Publié le 30 Sep 2015 - 04:01
LA PROBLEMATIQUE AU SENEGAL DU PELERINAGE A LA MECQUE OU AUX LIEUX SAINTS DE L’ISLAM / CONTRIBUTION SUITE A L’IMPAIR TRADUIT PAR DEUX CENT PELERINS LAISSES EN RADE AU SENEGAL

Analyse diagnostique et Avis d’expert

 

En 2014, nous avions conduit une évaluation du Pèlerinage à la Mecque. A cet effet, nous avions produit en janvier 2015 un Rapport très exhaustif, hautement scientifique de 91 pages sur l’édition 2014, sur la gestion du Pèlerinage depuis 20 ans. Ce Rapport dont le titre est :

« Mission spéciale d’expertise, de suivi évaluation et d’assistance aux pèlerins de l’édition 2014 du Pèlerinage aux lieux saints de l’Islam : Rapport synthétique, conclusions et recommandations » a été envoyé aux Autorités et au Commissaire Général au Pèlerinage à la Mecque. Personne n’a réagi suite au dépôt de ce rapport, ni les Autorités étatiques, ni le Commissaire général que nous avons demandé à rencontrer six fois de suite, en vain et même par écrit, pour échanger sur nos constats et conclusions et à qui nous avions proposé notre contribution désintéressée.

Ce rapport comprenait, entre autres, des constats, l’identification des problèmes récurrents, des faiblesses majeures au niveau du Commissariat (stratégies, gestion, pilotage, encadrement…), des Opérateurs privés, des Pèlerins (demande sociale et comportement), des Commerçantes, des Restauratrices, des Missionnaires, des Sénégalais et étudiants sénégalais vivant en Arabie Saoudite utilisés dans les encadrements du Commissariat et des Opérateurs privés, du Moutawif, des différents autres partenaires (Autorités Saoudiennes, Portail,  Compagnies aériennes dont Sénégal Airlines, BIS Banque Islamique du Sénégal, Al Raji Bank, OKALA (United Agency Office) qui encaissait les frais et taxes saoudiennes à l’aéroport d’arrivée en Arabie Saoudite, le Moassassa qui connaît des questions de cautions obligatoires, la Maison d’assurance chargée de couvrir les pèlerins et des acquis à consolider ou à préserver, dont certains sont nouveaux et d’autres datent d’il y a 20 ans.

Le Rapport a fait  aussi :

-       Une analyse du volet médical : identification des maladies, évolution depuis la période coloniale, acquis, organisation et gestion ;

-       Une étude comparative du montant du package payé au Sénégal et des pratiques de gestion de pays de la sous – région et de la capitalisation d’expériences dans une approche de Benchmarking ;

-       Une analyse de la problématique de l’expertise religieuse en matière d’encadrement du pèlerinage et celle des « Arabisants » ;

-       Une identification des polémiques sur la sacralité et l’acceptation des innovations introduites par les sénégalais dans la gestion du pèlerinage ;

-       Une analyse de la problématique de la privatisation du Pèlerinage dans toute sa dimension et du Processus de privatisation du « Convoyage », de la stratégie à adopter et des mesures de prudence à observer ;

-       Une Série de Recommandations spécifiques à des problèmes et des recommandations d’ordre générale sur des mesures à prendre et qui nous semblent incontournables si on ambitionne de gérer intelligemment et efficacement le Pèlerinage à la Mecque au Sénégal ont aussi été livrées tout le long du Rapport. 

En annexe de ce rapport, nous avons livré d’autres résultats de recherches collectés avec des questionnaires testés au préalable et des interviews (statistiques, analyses, indicateurs) suite à la conduite d’un sondage portant sur un échantillon de 500 pèlerins dont 250 convoyés par le Commissariat et 250 convoyés par des Opérateurs privés et qui ont été interrogés en Arabie Saoudite et au Sénégal à leur retour. A cette occasion, ils ont tous (des femmes et des hommes, des personnes âgées et des jeunes, des pèlerins classiques de tout bord, des opérateurs, des responsables, des membres de l’encadrement et des Opérateurs économiques comme les Commerçantes et les Restauratrices) donné leurs appréciations et suggestions.     

Ainsi, le Rapport avait alerté sur la majorité des problèmes identifiés de gestion du Pèlerinage et de ceux en gestation dont les indices étaient visibles. Parmi ces dernières figuraient des risques, notamment la probabilité de laisser des pèlerins en rade.

Il y a des problèmes lancinants et très graves dans le pilotage du Pèlerinage, notamment des problèmes de sécurité (sécurité du transport surtout aérien, sécurité des pèlerins à Médine, à la Mecque, à Mouna, à Arafat, à Mouzdalifa et aux Diamrates) dont la gestion hasardeuse pourrait entraîner des pertes en vies humaines.   

Il y a de sérieux problèmes d’encadrement religieux, de logement et de nourriture, de transport interne et de suivi – médical en général, aussi bien au niveau du Commissariat que des Privés. A côté il y a des problèmes sou - jacents psychologiques, de comportement lorsque le Pèlerin est laissé à lui – même.

Il y a aussi des problèmes de Management dans une approche inclusive entre le Commissariat, les Opérateurs privés et le Moutawif.

Selon des informations livrées par la Presse (nous faisons depuis 10 ans, chaque année une Veille à travers la Presse et une veille sur écran du Pèlerinage) et par d’autres sources, l’Etat ne semblerait pas avoir pour habitude systématique de réagir aux différents rapports de l’Inspection générale d’Etat qui couvrent le pèlerinage, aux rapports des travaux de réflexion auxquels nous avions participé es’qualité de l’UNOPHOM, mais aussi du COPHOM qui sont des Associations très sérieuses d’opérateurs privés qui ont organisé ces réflexions sur la Gestion du Pèlerinage avant et après l’édition 2014 du Pèlerinage à la Mecque.

L’ASI, une Association créée par un éminent Islamologue (le Dr Ciré Ly) et dirigée aujourd’hui par un autre grand intellectuel et islamologue, le Doyen Sow a aussi organisé une journée de réflexion et déposé ses conclusions et recommandations sur l’organisation et la gestion du Pèlerinage. Le Journal Al Yawmou apporte aussi de manière constante des analyses pertinentes et expose des réflexions et contributions de haute facture sur le déroulement du Pèlerinage. L’Etat qui devrait posséder en principe, d’autres informations a semblé afficher un silence face aux initiatives et contributions de haute facture que nous venons d’identifier.

Nous espérons sa réaction avant et à la fin de l’édition 2015 suite à cette ALERTE (notre message, les couacs enregistrés avec les 200 pèlerins laissés en rade, les catastrophes qui ont enregistré la perte de plusieurs vies humaines cette année lors du Pèlerinage). Honnêtement, après avoir consacré Six mois (en mettant en veilleuse la conduite de certains de nos enseignements même si c’est possible avec le LMD) à une évaluation matérialisée par la rédaction et le dépôt d’un rapport et alerté sur des questions cruciales, nous ne pourrions encore comprendre un autre silence.

Nous saluons, donc, avec soulagement, la réaction et la décision du Chef de l’Etat de faire convoquer une large concertation nationale, notamment, devant se pencher sur l’organisation, la gestion et le pilotage du Pèlerinage à la Mecque. Les 200 pèlerins laissés en rade ne sont que l’arbre qui cache la forêt. Sans être cynique, cela a permis au moins un déclic. Mais, on devrait éviter ce qui est arrivé avec le naufrage du bateau le Diola et le crash et la disparition de l’Avion HS125 de Sénégal Air.     

Nous avons identifié beaucoup d’autres problèmes. Nous nous en tenons à cette première esquisse en restant à la disposition des Autorités, en tant qu’expert, pour expliciter ces problèmes et recommander des solutions ou des pistes de solutions.

En termes de recommandations d’ordre général que nous somme disposé à expliciter dans un document sectoriel, nous pensons que :

-       1. Le Pèlerinage à la Mecque devrait être géré plus intelligemment ;

-       2. L’Etat devrait donner plus de Crédit au Pèlerinage à la Mecque ;

-       3. L’Etat et tous les Acteurs du Pèlerinage devraient minimiser le maximum possible l’intervention de la Politique et certaines pesanteurs surtout dans le choix des hommes et sur le processus de gestion du Pèlerinage. Cela n’empêche pas, qu’on accepte et qu’on salue le fait des politiques et des Autorités religieuses de « donner des billets pour la Mecque à des pèlerins ». C’est dans notre culture et dans nos traditions de solidarité ;

Il faudra :

-       4. D’abord, Auditer le Commissariat Général et Créer un Dispositif de suivi – évaluation performant et permanent du Pèlerinage ;

-       5. Moderniser d’avantage le Dispositif de gestion du Commissariat (qui devrait s’investir dès 2016 dans la « supervision » des Opérateurs privés à la Mecque qui est négligée) ou de l’Organe de régulation dont la création serait incontournable lorsqu’on arrivera à une privatisation complète du « Convoyage », notamment en mettant en place des systèmes d’information et de gestion intégrés (SIG) ;

-       6. Préparer plusieurs mois à l’avance la prochaine édition du Pèlerinage après évaluation de l’édition arrivée à terme ;

-       7. Mieux structurer l’encadrement religieux, le rendre plus performant et le confier à des équipes mixtes composées d’homme et de femmes, d’arabisants, de non – arabisants, d’experts et de spécialistes du Pèlerinage, d’intellectuels qui connaissent bien le Pèlerinage, les sites historiques et former les encadreurs ;              

-       8. Anticiper sur les problèmes par la définition et le mise en place d’une Stratégie et d’une Plateforme (et progressivement d’un Système expert fonctionnant à partir d’une intelligence artificielle et d’une base de connaissances) de gestion des risques à partir des indices et des indicateurs ;

-       9. Mieux organiser la question des Assurances des pèlerins qui sont confrontés à toutes sortes d’accidents ;

-       10. Lutter de manière systématique contre les retards récurrents, fréquents dans toutes les activités de gestion du Pèlerinage ;

-       11. Signer à temps les Contrats nécessaires en Arabie Saoudite et qui portent, chaque année préjudice aux Opérateurs privés, qui sont entrain de prendre progressivement en charge le convoyage des pèlerins (ils sont passés de 4900 pèlerins convoyés en 2007 à 8500 pèlerins à convoyer en 2015) ;

-       12. Réserver aux Femmes, dans leur ensemble (Pèlerins, Commerçantes, Restauratrices, Couturières, Missionnaires ou Encadreurs) un traitement particulier, les assister et les privilégier s’il y a lieu ;

-       13. Gérer la Privatisation du Convoyage avec professionnalisme : à cet effet, commanditer une étude entre 2014 et 2015. Ne pas arrêter le processus et ne pas trop l’accélérer sans avoir, au préalable mis en place des garde-fous, des mécanismes sous forme de soupapes de sécurité ;

-       14. Etre à l’écoute des pèlerins et tenir compte de leurs avis, en leur demandant, en permanence, leurs avis et suggestions par des mécanismes de sondages. En 2014, dans le cadre de la Mission d’évaluation et d’assistance que nous avons évoquée plus haut, nous avions sondé un échantillon de 500 pèlerins qui se sont exprimés et cet exercice a révélé que : 100% demandent d’améliorer la gestion du Pèlerinage qu’ils trouvent pour la quasi-totalité passable ou médiocre; 95% trouvent le Package cher et trop cher ; 57% trouvent l’encadrement trop réduit, passable et même médiocre au niveau du Commissariat et des Opérateurs privés ; 94% réclament une évaluation véritable de chaque édition ;

-       15. Revoir l’équipe actuelle un peu trop militarisée chargée de gérer le Commissariat au Pèlerinage et éviter toute tentative de « caporaliser » le pilotage du Pèlerinage. Même si le Commissaire général dit qu’il ne démissionnera pas, conduire une enquête pour situer les responsabilités ou les conforter et s’il y a lieu, s’il y a faute grave, trouver une porte de sortie honorable au Commissaire général qui a occupé les fonctions de Grand Chancelier de l’Ordre national du Lion au Sénégal et à une partie de son équipe ;

-       16. Ne pas confier toute la responsabilité de gérer le Pèlerinage à une personne ou à un Lobby comme le réclament urbi et orbi certains Prédicateurs et Maîtres coraniques ; mais, la confier à une équipe supervisée par un organe d’orientation et de suivi composée d’experts (arabisants et non arabisants, spécialistes de la gestion, spécialistes choisis es’qualité qui connaissent bien l’Islam, le Pèlerinage, les sites, l’information et la communication de masse) ;

-       17. Eviter toute forme de saupoudrage avec l’implication de toute sorte d’associations, comme certaines associations, notamment dites de consommateurs qui ne savent rien du Pèlerinage et qui seraient de véritables sources de problèmes ou des poids morts pour qui on dépense inutilement de l’argent ;

-       18. Eviter systématiquement le Pilotage à vue dans tout le processus d’organisation, de suivi et de gestion du Pèlerinage.

Pour conclure, nous pensons qu’il faudra, sans trop de précipitation, mobiliser avant, décembre 2015, autour d’une réflexion inclusive avec des termes de références précis, des Bonnes volontés doublées d’expertises, les Partenaires et Acteurs traditionnels au Pèlerinage comme les Associations d’Opérateurs privés, les Autorités, des Représentants de ceux qui, dans l’Administration seraient concernés par la gestion d’un volet du Pèlerinage.

Autrement dit, le message très fort que nous voulons véhiculer et sur lequel nous terminons : « le Pèlerinage ne peut plus être géré et laissé sous la responsabilité d’une seule personne (un Commissaire Général secondé par un adjoint), mais il devrait être piloté par une véritable Equipe complète, expérimentée et solidaire, nommée par Décret et supervisée par une Commission ad hoc dont les membres sont nommés par Décret ou Arrêté qui définit un Cahier des Charges et un Contrat de performance à cette Equipe, qui suit et évalue ses activités  ».

Pour notre part, nous restons à la disposition de notre pays et partant des Autorités, d’abord pour aider à rédiger les termes de référence de la Concertation nationale.

Notre ambition n’est pas d’occuper une quelconque station dans le pilotage du Pèlerinage à la Mecque, comme pourraient le penser certains. Nous ne somme demandeur de rien. Mais, nous souhaiterions juste contribuer, par notre disponibilité et notre expertise individuelle à une meilleure gestion, à une gestion plus intelligente du Pèlerinage.

SUITE ET FIN

                                                        Dr Samba Aw

                                       Professeur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar

                    Professeur associé au CESAG, Expert en Pèlerinage et Chercheur

                    Responsable du Grenier du Patriarche du Président Mamadou Dia

                  BP. 10402 Dakar – liberté ; Tel. 77 278 89 43 / 77 809 53 59

                  E.mail. bathiesambaaw@gmail.com

 

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