Publié le 30 Aug 2012 - 23:01
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

Le temps des périls

 

Malgré certaines indiscrétions d’une presse inspirée, l’effet d’annonce était garanti : la trombe des eaux fangeuses et boueuses a emporté les ultimes rêves de grandeur de la petite bourgeoisie qui se proclamait victorieuse sans pour autant en être récompensée. Le Sénat, la dernière instance de pouvoir pourvoyeuse de prébendes va être dissoute au terme de la saisine du Parlement par le président de la République. Soluble dans l’eau donc, cette institution dispendieuse dont l’élection de ses membres par les élus locaux et la désignation de la majorité d’entre eux par le chef de l’exécutif était l’une plutôt risquée pour le carré présidentiel et l’autre contestée, même par ses partisans.

 

Le chef de l’État a dû interrompre son séjour sud-africain pour marquer de sa présence physique, la compassion de l’État envers les citoyens des diverses localités toujours plus nombreuses que les vagues des pluies inondent. A son avènement, le président Macky Sall n’ignorait pas que cette calamité hivernale et la guerre d’indépendance en Casamance seraient les épreuves les plus tenaces de son mandat. Et le voilà surpris dans la torpeur de vacances des torrides journées du mois d’août finissant par l’orage et le torrent qui charrient les corps et les biens des maisons prises dans les mêmes averses qui annoncèrent, comme de tradition, que son pouvoir serait faste et fécond.

 

Les jours qui s’en viennent seront très instructifs du niveau de compromis que les protagonistes du jeu démocratique sont capables d’atteindre, notamment entre la nouvelle opposition qui contrôle encore le Sénat et le nouveau régime dont l’emprise sur l’Assemblée nationale peut subir le contrecoup des divergences au sein de la mouvance présidentielle. La messe est dite car la nouvelle opposition ne peut se compromettre par une position divergente de la volonté présidentielle de supprimer le Sénat qui fut le talon d’Achille de l’ancien régime. Tout comme les partisans du pouvoir devront renoncer à défendre leurs privilèges de castes dans un combat politique douteux.

 

Voilà venu pour le chef de la nation l’occasion de demander aux cadres du service public un sacrifice substantiel qui romprait avec les salaires à millions, les véhicules à gogo et l’efficacité à zéro. Car en effet, l’instabilité permanente des secteurs du travail découle du refus des employés à accepter l’austérité commandée par les limites budgétaires avec cet argument massue que celle-ci devrait être proportionnelle aux revenus des diverses catégories sociales. La suppression du Sénat ne devrait être que le premier pas vers l’abolition des privilèges de toutes les institutions et démembrements de l’État qui commencerait par un plafonnement du salaire des ministres de la République à 500 000 francs avec le droit de choisir le salaire de sa fonction d’origine majoré d’une indemnité spéciale en plus des autres avantages réglementaires tels le logement, le véhicule et l’essence.

 

L’Assemblée nationale devrait connaître la même cure avec des salaires homologués aux fonctions qu’ils continueront d’exercer en plus des indemnités de session selon la présence dûment constatée. La dotation en véhicule et essence sera maintenue mais les caisses noires seront supprimées. La logique de cette mutation sera d’ancrer l’idée d’un député issu du peuple que l’exercice de cette fonction ne va pas couper de ses origines. Les cumuls de fonctions seront le souvenir d’une époque où des hommes politiques aux talents ordinaires se sont crus indispensables partout où les passe-droits et les avantages modulaient l’activité politique.

 

Ces mesures devraient être discutées et adoptées dans les institutions de ressort entre les représentants du gouvernement, leurs membres et les organisations syndicales représentatives. Le président Senghor, confronté à la sécheresse et à la détérioration des termes de l’échange, proposait que le modèle démocratique sénégalais ne soit plus Athènes mais Sparte, c'est-à-dire moins de réjouissances, et plus de rigueur. Le discours rempli d’émotion du président Macky Sall n’est sans doute qu’un début d’orientation politique qui demande à être articulée sur le terrain des réalisations pratiques. Il est ponctué par une immense expression de solidarité nationale à la base inspirée par le Khalife Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké.

 

C’est le moment des périls. C’est donc aussi le moment de surmonter les périls : gagner la première manche de la bataille de l’eau sans succomber à la mode de l’hivernage qui passe. Rétablir avec la Gambie voisine les relations de confiance nécessaires à une coopération bilatérale contre les dangers de guerre qui planent sur l’Afrique de l’Ouest dont les peuples sont divisés sur des bases particularistes par des intérêts étrangers hégémonistes qui veulent nous asservir. Or seuls les peuples libres peuvent initier les grandes révolutions populaires pacifiques qui permettent la libre production de vivres, le commerce des biens et l’éclosion de la prospérité et du bonheur comme dans les entités historiques du Mali, du Ghana, du Fouta-Toro et des enclaves musulmanes du Sénégal.

 

 

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