Publié le 24 May 2012 - 10:45
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

L’État de la nation

 

La découverte du patrimoine assez conséquent du chef de l’État éclaire rétrospectivement le rapport à la richesse de l’élite politique libérale : son maître à penser, l’ancien président Abdoulaye Wade, a institutionnalisé l’enrichissement de ses partisans et a ainsi fait de l’argent un moyen de prise du pouvoir. La question qui se pose est alors de savoir si l’actuel président Macky Sall n'a pas lui aussi dérogé aux règles du milieu libéral. Sa rupture avec son mentor politique découlerait alors de cette logique de sanction politique que Maître Wade a déjà appliquée à son autre ancien Premier ministre Idrissa Seck avec lequel le contentieux portant sur plusieurs milliards n’a pas été élucidé.

 

L’ancien régime en effet n’avait pas la gouvernance vertueuse. Le nouveau régime issu de ses flancs ne l’aura pas sans rupture avec le passé ni sans frais. Le nouveau président le sait, qui a initié une série de mesures de réduction du train de vie de l’État par la réduction de la solde du président, du Premier ministre et des ministres, par le plafonnement des émoluments des Directeurs généraux à 5 millions et par la suppression de 59 structures ''budgétivores''. Et puis nous dit-on, le président de la République et son Premier ministre viennent de découvrir que ces mesures seront insuffisantes, au regard de la béance du déficit économique du pays, pour apaiser la demande sociale.

 

Pour expliquer la situation peu reluisante, une voix autorisée avance que ''des postes de responsabilité budgétivores ont été certes supprimés, mais ce sont pour la plupart des fonctionnaires reversés dans la fonction publique, qui les occupaient…''. L’argument est à double tranchant car ce ne sont pas les maigres salaires de la fonction publique qui ont grevé le budget de l’État sénégalais mais bien cette pléthore de compétences douteuses, ne serait-ce qu’en matière d’administration publique, que le président de la République cite comme devant prétendre aux salaires à millions parce que venant du secteur privé où ils avaient des salaires équivalents, qui sont réellement en cause.

 

Le débat agité par la classe politique, qu’il soit de bonne gouvernance, de répression des délits économiques ou de stratégie de développement économique et de gestion financière, montre la limite conceptuelle des dirigeants politico-administratifs venus du secteur privé. Au demeurant, le désarroi avoué du chef de l’État face aux pressions des institutions financières internationales, interpelle le gouvernement quant aux performances attendues des banquiers qui tiennent les leviers de l’action gouvernementale en même temps que les rênes de l’économie. Par la même occasion, n’apprenons-nous pas que l’équipe qui gouverne le pays n’a pas une vision d’un ordre de remplacement du système wadien ?

 

Cours, camarade devrions-nous dire alors au président Macky Sall, le vieux Parti démocratique sénégalais est derrière toi. Ce parti qui avait installé dans les ministères des promoteurs qui mêlaient les finances de leurs entreprises à ceux de l’État. Ce parti qui ne faisait plus de différence entre les fonctions politiques de ses cadres et leurs missions républicaines, ni entre les caisses du Trésor public et les capitaux de ses entrepreneurs. La séparation des pouvoirs n’est pas seulement institutionnelle, elle est fondamentalement nécessaire entre le pouvoir politique et le capital privé. Car c’est le capital privé investi dans la production qui développe un pays plutôt que l’exercice d’une fonction politique n’accroît le capital privé.

 

Les Sénégalais ont choisi l’homme que ses aptitudes personnelles semblaient prédisposer à les sortir du labyrinthe électoral vers l’approfondissement de la démocratie sociale. Une fois au pouvoir, Macky Sall va affronter les élections législatives sans avoir sous son contrôle un parti structuré et dynamique. L’enjeu d’une Assemblée nationale à sa dévotion est incertain puisque la large alliance qu’il a nouée avec ses anciens rivaux dans la course présidentielle ne repose pas sur des principes clairs aussi bien entre les différents partis et coalitions qu’en leur sein. L’électorat de ce pays a montré qu’il avait aussi la fibre morale. La stabilité du pouvoir dépend de la résolution des problèmes économiques du moment.

 

Section: