Publié le 21 Jun 2012 - 21:14
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

Macky est-il militariste?

 

La commémoration du 132ème Appel de Seydina Limamou Laye, apôtre de la paix, culmine avec des enjeux majeurs qui se posent au Sénégal à travers le dilemme d’un islamisme combattant qui défie l’occident. Les mêmes puissances qui dominent les peuples à ce jour se sont réclamées de la mission civilisatrice de l’Europe blanche et chrétienne pour les civiliser, c'est-à-dire les coloniser. La nouvelle géopolitique mondiale impose des prises de partie qui épousent les contours de valeurs profondément ancrées dans les communautés de base alors que les conflits d’antan ne mobilisaient qu’une élite occidentalisée enfermée dans sa bulle idéologique.

 

Les dirigeants du monde se mobilisent contre le terrorisme qui depuis l’attentat du Word Trade Center est de confession musulmane. Il y va de la cohésion au sein des nations multiconfessionnelles et de la pérennité des libertés dans les Etats dits démocratiques. La crise malienne interpelle donc le Sénégal sous deux rapports : elle a motivé la signature de nouveaux accords de défense entre la France et le Sénégal. Le Sénégal et le Nigéria sont le fer de lance de l’option militaire qui se dessine avec des risques de riposte derrière les lignes de front pour notre pays, le Nigéria étant déjà la cible sur son sol de Bokko Haram, allié islamiste des groupes armés du Mali.

 

Le Sénégal joue avec le feu. La menace sur sa cohésion nationale est réelle dans la mesure où les groupes armés du Mali posent un problème graduel qui interpelle la politique intérieure sénégalaise. En effet, pourquoi le Sénégal qui est confronté à la rébellion casamançaise qu’il ne peut réduire, devrait-il s’engager simultanément en Guinée-Bissau et au Mali. Cette logique de disperser ses forces est subséquente de cette évidence qu’aucun pays supposé allié n’a jamais voulu réellement l’armer contre les indépendantistes casamançais. Le Sénégal espère donc trouver dans les aventures militaires en perspective au Mali et en Guinée-Bissau les moyens de la défense de son intégrité territoriale.

 

L’autre questionnement légitime est de savoir pourquoi les forces armées nigérianes qui ne réussissent pas à protéger les communautés chrétiennes dans leur propre pays, seraient capables de libérer les musulmans du nord de leurs coreligionnaires, juste plus zélés dans l’application de la charia ? C’est dire que le risque d’enlisement est grand dans la mesure où l’intervention étrangère va non seulement souder les différentes factions armées mais aussi mobiliser la solidarité des Touaregs ressortissants des pays limitrophes. Les ralliements de la composante touareg des armées d’intervention à la dissidence est aussi une forte probabilité qui ferait des ravages.

 

La montée du militarisme dans la région ouest-africaine est une source d’instabilité majeure de tous les pays qui la compose et un frein à leur développement économique et social. Le but recherché par les puissances occidentales qui tirent les ficelles ne sont ni l’intégrité territoriale ni la sécurité du Mali mais la remise en cause de sa souveraineté acquise depuis, réelle depuis l’indépendance. Heureusement qu’une partie de son élite, très politisée, l’a compris depuis le début de la crise et que son armée refuse de se laisser déborder par les autres armées africaines avec lesquelles elle ne partage pas la même tradition de soumission aux intérêts étrangers.

 

Le nouveau régime sénégalais devrait se montrer plus prudent que tout autre. Le bilan de la participation militaire aux projets de guerre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) a été douloureux et peu rentables pour les hommes du rang dont les blessures occasionnées par les interventions extérieures réclament encore réparations. Et pour une fois l’ennemi ressemble un peu trop à ce que le peuple sénégalais respecte le plus : ses marabouts. Au surplus, l’étiquette de terroriste collée à Ansar-Al-Din n’est pas aussi évidente. Sous le drapeau noir du djihad, ses combattants n’ont pas posé d’actes plu répréhensibles que les forces dites républicaines de Côte-d’Ivoire.

 

Le président sénégalais, par ailleurs président de l’Organisation islamique a-t-il soupesé les éventuelles avanies de son engagement zélé aux cotés de la France avant toute détermination de l’Organisation des Nations-Unies qui reste encore prudente. Apparemment Macky Sall serait un militariste comme le président ivoirien. Le dernier espoir reste le président burkinabé Blaise Compaoré qui s’échine à régler la crise sinon à l’amoindrir par la négociation. En attendant Ansar-Al-Din fouette des couples jugés coupables d’adultère. Signe de modération ? Ailleurs l’ardoise est plus salée : c’est la lapidation à mort.

 

 

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