des hommes politiques. Or, ces derniers n’ont pour horizon et pour unique ambition que leur élection ou, ce qui est souvent le pire, leur réélection. C’est notre monde moderne et très démocratique qui veut cela : le pouvoir d’Etat doit être remis en question à échéances fixes et régulières sous peine de forfaiture ou de procès en haute trahison!

‘’Paris vaut bien une messe !’’ disait Henri IV qui fut, pourtant, un très grand roi de France. Mais c’était parce qu’il savait qu’il aurait le temps de bien faire et il l’a eu, en effet, et il a bien fait le ‘’job’’. N’empêche pourtant car, dès lors, tous les reniements, toutes les abjurations, toutes les volte-face s’en sont trouvés comme sanctifiés. Le machiavélisme, la ruse, la tromperie en politique ne sont pas nés sous Henri IV, bien entendu, mais en seront confortés et pour très longtemps encore hélas !

C’est pourquoi, tout ce que l’on peut entendre en France aujourd’hui, après cette très horrible tragédie, ce n’est pas : ‘’qu’avons-nous donc fait pour mériter un sort si funeste ? Mais : ‘’on va les traquer, on va les saigner, on va les sacquer etc. ‘’Fort bien, mais c’est qui d’abord ? ‘’Daesh’’ dit que c’est lui le commanditaire de l’attentat mais la gauche, qui est au pouvoir à Paris, dit que c’est Damas, que c’est Assad qui est le principal problème en Syrie. Pourquoi ? Parce que derrière Damas se profile l’ombre de Téhéran, l’ennemi principal désormais du régime israélien.

Vraiment des fois, on croirait entendre s’exprimer de Paris comme une voix d’outre-tombe, celle de Guy Mollet. Inamovible secrétaire général de la SFIO, il n’avait jamais été ministre jusqu’en 1956, année où il devint Président du Conseil. Elu du Front républicain sur un programme prévoyant des négociations pour mettre fin à la guerre d’Algérie, il y fit envoyer le contingent, généraliser la torture et donner tous les pouvoirs à l’armée après avoir reçu à Alger une pluie de tomates pourries lancées par des milliers d’ultras. Dans une inarrêtable fuite en avant, il fit aussi la désastreuse expédition de Suez, contre Nasser, pour contrer la nationalisation du canal, chasser le Raïs et couper ainsi les Algériens de leur principal soutien.

Pour obtenir le concours d’Israël, de l’argent, du matériel et même les secrets de fabrication de l’arme atomique furent donnés à Shimon Peres et ses collaborateurs du ministère de la Défense !

Tout cela était dangereux mais tout cela aussi était bien nul et on sait comment cela a fini : Guy Mollet emporté au plus profond des poubelles de l’Histoire, emportant toute la SFIO avec lui. De Gaulle au pouvoir, l’Algérie indépendante et Israël en danger par sa faiblesse supposée et son isolement alors et un danger presque mortel pour tous les autres aujourd’hui !

Pour François Hollande, rien n’est joué encore. Il ne veut pas croire à une malédiction qu’il pourrait y avoir dans la nature du poste d’ancien secrétaire général ou 1er Secrétaire du parti socialiste français. Mitterrand François l’a bien été non et il fut un très grand président de la République et le meilleur jusqu’ici, De Gaulle excepté, bien sûr. Il reste encore un peu de temps à Hollande. Dieu fasse qu’il puisse l’utiliser à bon escient pour la France et pour lui-même.

 

 

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