Publié le 2 Aug 2012 - 10:44
LA CHRONIQUE DE MAGUM KëR

Vacances de pouvoirs

 

 

Les vacances du mois d’août interviennent au moment où, après avoir installé le pouvoir législatif sous sa férule sans coup férir, l’exécutif semblait prendre un nouvel essor avec le discours de politique générale que devait prononcer le 6 août prochain le Premier ministre Abdoul Mbaye devant l’Assemblée nationale. Le fait que le calendrier institutionnel soit ajourné semble indiquer que même ces vacances avaient été oubliées dans l’euphorie des manœuvres politico-parlementaires. Un premier répit donc, que le nouveau régime devrait mettre à profit pour accorder ses violons avec ses alliés sur le programme de gouvernement et sur les perspectives politiques.

 

Après la prise en main de l’Assemblée nationale, l’Alliance pour la République (APR) a certainement besoin de réunir ses instances dirigeantes et de conception théorique. La norme de partage du pouvoir après les élections a obéi à une logique mathématique plutôt qu’à un choix rigoureux du leadership sur la base de compétences avérées. La lenteur des réglages institutionnels s’est fait ressentir et le pays en attente d’être impulsé ne vit pas encore un changement qualitatif conséquent. Certains mythes drainés dans le processus de conquêtes des différents leviers de pouvoir ont durablement convaincu les populations pour lesquelles la désillusion pourrait être amère.

 

Le premier mythe à s’effondrer est bien celui d’un nouveau type de député. Les nouveaux hôtes de l’Assemblée nationale ne sont en rien différents qualitativement des précédents et les mutations positives ne viendront pas de son nouveau président. C’est un dinosaure qui a traversé toutes les étapes de notre processus démocratique sans vraiment se distinguer par la lutte pour les libertés fondamentales sinon quand la préséance au sein du parti dominant a été bouleversée en sa défaveur. Il reste donc un hiérarque dans l’âme. La raison de son choix par le président Macky Sall, pas amnésique qu’il fût son rival dans le passé et prévoyant de ce qu’il pourrait être de même dans le futur, est qu’il reste le moins dangereux.

 

Moustapha Niasse a en effet occupé toutes les fonctions de premier plan désormais, sauf celui de président de la République, sans jamais s’être vraiment battu pour elles, ce qui est de sa tradition musulmane. A l’orée de l’alternance de l’an 2000, alors que lassée par le long séjour à l’étranger de Me Abdoulaye Wade l’opposition menée par Mamadou Dia explorait l’occurrence d’un autre candidat unique, son favori Moustapha Niasse laissa passer l’occasion comme un bleu qu’il n’était pas. Mais l’esquive qui lui coûtera ses larmes du 30 juillet après les attaques de ses alliés du parti présidentiel, est celle qu’il fit à un certain groupe de conception qu’il avait appelé ''à l’aider dans sa réflexion'' après sa sortie du gouvernement socialiste.

 

Ses amis d’alors lui conseillèrent de ne pas s’impliquer dans la gestion du président Wade et de préserver toutes ses chances à la future élection présidentielle en occupant seulement la fonction de président de l’Assemblée nationale. La réponse leur parvint par l’occasion d’une interview de notre confrère Soumeïlou Aïdara dans laquelle il déclarait qu’il ne voulait pas être un président de l’Assemblée nationale. La vocation le rattrape bien tardivement sur sollicitation de l’actuel président de la République qui lui a manifesté toute sa confiance pour occuper cette délicate position dans un appareil d’État strié par les zébrures de multiples alliances dont personne ne peut jurer qu’elles soient indéfectibles.

 

Il est donc le Président de l’Assemblée nationale sous le régime d’un président de la République qui occupa lui-même cette haute fonction. Aurait-il déclaré n’avoir plus d’ambition que ses partisans en auraient pour lui à temps échu. Le jeu de faux lion mené par Moustapha Cissé Lô et les cadres du parti présidentiel n’a peut-être pas livré tous ses secrets, sauf qu’il a été dénoué de main de maître par plus lion qu’eux, le ministre de l’Intérieur Mbaye Ndiaye. Se peut-il que Macky Sall ait manqué d’emprise sur ses hommes pour se résoudre à cet expédient de dernière heure dans les coulisses d’une Assemblée nationale en retard d’ouverture de sa session la plus importante de cette législature ?

 

Au bout du processus la logique mathématique de l’Alliance Book Yaakaar appliquée aux alliances s’est trouvée prise à défaut car avec 20 députés, sa fraction socialiste menée par Ousmane Tanor Dieng était plus légitimement indiquée de s’emparer du perchoir sur lequel pend encore comme une épée de Damoclès, la loi Sada Ndiaye. L’hypothèse la plus optimiste pour la survie de l’alliance au pouvoir est que, selon les supputations, la présidence du Sénat lui est réservée. Sauf qu’à les reléguer à la tête des organes législatifs et délibératifs, le régime néolibéral, sauf à être démenti par une orientation programmatique plus à gauche, le régime néo-libéral donc, ne lie pas assez à son bilan ses deux plus éminents rivaux.

 

Deux semaines ne sont pas trop longues pour ces vacances du pouvoir vouées à combler les postes vacants des pouvoirs secondaires. Mais aussi à régler tous les problèmes laissés en l’état. Le plus urgent reste le choix démocratique que Macky Sall doit confirmer après s’être démarqué des velléités subversives d’une soi-disant société civile manipulée par l’Occident qui veut donner au processus démocratique en cours une signification révolutionnaire. Sous ce rapport, la fragilisation de l’appareil sécuritaire par l’institution judiciaire, loin d’être un actif pour notre démocratie, pourrait secréter d’indicibles crises qu’annonce la levée de fait du monopole de la violence armée au profit de politiciens et des rebelles qui n’en pâtissent pas outre mesure. Lesquels tendent à démontrer que le pouvoir ne se prend et ne se conserve pas seulement par les urnes.

 

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