Publié le 26 Jul 2012 - 15:13
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

 

Des libéralités à l’austérité

 

L’austérité gouvernera le Sénégal après le constat sommaire que les nouvelles autorités ont fait de la situation du pays et au moment où les audits semblent épuiser les ressources des investigateurs sur le patrimoine des barons de l’ancien régime. Le diagnostic et le remède sont cycliques depuis l’indépendance, sous Senghor, sous Diouf puis après Wade. L’exception, à l’orée de l’an 2000 est frappante en ceci que le régime de Diouf qui avait stabilisé les finances publiques avait été balayé par l’irrépressible besoin d’une alternance politique. Douze années d’excessives débauches de libéralités passèrent dont l’alternative se chercha dans la dispersion des propositions de sortie de la crise de gouvernance.

 

L’idée principale qui réunit le consensus de l’opposition de gauche fut celle d’un régime de transition pour remettre le pays sur la voie du développement. Loin d’être un concept creux opportunément mis au service des ambitions des chefs de clans de Benno Bokk Yaakaar, la transition ne s’impose-t-elle pas comme une nécessité historique pour notre pays où, au tournant de son triomphe électoral, le Parti démocratique sénégalais (PDS) restait lié à des alliances de gauche autant qu’il était confronté à une opposition tout aussi à gauche. Il était donc astreint dans la pratique à démentir l’incapacité présumé, au plan théorique, à développer notre société pré-capitaliste.

 

La mystique des grands travaux et de la gestion performante, menés parfois à marche forcée avec des cadres propulsés aux manettes des agences, sociétés nationales ou services publics, qui passaient pour des démiurges de la construction nationale, faute d’être suffisamment persuasive envers l’électorat, font payer à l’ancien régime le prix de la défaite avec des audits qui devront établir le rapport de leur utilité au prix coûtant. Mais déjà, les mesures d’austérité à appliquer à la diplomatie sénégalaise, annoncées principalement par le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, Alioune Badara Cissé, portent très haut la barre du passif.

 

La question qui se pose est de savoir pourquoi le ministre, après s’être attelé, durant les trois mois écoulés, à l’exécution de la tâche de mettre en œuvre la politique étrangère définie par le président de la République, en attachant une attention particulière aux relations avec les pays de la sous-région, brûle la politesse au Premier ministre.

 

Il appartient en effet à Abdoul Mbaye la prérogative d’annoncer en séance solennelle le 6 août devant le Parlement et face à la Nation, la primeur des mesures de rigueur de la politique gouvernementale. Le fait que le bilan étalé par le chef de la diplomatie sénégalaise détonne dans la torpeur ambiante, ne dérange-t-il pas la coordination et la solidarité de l’action gouvernementale ?

 

Les manchettes d’une presse sans doute tuyautée ayant fait état de la possible déception du président Macky Sall envers son Premier ministre, son plus proche compagnon d’armes, Alioune Badara Cissé monte-t-il en première ligne pour une éventuelle prise en main du gouvernement ? Loin de vouloir mettre le feu aux poudres, il convient d’attirer l’attention sur des pratiques susceptibles de nous ramener prématurément aux guerres de positionnement qui ont miné la suprématie des partis dirigeants des alliances électorales ou de gouvernement dont les cadres politiques et administratifs consacrent leur énergie à la lutte de factions plutôt qu’à la massification de leurs structures.

 

Car s’en viennent des jours difficiles pour les partis au pouvoir si les scandales mis à jour d’enrichissement illicite, qui dépassent les contours de l’opposition, leur étaient opposables alors que visiblement ils s’apprêtent à demander de lourds sacrifices au peuple. Ces sacrifices qui auraient pu s’inscrire dans un programme de transition post-libéral ne sont pas prêts à être acceptés.

 

Parce que la propension des nouveaux dirigeants à se battre pour des fonctions de gestion ou d’administration publique à rémunérations astronomiques ne les prédispose pas à ''certaines mesures directes de la transition comme la suppression des importations de luxe et le nivellement par le bas de l’échelle des salaires''.

 

Des libéralités à l’austérité, sans transition donc ? Une transition qui serait un programme, une stratégie politique et économique de construction nationale et de développement. Les cadres des partis au pouvoir et les membres du gouvernement sont les sujets d’une autre époque de l’interrogation de Baraundi, relayée par le Professeur Moustapha Kassé des temps de militance généreuse : ''Les intellectuels du Tiers-Monde qui même contestataires deviennent facilement ministres peuvent-ils faire une politique du peuple ?'' La réponse optimiste est ''qu’une fois fermée la grande porte de l’arrivisme individuel, ils se tournent nombreux vers des solutions collectives…''

 

Il ne faut donc pas désespérer de tous ces ministres qui chantèrent ''Xaalisoo taal na rew mi'' (L’argent a gâté le pays) dans les troupes culturelles de l’Association des étudiants sénégalais en France (AESF) au temps de l’austère Léopold Sédar Senghor et qui devinrent banquiers de retour au pays. Encore que, comme disait le sociologue Samba Ndiaye, 1er secrétaire du Parti communiste sénégalais (PCS), il est nécessaire à certaines époques ''d’encadrer les cadres'' surtout s’ils sont en contreplaqué. Et ils sont bien nombreux les postulants aux charges et aux honneurs dont la faconde d’apprentis de ''cars rapides'' dément un curriculum-vitae enjoliveur.

 

 

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