Publié le 1 Feb 2020 - 08:13
LANCEMENT RAPPORT PAYS DU MAEP

Comptes et mécomptes de la gouvernance Sall

 

Durant 40 longues minutes, Macky Sall s’est lâché, hier, à l’occasion du lancement du rapport pays du MAEP, sur l’état de la gouvernance politique, économique, ainsi que sur la démocratie et les libertés publiques. L’ombre de Guy Marius Sagna, maintenu en prison pour avoir manifesté contre la hausse du rix de l’électricité, a plané au Cicad.

 

Ceux qui rêvent encore de voir des hordes de manifestants déferler sur le palais de l’Avenue Roume, ou même à la Place de l’indépendance, n’ont qu’à déchanter. De l’avis du président de la République, vouloir marcher sur ces dites artères n’est ni plus ni moins que vouloir troubler l’ordre public. Il peste : ‘’Au Sénégal, l’autorisation est la règle. L’interdiction l’exception. Mais, quand on dit : on va marcher à la Place de l’indépendance, ou devant le Palais de la République, c’est qu’on ne veut pas une marche pacifique’’. Cela dit, le chef de l’Etat soutient, qu’ailleurs sur le territoire national, les marches sont systématiquement autorisées. Mieux, l’Etat met à la disposition des manifestants policiers et sapeurs-pompiers pour les encadrer. Puis, sur un ton ironique, Macky lance dans le jardin des contestataires. ‘’Les policiers sont d’ailleurs là pour les encadrer. Et les sapeurs-pompiers sont, aussi, derrière pour les marcheurs fatigués. C’est pour qu’ils bénéficient d’une assistance’’, a-t-il dans une salle hilare.  

Puis retrouve un air plus sérieux, le président de la République a martelé : ‘’Personne ne peut nier que le Sénégal est un pays démocratique. L’exercice des libertés fait souvent polémique, certes, mais vous savez très bien que le Sénégal est une démocratie. Et l’exercice des libertés publiques est garanti. Il ne souffre d’aucune limitation. Sauf nécessité de prévenir les risques de troubles à l’ordre public, de garantir la libre circulation des personnes et des biens et d’assurer leur sécurité’’. Macky Sall de convoquer les chiffres pour justifier ses propos. Ainsi, renseigne-t-il, en 2018, sur 4828 déclarations de manifestations publiques, seules 118 ont été interdites, soit un pourcentage de 2,44% ; au troisième trimestre de l’année 2019, sur 4284 DMP, seules 71 n’ont pas été accordées soit un taux de 1,68%.

Dans ce contexte marqué par l’internalisation du combat pour la libération du combattant Guy Marius Sagna, Macky Sall s’est également érigé en défenseur de l’indépendance de la Justice. A l’en croire, cette indépendance est loin d’être un vœu pieu. ‘’Les juges, soulignent-ils, ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi et de leur conscience. Il ne saurait être question d’une quelconque ingérence. Ni de la part de l’exécutif encore moins d’autres entités’’.

Quand Macky vante le dialogue politique

En outre, comme pour marquer sa bonne foi à consolider l’Etat de droit et la démocratie, le chef de l’Etat a tenu à rappeler son engagement à instaurer un dialogue permanent avec tous les acteurs de la vie publique. A cet effet, il n’a pas manqué de saluer les multiples consensus issus du dialogue politique : Report des locales, audit du fichier et du processus électoral, élections des maires et présidents de conseils départementaux au suffrage universel… C’est le moment choisi par le président de la République pour railler les non-alignés. Macky Sall : ‘’On a eu, grâce au dialogue politique, quelques avancées notables… Pour la première fois, l’opposition, le pouvoir et ce qu’on appelle les non-alignés -ni opposition ni pouvoir, dit-il en éclatant de rires, tous sont tombés d’accord sur la nécessité de reporter les élections, le temps de faire un autre consensus : l’audit du fichier et du processus électoral…’’.

Aussi, précise-t-il : ‘’Il y a –et ici c’est le pouvoir qui a lâché, car tout le monde sait qu’avant c’était moitié proportionnelle, moitié majoritaire- à la demande de l’opposition, donc, on est à 55% pour la proportionnelle qui arrange les petits partis, 45% pour la majorité. ‘’C’est dire que c’est par conviction que j’ai lancé ce dialogue national. Parce qu’une œuvre humaine n’est jamais parfaite. Je pense que ce dialogue est nécessaire et vital pour la consolidation de notre démocratie’’, a-t-il ajouté.

Les vérités de Macky Sall aux universités et aux entreprises

Sur un tout autre registre, le président de la République a réitéré l’engagement de son gouvernement à rendre plus actif le rôle du secteur privé national dans l’économie. Dans la même veine, il les invite à travailler de concert pour être beaucoup plus compétitifs par rapport à la concurrence étrangère. ‘’Il faut qu’ils se regroupent, pour faciliter leur implication dans les grands marchés du PSE. Les petites sociétés individuelles, familiales, ne nous permettent pas de les mettre en avant’’.

Par ailleurs, reconnait le chef de l’Etat, l’un des casse-têtes de son régime, malgré les multiples efforts déployés, c’est l’emploi des jeunes. Sur ce registre, il appelle les universités à s’adapter et à répondre aux exigences du marché. ‘’L’emploi des jeunes, c’est une grande équation. Et c’est là où les universités doivent nous aider. On ne peut pas former tous les étudiants à devenir des fonctionnaires. Il faut que l’entrepreneuriat soit inscrit dans les curricula. Comme ça se fait dans les universités anglo-saxonnes ; afin que les jeunes qui sortent des universités puissent entreprendre et même devenir créateurs d’emplois, s’ils sont accompagnés’’, a-t-il dit.

‘’Par la création des masters à tour de bras, on sacrifie les étudiants’’

Toujours à propos des universités, le président de la République a salué la mise en place, depuis quelques années, de l’Autorité nationale d’assurance qualité de l’enseignement supérieur, mais l’invite à faire preuve de plus de rigueur dans le processus d’autorisation de la création de certaines filières. ‘’J’ai demandé à l’Anaq-sup d’être plus regardant sur les curricula et les masters qui sont créés à tour de bras dans nos universités. Il faut que l’autorisation de création de ces masters obéisse à des besoins du marché. Parce qu’autrement, on sacrifie les étudiants. Il faut donc, sur ce plan, qu’il y ait une plus grande rigueur’’.

Sur le ton de l’ironie, il raille certaines formations : ‘’Autrement, on est spécialisé en physique moléculaire ou en master quelque chose… Mais qu’est-ce que ces jeunes vont devenir ? Après, on les a entre nos mains et ils feront des grèves de la faim et autres. Il faut plus de cohérence dans la création des filières’’, a ordonné le chef de l’Etat sous les applaudissements de la forte cohorte d’étudiants présents dans la salle. S’adressant à eux, il questionne : ‘’Vous êtes d’accord les étudiants ?’’ Ces derniers de répondre par des applaudissements encore plus nourris.

Ce défi, à en croire le chef de l’Etat, doit être relevé avec la participation de tous les acteurs, notamment les entreprises qui, avec les réformes universitaires, sont dans les Conseils d’administration des universités. Dans le cadre toujours de l’amélioration de la qualité de l’éducation, il rappelle que le gouvernement a consenti des efforts en élargissant la carte universitaire par un maillage de tout le territoire national, avec la création de l’université virtuelle du Sénégal. ‘’L’adaptation de l’offre de formation aux besoins de l’économie est prise en charge à travers la création de l’institut national de Pétrole et du Gaz, compte tenu des nouvelles perspectives du Sénégal’’, a-t-il renchéri. 

Par ailleurs, le Président Sall est revenu sur les mesures mises en œuvre pour améliorer l’accès à certains services sociaux de base. A cet effet, répondant aux pourfendeurs de la mesure portant hausse du prix de l’électricité, il informe : ‘’Il faut, au moins, 650 milliards Francs Cfa pour arriver à l’accès universel. La solidarité doit donc jouer. C’est pourquoi, nous citadins devons penser à nos parents qui sont en milieu rural’’. A l’en croire, 45% de Sénégalais, en milieu rural, n’y ont pas accès ; pour ce qui est de l’accès à l’eau potable 18,5% de Sénégalais n’y ont pas accès en milieu rural ; quant à l’accès aux latrines, il annonce un gap de 23. A noter que ce samedi 1er février, le chef de l’Etat invite tous les Sénégalais à sortir pour rendre le Sénégal propre.

Les défis de la gouvernance

De manière générale, il est ressorti du rapport présenté hier que le Sénégal fait office d’un très bon élève en matière de gouvernance. Toutefois, quelques insuffisances ont été relevées par les experts indépendants qui ont sillonné les 14 régions du Sénégal. Ces insuffisances ont trait, notamment, aux efforts à réaliser, dans le cadre de la responsabilité sociétale des entreprises.

Aussi, souligne le présentateur du Rapport Monsieur Haggar, il y a également l’épineux problème du chômage, particulièrement celui des jeunes, le niveau élevé de la pauvreté, la persistance des inégalités, les disparités entre les régions, les pesanteurs socio culturelles qui entravent les droits des femmes et des enfants, le problème des talibés...

Après le diagnostic, les évaluateurs ont prescrit l’ordonnance qu’il faudra mettre en œuvre pour soigner le patient de ses maux. Ainsi, a été adopté un plan national d’actions pour la mise en œuvre effective des recommandations. ‘’Le MAEP est persuadé qu’avec une bonne dose de volonté, ce qui est manifeste au Sénégal, les défis pourront être relevés. Il faudra produire, annuellement, des rapports d’étape pour permettre au MAEP d’évaluer les avancées notées dans la mise en œuvre du PNA.

Il faut aussi noter que le chef de l’Etat s’est montré en phase du point de vue de la conformité entre le Rapport et la réalité.



Comme au carnaval

Des dizaines de cars Ndiaga Ndiaye mobilisés, des militants affrétés de tous les recoins de Dakar pour applaudir pour un oui ou un non, la politique a, également, été très marquée, hier, à Diamniadio.

La sobriété, chantée à l’aube de la deuxième alternance, a été enterrée, hier, sur les terres de la nouvelle ville de Diamniadio. Venus de tous les recoins de la capitale, les participants ont rivalisé d’ardeur, pas dans la connaissance du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs, mais plutôt dans le folklore et le tintamarre. Dès l’entrée au majestueux Centre international de conférence Abdou Diouf, le visiteur est attiré par la présence d’hommes et de femmes aux apparences peu ordinaires. Il s’agit des troupes Sopaneté de Bargny et Sory Camara de Grand Yoff. Seynabou Ndoye appartient à la première. Visiblement éprouvée, après quelques pas de danse de ‘’ndawrabine’’ (une danse traditionnelle des lébous), elle est sagement assise par terre. Le MAEP, elle ne sait pas ce que c’est. Avec ses camarades, elles sont, là, juste pour faire une prestation, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes. ‘’Nous sommes payés pour ça. On va partout dans le pays pour faire des prestations. Les tarifs varient en fonction de la distance parcourue. Nous ne sommes ni avec Jean ni avec Paul’’.

Un peu plus loin, sont parqués Aissatou Ba et plusieurs de ses camarades, venus de la banlieue, plus précisément de Guédiawaye pour assister à l’évaluation-spectacle du MAEP. La bonne dame, qui n’arrive même pas à lire les mentions sur son tee-shirt blanc, semble plutôt obnubilée par la chorégraphie de ses parents peuls de la troupe Sory Camara de Grand Yoff. Un véritable air de carnaval avec des images délirantes des animateurs tout en transe. Sokhna Faye, teint clair, les hanches entourées de perles, ne cache pas sa joie de participer au spectacle en l’honneur du président de la République, Macky Sall. ‘’Nous sommes là pour l’accompagner parce qu’il fait un bon travail. Je ne connais pas le MAEP. On nous a juste dit qu’on a un spectacle à Diamniadio’’, clame-t-elle au milieu de ses camarades aux tuniques traditionnelles.

Loin de toute cette euphorie, Youssou Camara fait partie de la forte cohorte d’étudiants déplacés pour la circonstance. Le jeune, dont la sérénité contraste d’avec l’enthousiasme des précédents interlocuteurs, attend sagement le démarrage des activités. Lui est bien au fait de ce qui est en passe de se discuter. Il dit ne pas comprendre tout le folklore qui accompagne l’activité. ‘’Pour moi, on pouvait vraiment s’en passer. Je pense qu’on peut bien associer les populations, mais pas sous cette forme’’, lance-t-il tout en saluant l’organisation de la cérémonie ainsi que la mise en place du mécanisme. ‘’Je pense, dit-il, que ce mécanisme est très important. C’est destiné à l’évaluation de la bonne gouvernance dans les pays africains. Au Sénégal, il y a encore beaucoup d’efforts à faire. Certains points sont laissés en rade et j’espère que l’Etat fera tout pour les améliorer’’.

Si le défi était de remplir la Salle mythique, c’est pari réussi. A 16 heures 30 minutes, déjà, la salle est pleine à craquer. Et le tonitruant Mbaye Pekh monte sur la scène pour enflammer le public. Leur demandant de garder calme et sérénité, il n’a cessé de tresser des lauriers au maitre d’œuvre de cette journée, Maitre Malick Sall. A l’intention du chef de l’Etat, l’ancien griot de Maitre Abdoulaye Wade dira : ‘’Mossoul degue mougneul bamou commencer politique ba leegui. Vous avez complètement transformé le pays, depuis que vous êtes arrivés au pouvoir. Seuls les aveugles ne vont s’en apercevoir. Thiowal mbott meunoul terree nak naani. (littéralement : le bruit des grenouilles ne peut empêcher le taureau de s’abreuver’’. Allez savoir qui est la grenouille et qui est le taureau.

MOR AMAR

 

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