Publié le 27 Sep 2012 - 18:29
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

Quel monde voulons-nous ? *

 

Le Mali a eu une attention particulière dans le discours du président sénégalais devant l’Assemblée générale des Nations-Unies. D’emblée, son adresse aux altesses et aux excellences a défini son option pour un engagement à une vigoureuse action concertée par le conseil de sécurité des Nations-Unies. L’utilisation du concept «terroristes» vulgarisé par les Etats-Unis d’Amérique pour désigner les divers groupes qui occupent le Nord du Mali : islamistes pour Ansar-el-din, islamo-fédéraliste pour le Mouvement pour l’unicité du jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), sécessionniste pour le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et accessoirement terroriste et fédéraliste pour Al Qaïda pour le Maghreb arabe (AQMI).

 

Le Mali présente les prémices de bouleversements majeurs comme la crise du Congo qui divisa le soutien de l’Afrique entre les deux camps qui se disputaient la direction politique d’un pays morcelé. Ce soutien épousait la franche géopolitique de l’époque. Dans la crise du Mali, la France n’est en première ligne que virtuellement : elle fournira la logistique et l’appui aérien. Il appartient aux pays de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) de mettre à disposition les troupes de combat. Lesquelles seront prélevées sur les effectifs des armées des pays membres dont l’orientation politique est déterminante dans le but de leur utilisation.

 

Les pays en crise en Afrique, est-ce un hasard, sont le Mali et la Guinée-Bissau dont les armées ont une tradition de souveraineté par rapport à l’assistance technique occidentale. L’armée malienne avait participé à l’instruction des Forces armées populaires de libération, branche armée du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert. L’un des enjeux de cette crise est pour la Côte-d’Ivoire, d’expulser de la Guinée-Bissau le contingent angolais qui y stationne à la demande des autorités légitimes de ce pays pour solder ses comptes avec ce pays qui avait été le principal soutien militaire du président Laurent Gbagbo.

 

L’implication éventuelle des armées ivoiriennes et sénégalaises dans les conflits du Mali et de la Guinée-Bissau n’est pas sans arrière-pensée pour leur allié traditionnel, la France qui chercherait à rééquilibrer le rapport des forces dans la sous-région en faveur de l’occident. L’intérêt du Sénégal, au vu de l’engagement de son président, devrait être le règlement de la crise casamançaise. Sans en parler, estimant certainement qu’elle relevait des affaires intérieures, le président Macky Sall a décrété inacceptable la sécession du nord malien. Mais le précédent soudanais ne dévoile-t-elle pas l’hypocrisie de la communauté internationale sur la question de l’intangibilité des frontières de la décolonisation avec l’indépendance d’un pays sans nom : le Sud Soudan.

 

En même temps que le Sénégal affichait sa détermination pour une libération par la force armée des provinces septentrionales du Mali, nos autorités bloquaient au port de Dakar les armes acquises par la République du Mali. Leur acheminement vers Bamako n’a été possible dit-on qu’avec l’intercession du ministre-conseiller Amath Dansokho auprès du président Macky Sall. La communauté internationale veut-elle la libération des territoires du nord ou l’occupation du Mali par des forces de ladite communauté internationale dont leurs performances de prédateurs ont surclassé leur capacité de rétablissement de la paix et de l’ordre partout où elles ont été déployées, de l’Afghanistan à la République démocratique du Congo en passant par la Somalie ?

 

Le plus insolite reste la détermination de la France et du Sénégal pour une solution militaire de la crise malienne alors que Bamako ne désespère ni de la négociation ni de sa capacité à libérer seul les territoires du Nord. La méfiance malienne à l’encontre de ses encombrants éventuels alliés de la CEDEAO a un fondement stratégique qui prend en compte le résultat désastreux des équipées militaires occidentales dans les Balkans, en Irak, en Syrie. L'autre intérêt stratégique subsumé est la Gambie à propos de laquelle le président Macky Sall semble vouloir appliquer la même recette qu’en Libye et en Syrie avec un Conseil national de transition pour la Gambie dirigé par Sidya Bayo qui a eu l’oreille complaisante des autorités pour installer d’hypothétiques bases arrière et les médias pour dérouler son projet d’invasion armée de la Gambie.

 

Quel monde voulons-nous ?, s’est donc interrogé le président sénégalais dans son allocution, entre son projet de guerre de libération du Mali, sa volonté de normalisation de la Guinée-Bissau et sa détermination de doter la Palestine d’une patrie reconnue, dans des frontières sûres avec Jérusalem-Est comme capitale. La tentation est grande de s’étonner qu’il puisse concilier cette préoccupation avec les précédentes. Car les forces de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) avec lesquelles il a noué de fait et de tradition non rompue une alliance stratégique, visent avec la déstabilisation de la Syrie, à rompre l’alliance entre ce pays, le Hezbollah libanais et l’Iran qui, pour la première depuis son existence, a réussi à infliger une défaite incontestable à Tsahal.

 

Nous voulons, Monsieur le président, un monde plus juste parce que sans hégémonisme de grande puissance, dans lequel les capitalistes ne frapperont plus dans le sang des peuples la monnaie rouge des profits de guerre. Nous voulons comme vous l’évoquez, un ordre mondial plus juste avec un conseil de sécurité des Nations-Unies où siégeront les pays africains ayant un droit de véto contre les projets de guerre sur le continent. Alors le Sénégal comme tous les autres pays de l’Afrique pourront asseoir leur prospérité sur une économie florissante s’appuyant sur une agriculture florissante, des infrastructures solides et des sources d’énergie inépuisables.

 

*Le président du Sénégal Macky Sall devant l’Assemblée générale des Nations-Unies.

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