Publié le 7 Sep 2012 - 13:00
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

La peine et la mort

 

 

La chronique quotidienne déroule chaque jour le bilan macabre et sanglant de notre cohabitation avec le crime passionnel ou organisé. Dans la proche banlieue envahie par les eaux, les maisons abandonnées sont devenues les repaires des violeurs qui s’en prennent aux jouvencelles déviées du chemin de l’école ou égarées entre la boutique et la maison. Certaines écolières qui étaient tombées dans le piège d’un faux taxi clando n’auront connu d’une vie aussi brève que la hideuse face du mal d’amour sur laquelle leurs yeux se sont fermés à jamais. Notre société protège mal sa petite enfance, Anta Mbow ne pouvant toute seule vaincre ce fléau, et les petits talibés qui sont abusés la nuit sous les ponts et sur les plages nous valent la colère de Dieu.

 

Des voleurs, à l’affût d’un mauvais coup, nomadisent dans les lieux insécurisés aux heures de crime : le crépuscule funeste de Keur Massar pour la jeune mère qui se hâtait pour partager le repas du soir. L’aube blafarde des Parcelles Assainies pour ce père émigré qui amenait sa fille aux soins dentaires après une nuit de pleurs sans sommeil. Pour les lâches agresseurs, c’est la bouse et la vie : les enfants de Keur Massar attendront en vain leur mère tandis que la fille du brave émigré, oubliant sa rage de dents, tentera dans la nuit qui finit de réveiller son père endormi d’un sommeil si lourd. Si les coupables sont pris, les avocats expliqueront que la vie ne leur avait offert d’autres ressources que d’ôter la vie…pour vivre.

 

Mais tuer n’est pas l’apanage des seules pauvres hères, violeurs et voleurs. Les puissants aussi tuent depuis des lustres pour prendre le pouvoir ou pour le conserver. Mais ce fait découle d’un droit ou d’un devoir républicain de préserver l’intégrité territoriale, la sécurité des biens et des personnes que confère l’exercice d’une souveraineté. Ce diptyque s’invite dans l’analyse des circonstances dans lesquelles la deuxième alternance s’est effectuée. Et le niveau d’influence que les agitateurs du M23 notamment ont acquise dans la sphère du pouvoir les emmène à demander des comptes qui ne sont pas les mêmes que ceux de l’entité hégémonique.

 

D’où l’embarras grandissant du président de la République et de son ministre de l’Intérieur face aux parents des victimes des événements préélectoraux. La culpabilisation des forces de police à partir d’une chaîne de commandement qui se limiterait au commissaire central Arona Sy et aux commandants de brigades de gendarmerie n’est pas réaliste. L’effet de domino est garanti : la responsabilité est politique sinon les sanctions se seraient bornées à des mesures disciplinaires de la hiérarchie militaire aussi bien pour les gendarmes que pour les policiers puisque le Groupement mobile d’intervention a un statut hybride.

 

Les forces qui sont intervenues lors des manifestations de la campagne électorale sont des forces affectées essentiellement à la défense des institutions et accessoirement à la défense de l’intégrité du territoire. La radiation des policiers avait gravement affecté les opérations du groupement mobile d’intervention en Casamance. L’internationalisation de la campagne contre l’impunité à l’occasion du choix du commissaire Sy par l’Organisation des Nations-Unies et l’évocation du Tribunal pénal international pourrait à terme conduire à une ''ivoirisation'' du contentieux politique et démocratique du Sénégal. La situation du maintien d’ordre est en effet restée instable sous le nouveau régime et implique les mêmes acteurs dans les mêmes enjeux de pouvoir.

 

La criminalisation des actes de souveraineté des chefs d’État du tiers-monde est aussi vieille que la crise du Congo mais, ni le degré de conscience politique des Africains de cette période ni le rapport des forces ne pouvait permettre de juger le prisonnier Patrice Lumumba que sa posture d’infamie, les mains liées dans le dos, destinait au bûcher. Aujourd’hui, tous les ''droits-de-l’hommiste'' en retard d’une lutte pour la démocratie et la libération de l’Afrique se bombent le torse pour tancer leur président et le président d’un État voisin et complaire à l’Occident. Et paradoxalement, leur allié de circonstance, Macky Sall, suit le mouvement au risque de compromettre les relations d’État à État qui nous lient à Banjul et dont la première victime est le projet de pont sur la Gambie.

 

Dans cette cacophonie cocardière et patriotarde, seuls leurs parents et leurs compagnons d’armes n’ont pas oublié les militaires retenus prisonniers dans leur propre pays par une fraction armée dite indépendantiste. Nos diplomates semblent mieux maîtriser la convention de Vienne sur les relations consulaires que notre gouvernement celle de Genève sur les prisonniers de guerre. La vie de Sénégalais condamnés à la peine capitale peut nous être plus précieuse que celle des Gambiens qui partagent leur sort ; mais celle de soldats ? Mais celles de nos concitoyens que l’on assassine à chaque coin de rue sombre alors que les forces de sécurité sont écartelées entre leur mission républicaine et les agitations stériles de fractions aux intérêts divergents d’une petite bourgeoisie mal domptée ?

 

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