Publié le 3 Nov 2015 - 01:47
LA CHRONIQUE D’ABDOU SALAM KANE

La démocratie et / ou chienlit ?

 

Un nouveau 23 juin, tout simplement ! Voilà ce que nous promettent Diop Decroix et compagnie. Et même que ce serait pour très bientôt. Une répétition de l’Histoire en somme, sauf que ce serait à leur profit cette fois-ci ! En dehors du fait que, comme on dit, lorsque l’histoire se répète, bégaie et passe ainsi du tragique au comique pur, qu’était-ce donc que le 23 juin dans ce pays et la mémoire de ses citoyens que nous sommes ? Rien de moins que le jour où le peuple sénégalais et sa jeunesse, singulièrement, a pris la Bastille et mis ses murs à bas ! Tout comme, toutes choses égales d’ailleurs, les Français l’avaient fait un certain 14 juillet 1789.

Tout comme les Français, encore, cette date, si mémorable et immortelle qu’elle fut, n’a pas signifié la chute immédiate et complète du régime en place. Les privilèges n’ont pas été abolis ce jour-là ni la monarchie d’ailleurs. Mais dès cet instant, leurs jours allaient être comptés et ils le furent, en effet. Louis XVI gardera sa tête sur les épaules quelque temps encore comme Abdoulaye Wade son fauteuil une petite dizaine de mois avant que d’être, pour l’un, décapité et pour l’autre très sèchement débarqué par 65% et plus des suffrages de nos compatriotes, à dues date et heure des élections présidentielles qu’il avait convoquées !

C’est tout cela que recouvre chez nous la date du 12 juin. Mais encore ? Car, au-delà de ça, il y a encore le contexte. L’Assemblée nationale avait été appelée pour discuter (ou plutôt adopter tant la majorité pro-gouvernementale était, non seulement mécanique, mais encore, écrasante). Un projet de loi constitutionnelle visant à introduire la notion  de ‘’ticket’’ présidentiel comprenant un titulaire et son suppléant chargé, éventuellement, de terminer son mandat en cas de vacance voulue ou fortuite. Un peu comme cela se passe aux Etats-Unis d’Amérique, ce qui pouvait apparaître comme une assurance, une garantie, un label démocratique tout à fait incontestable et évident. Mais ce n’était pas le cas, bien loin  de là !

Les gens, qui sont bien moins sots que Wade, l’avaient cru, y ont immédiatement vu comme un tour de passe-passe, une supercherie, un attrape-nigaud !  Il s’agissait pour eux en fait de faire de Karim Wade, le fils du Président, et de la manière la plus légale qui soit, leur Président sans qu’ils aient eu, jamais, leur mot à en dire ! ‘’By proxy’’, par la bande et nominations successives de vice-présidents suivies des démissions des présidents qui les ont nommés. C’est astucieux peut-être, mais c’était trop immoral surtout !

Les Sénégalais ne sont pas des idiots et je l’ai déjà dit. Peut-être peuvent-ils paraître un peu intéressés et nonchalants parfois, mais dès que l’on touche à une certaine fibre, relative à leur fierté ou à leur liberté, vous les retrouverez, inéluctablement, sur votre chemin et armés en guerre contre vous. C’est ce qui s’est passé le 23 juin 2011 Place Soweto. Abdoulaye Wade, malgré toute sa ruse diabolique, tous ses milliards, innombrables, toute sa générosité, sans bornes et son courage personnel, indubitable, a dû caner, capituler en rase campagne et retirer son projet ! C’est qu’en dépit de tout ce qu’on peut dire sur lui, il est un homme intelligent. Extrêmement intelligent ! Car, quelqu’un de plus borné, de plus obtus, de moins ‘’éclairé’’ pour parler comme la sorte de despote qu’il fut, aurait fait ‘’lever la hache et marcher les licteurs, fait donner la troupe, autrement dit !

Or, faire de l’Armée, en tant que telle, l’arbitre ultime dans les dimensions, dissentiments politiques, c’est purement et simplement l’inviter à prendre la place des civils, c’est-à-dire le pouvoir. Sinon immédiatement, à plus ou moins brève échéance cependant.

Car, tant qu’à faire des morts au sein de la population civile, c’est elle qui est la plus légitime et la mieux outillée : C’est son métier ! Celui des partis politiques, par contre, est d’éduquer les gens, de les encadrer et de les guider vers des lendemains meilleurs et non de les conduire, au nom d’intérêts inavouables et déjà condamnés aussi bien par l’Histoire, la Grande, que par la simple morale vers des impasses mortifères. Mourir pour qu’Aïda Mbodji ou Modou Diagne Fada soit, simplement, le président d’un groupe de 15 députés dans une Assemblée qui en compte 10 fois plus, cela est-il bien raisonnable franchement ? Dites-moi ! En quoi un tel sujet vaudrait-il la peine que des Sénégalais, normaux, aillent, toutes affaires cessantes, en découdre avec des forces de l’ordre qui, elles, sont payées pour s’opposer, de toutes les manières possibles, à leurs entreprises ? Je ne vois pas très bien et pourtant, j’ai de bonnes lunettes et j’ai beau regarder.

Mais, une chose que je sais et que je vois donc très bien est que, si dérisoire que puisse être le prétexte pris pour troubler l’ordre public, délibérément, force devra rester et restera, sans le moindre doute, à la loi. Pour la bonne et simple raison que la démocratie ne peut, en aucun cas, être rendue compatible avec la chienlit, quand bien même toutes les deux rimeraient ! 

 

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